L’auteure est coordonnatrice de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Ministre de la Santé et des Services sociaux,
Depuis le début de la pandémie, le milieu communautaire n’a pas été « mis sur pause ». Au contraire, celle-ci se vit de manière très intense chez ceux qui interviennent sur des questions santé et de services sociaux. L’accompagnement et l’hébergement de personnes en situation de vulnérabilité en lien avec l’itinérance, la violence, les dépendances, la précarité alimentaire, les difficultés de santé mentale font partie des exemples les plus visibles de leurs actions.
Alors que votre gouvernement n’a que de bons mots face à leur caractère essentiel, sa stratégie de vaccination pour la COVID-19 ne tient actuellement pas compte des personnes qui fréquentent les organismes communautaires ni de celles qui les soutiennent.
La stratégie actuelle néglige les facteurs de vulnérabilité des personnes qui fréquentent les organismes communautaires : états fragiles de santé physique et mentale, conditions de vie précaires et stratégies de survie qui compliquent le respect de la distanciation et des consignes sanitaires. Un grand nombre demeurent des espaces d’accueil, et comme tout lieu de ce type, leur fréquentation implique des risques d’éclosion, comme c’est le cas actuellement dans plusieurs refuges pour personnes itinérantes.
Jusqu’à présent, seule la direction de la santé publique de Montréal semble planifier la vaccination d’une partie des personnes en situation d’itinérance, pour maîtriser les plus fortes éclosions. Cependant, les 500 vaccins réservés sont loin de suffire pour vacciner plus de 3 000 personnes itinérantes, et rien ne semble prévu pour les personnes vivant d’autres situations de vulnérabilités. De plus, l’initiative montréalaise ne remplace pas une directive globale, applicable dans toutes les régions.
Depuis le début de la pandémie, les organismes communautaires en santé et services sociaux ont fait preuve d’une capacité d’adaptation hors pair pour adapter leurs activités, tout en composant avec une pénurie de ressources humaines, salariées comme bénévoles et une situation financière précaire. Comme si cela ne suffisait pas, ils ont dû se battre contre les exigences bureaucratiques abusives dans l’attribution des fonds d’urgence, ainsi qu’afin d’adapter les règles des subventions régulières au contexte de pandémie. Ces luttes ont permis de corriger la situation, mais au prix d’énergies considérables, situation qui ne doit pas se reproduire avec la question de la vaccination.
Lors du point de presse du 11 janvier dernier, le ministre Dubé a indiqué que les équipes des groupes communautaires seraient priorisées, au même titre que le personnel des établissements du réseau. Or, dix jours plus tard, les démarches pour obtenir cette confirmation sont restées lettres mortes, ni les directives ministérielles, ni aucun document officiel n’en faisant mention.
En plus d’être confronté à un risque de contamination accru dans le cadre de leur travail, le personnel doit faire face à la menace constante de devoir suspendre des activités essentielles en cas d’éclosion. La mort tragique de Raphaël André, à quelques mètres d’un refuge dont les portes étaient fermées à la suite d’une éclosion, nous rappelle l’ampleur des besoins des personnes les plus marginalisées, en plus d’illustrer la nécessité d’alléger l’application du couvre-feu.
C’est pourquoi nous vous demandons de prioriser la vaccination des personnes en situation de vulnérabilité qui fréquentent les organismes communautaires, ainsi que les personnes qui y travaillent ou y consacrent du temps bénévolement. Nous vous demandons de porter une attention particulière à l’ensemble des situations de vulnérabilité, notamment en raison de l’âge élevé, d’enjeux de dépendance ou d’itinérance, de fragilité dans l’état de santé mentale ou physique, des conditions d’hébergement répondant à des situations d’urgence, etc.
En assurant ainsi la protection des acteurs du milieu et des personnes qu’ils soutiennent, le gouvernement sera en mesure de prévenir de nouvelles éclosions lourdes de conséquences tout en préservant notre filet social pour les personnes qui sont parmi les plus touchées par la crise.
Les organismes communautaires ne réclament pas de traitement de faveur. C’est leur grand sens des responsabilités qui les amènent à demander d’annoncer clairement que vous avez leur santé à cœur.
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