Vague décoloniale à l'université : «Un virus made in USA a déferlé sur l’Europe»

Vague décoloniale à l'université : «Un virus made in USA a déferlé sur l’Europe»

Soixante-seize universitaires lancent un «Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires» pour dénoncer l’influence de ces mouvements dans l’enseignement supérieur. Eclairage avec le professeur de droit public Anne-Marie Le Pourhiet.

Le 14 janvier, 76 professeurs et chercheurs en université ont lancé un appel dans Le Point pour «mettre un terme à l’embrigadement de la recherche et de la transmission des savoirs» causé, selon eux, par la «vague identitaire sans précédent au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche».

«Un mouvement militant entend y imposer une critique radicale des sociétés démocratiques, au nom d’un prétendu « décolonialisme » et d’une « intersectionnalité » qui croit combattre les inégalités en assignant chaque personne à des identités de « race » et de religion, de sexe et de « genre »», écrivent les universitaires. En riposte, ils ont en parallèle décidé de créer un «Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires», en poussant les enseignants du supérieur à se mobiliser.

Le professeur en droit public à l’université Rennes-I Anne-Marie Le Pourhiet fait partie des signataires. Cette ardente défenseur de la République alerte, auprès de RT France, sur la progression des intersectionnels, racialistes et indigénistes en France, «un virus made in USA» qui, pour elle, «a déferlé sur l’Europe». Elle rappelle au passage que «certaines souches étaient elles-mêmes issues de la French Theory [théorie au sein de laquelle la déconstruction tient une place centrale]».

Anne-Marie Le Pourhiet constate ainsi que «ce n’est pas seulement une transmission universitaire» : «Les militants, lobbies et ONG de la « société civile », dont certains financés par des fondations américaines, y ont aussi abondamment contribué et ont infiltré à la fois l’Union européenne et les institutions françaises.» «Il y a une osmose, une « mode » qui se diffuse en réseaux par « pulsion mimétique » mais également grâce à quelques millions de dollars « philanthropiques »», ajoute-t-elle.

Reste qu’elle se préoccupe évidemment de l’influence de ces identitaires dans l’enseignement supérieur. Elle note d’ailleurs que «l’idée générale» de leur philosophie est «calquée sur la dialectique marxiste» avec un nouvelle déclinaison : «L’Etat et les droit seraient des structures, non plus d’exploitation du prolétariat par la bourgeoisie, mais d’exclusion et de domination des hommes sur les femmes, des Noirs sur les Blancs, des hétérosexuels sur les gays, des étrangers sur les nationaux, etc.»

La science politique serait «envahie» par la «doctrine» décoloniale

Elle constate d’autre part que ce sont dans les sciences molles «où le charlatanisme est permis, qui sont le terrain de jeu de ces idéologies». Par voie de conséquence, «ce sont surtout la sociologie, la science politique, l’histoire, la géographie – notamment le secteur dit de la « géographie sociale » – l’anthropologie et les arts qui sont envahis par cette doctrine devenue une véritable religion», précise Anne-Marie Le Pourhiet en pointant particulièrement du doigt la science politique qui aurait «basculé», avec «la constitution d’un clivage très marqué chez les collègues politistes».

Dans la tribune parue dans Le Point, il est en outre mentionné que «de jeunes doctorants» doivent se plier à cette idéologie «pour obtenir un poste» dans les universités. Elle explique effectivement que «des comités de sélection composés de spécialistes de ces studies recrutent et promeuvent leurs poulains au sein de leur « école »». «L’on s’auto-recrute ou s’auto-promeut par tribalisme idéologique», détaille-t-elle. Pour l’instant préservées, les sciences dures (comme la physique) ne peuvent se permettre, selon Anne-Marie Le Pourhiet, «d’accueillir des bonimenteurs, des raisonnements falsifiés, des résultats erronés et des slogans en guise d’arguments».

Plusieurs collègues juristes se sont déjà fait lyncher avec demande de suspension pour avoir

émis des jugements critiques sur des préceptes religieux, des mœurs ou des revendications communautaires

Quant au droit, discipline dans laquelle elle exerce, celui-ci serait «situé entre les deux types de science mais tend à se ramollir dangereusement et à perdre de la rigueur avec le soft law». Elle témoigne de fait que «plusieurs collègues juristes se sont déjà fait lyncher avec demande de suspension pour avoir émis des jugements critiques sur des préceptes religieux, des mœurs ou des revendications communautaires».

«Certains responsables universitaires ne sont aujourd’hui même plus capables de protéger l’indépendance et la liberté d’expression des enseignants-chercheurs», s’inquiète-t-elle en remarquant que des «doyens et présidents d’Université ont si peur des « incidents » et des syndicats étudiants qui les élisent, qu’ils n’hésitent pas à annuler une conférence ou à « lâcher » un collègue au lieu de le défendre».

Pour sa part, Anne-Marie Le Pourhiet a été confrontée à ce genre de difficulté à la faculté de droit de Martinique lorsqu’elle y professait. Refusant la discrimination positive, qu’elle décrit comme une «discrimination « négative » à l’encontre des étudiants», elle reconnaît avoir «reçu des pressions pour faire recruter ou promouvoir tel ou tel candidat « local » de piètre qualité». «Mais je n’ai pas obéi», assure-t-elle. Elle évoque aussi le jour où le Conseil scientifique lui a refusé une subvention pour un colloque, «au motif qu’il y avait trop de « Blancs » parmi les intervenants». «J’ai trouvé des subventions ailleurs, notamment chez Aimé Césaire à la mairie de Fort-de-France», complète-t-elle, se satisfaisant malgré tout qu’elle n’ait encore jamais eu de pressions sur le contenu de son enseignement en droit. «Elles n’auraient de toute façon aucun effet», explique la juriste, connue pour avoir pris position publiquement à de nombreuses reprises contre le décolonialisme et en faveur de l’universalisme républicain.

Des idéologies «totalitaires et sectaires excluant la dissidence sous la menace, l’injure et l’excommunication»

Pour ces raisons, la spécialiste de droit constitutionnel soutient la démarche de l’Observatoire car, dit-elle, il y a «besoin d’un espace pour critiquer ces idéologies déguisées en sciences, qui se répandent dans nos universités et prennent des tournures totalitaires et sectaires excluant la dissidence sous la menace, l’injure et l’excommunication». Cet observatoire lui rappelle  l’Observatoire du communautarisme «qu’avaient initié de jeunes républicains au début des années 2000 et où l’on décrivait en les moquant, sans aucun tabou, absolument tous les communautarismes sans exception».

Cet Observatoire fait écho à l’initiative menée par le parlementaire gaulliste Les Républicains (LR) Julien Aubert et le chef de file des députés LR Damien Abad. Ceux-ci réclament l’ouverture d’une mission d’information sur «les dérives intellectuelles idéologiques dans les milieux universitaires». Julien Aubert dénonce en effet régulièrement «l’existence de courants islamo-gauchistes puissants» et la cancel culture (culture de l’annulation) au sein des universités qui ont pour résultat «des livres mis à l’index, la montée des phénomènes communautaires et des mouvements liés au néo-féminisme et au décolonialisme».

Bastien Gouly

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