Par Brian Cloughley − Le 5 janvier 2021 – Source Strategic Culture
Le président américain élu Joe Biden n’est pas un menteur de l’ampleur de son futur prédécesseur qui a fait plus de 20 000 « déclarations fausses ou trompeuses » au cours de sa désastreuse présidence. Mais Joe Biden fait des déclarations oiseuses, comme par exemple lorsqu’il a affirmé avoir rencontré le Premier ministre soviétique Alexeï Kossyguine à Moscou en 1979. En 2007, il écrivait que « Brejnev avait un air pâle ; nous ne le savions pas, mais il était déjà malade et mourant. Le président soviétique s’est excusé après les présentations et a confié la rencontre à Kossyguine ». Cela semble exact. Mais ce n’est pas le cas, car un historien de l’Université de Lille en France, Andreï Kozovoi, a fait des recherches sur la visite et a découvert que Brejnev n’a jamais mentionné avoir rencontré Biden, ni son secrétaire ou toute autre personne lors de la visite. L’ancien sénateur Bill Bradley faisait partie du groupe avec Biden et aurait déclaré : « Brejnev n’a participé à aucune réunion à laquelle j’ai assisté et j’ai participé à toutes les réunions de la délégation lors de ce voyage ».
Ensuite, Biden a affirmé avoir été arrêté en Afrique du Sud sous l’apartheid, en 1990, pour avoir prétendument « essayé de rencontrer » Nelson Mandela en prison. Le Washington Post a découvert que cette histoire était également un ramassis d’inepties – et Biden a été contraint de l’admettre.
Ce qui nous amène à l’interview de Biden publiée dans le New Yorker en juillet 2014, dans laquelle il décrit une visite à Moscou en 2011 au cours de laquelle il a rencontré le Premier ministre de l’époque, Poutine . Biden y déclare : « J’avais un interprète, et quand il m’a montré son bureau, j’ai dit : ‘C’est incroyable ce que le capitalisme peut faire, n’est-ce pas ? Un bureau magnifique ! Et il a ri. En me retournant, j’étais tout près de lui », en signalant que les deux dirigeants se tenaient à quelques centimètres l’un de l’autre. J’ai dit : « M. le Premier ministre, je vous regarde dans les yeux et je ne pense pas que vous ayez une âme ». Pressée de savoir si l’anecdote était vraie, Biden confirma, « absolument, positivement… Et il s’est retourné vers moi, a souri et a dit : « Nous nous comprenons. »
C’est une autre histoire à la Mandela ? Une autre invention de l’imagination de Biden ? Ou est-ce vrai et, si oui, qu’est-ce que cela signifie ? Et si ce n’est pas vrai, qu’est-ce que cela peut signifier ?
La position actuelle de Washington concernant la Russie et la Chine est sans réserve antagoniste. Ces pays sont considérés comme ennemis et la stratégie de défense nationale des États-Unis montre l’intransigeante et agressive intention « de restaurer l’avantage concurrentiel de l’Amérique en empêchant la Russie et la Chine, rivales mondiales, de défier les États-Unis et nos alliés ».
En ce qui concerne la Russie, le comité de campagne de Joe Biden a publié un pamphlet observant que « le soutien à long terme de Joe Biden aux États baltes et sa confiance dans l’engagement des États-Unis envers leurs alliés de l’OTAN sont contraires à ceux de Donald Trump, qui a commencé à remettre en question la valeur des alliances de l’OTAN », tandis que « en mai 2003, Joe Biden a voté avec enthousiasme pour l’adhésion de l’Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie à l’OTAN. Depuis lors, l’engagement de Biden en faveur de la sécurité de la Baltique n’a fait que s’accroître ». Et le 25 octobre 2020, Biden déclarait publiquement que « la plus grande menace pour l’Amérique en ce moment, en termes de rupture de la sécurité et de nos alliances, est la Russie ».
Il est peu probable que la Russie soit très préoccupée par la position de Biden, même si Moscou préférerait développer le commerce mutuel, renforcer le contrôle des armes nucléaires et améliorer la coopération générale tout en faisant progresser les liens avec d’autres régions et nations, notamment la Chine.
Le 28 décembre, Biden exposait clairement sa politique à l’égard de la Chine en déclarant : « Alors que nous sommes en concurrence avec la Chine et que nous tenons le gouvernement chinois pour responsable de ses abus dans les domaines du commerce, de la technologie, des droits de l’homme et autres, notre position sera beaucoup plus forte lorsque nous formerons des coalitions de partenaires et d’alliés partageant les mêmes idées ». Le problème de cette diatribe est que deux jours plus tard, comme le rapporte le Financial Times, « l’UE et la Chine ont signé un traité d’investissement très attendu qui vise à ouvrir de nouvelles opportunités lucratives pour les entreprises ». Le journal note que Biden pourrait être contrarié par cet arrangement très souhaitable, décrit par le commissaire européen au commerce comme « l’objectif le plus ambitieux que la Chine ait jamais convenu avec un pays tiers » en termes d’accès au marché, de concurrence loyale et de développement durable. (Et il donne au gouvernement britannique l’air un peu stupide, étant donné sa récente sortie de l’Union européenne).
Biden ignorait-il cela alors que l’UE et la Chine ont négocié pendant sept ans avant de parvenir à cet accord ? Et personne ne lui a parlé de la conversation du 28 décembre entre le président Xi et le président Poutine ? Cet échange n’a pas été rapporté dans des médias tels que le New York Times, bien sûr, mais comme cela est présenté en Chine, le président Xi a déclaré qu’il « est prêt à maintenir un contact étroit avec son homologue russe, Vladimir Poutine, sous diverses formes, afin de conduire leurs pays vers une coordination stratégique globale plus approfondie et une coopération pratique dans divers domaines ». Ce n’était pas que de la politesse prosaïque, bien sûr, et Washington ferait bien de prendre note que la Chine et la Russie ont coopéré pour promouvoir « le développement régulier de la coopération économique et commerciale bilatérale sous la condition d’une prévention et d’un contrôle COVID-19 réguliers, et ont réalisé de nouveaux progrès en alignant la construction de la Nouvelle Route de la Soie sur l’Union économique eurasienne ».
Le South China Morning Post a insisté sur les sentiments du président Xi en disant, « les relations sino-russes ne sont pas affectées par les changements de la situation internationale ou par l’interférence d’autres facteurs. Le renforcement de la coopération stratégique entre la Chine et la Russie peut efficacement résister à toute tentative d’interférence et de division entre les deux pays ». Mais il semble que Washington persiste à unir davantage la Chine et la Russie, car une autre allégation a été faite à propos d’une prétendue prime offerte pour des attaques contre le personnel américain en Afghanistan.
En juin 2020, le New York Times « informait » ses lecteurs que « les responsables des services de renseignement américains ont conclu qu’une unité de renseignement militaire russe a secrètement offert des primes aux militants liés aux talibans pour le meurtre des forces de la coalition en Afghanistan ». L’histoire était bidon, mais la propagande fût efficace, et maintenant certains « hauts fonctionnaires » anonymes répandent une autre histoire juteuse, cette fois-ci en affirmant que « les États-Unis ont la preuve que la Chine a tenté de financer des attaques contre les militaires américains par des acteurs non étatiques afghans en offrant des incitations financières ou des « primes » » et que le Conseil national de sécurité « coordonne une enquête pan-gouvernementale ».
La campagne de propagande contre la Chine et la Russie menée par l’administration américaine, aidée par des médias implacablement agressifs, s’est révélée efficace, et un sondage d’April Pew Poll montre que 62 % des Américains considèrent que « la puissance et l’influence de la Chine constituent une menace majeure », tandis que 71 % ont une opinion négative de la Russie (bien que les Européens fassent plus confiance à Poutine qu’à Trump).
La grande question concerne les intentions de Biden. Considère-t-il vraiment que le président Poutine « n’a pas d’âme » et qu’il est « la plus grande menace » pour l’Amérique ? Et a-t-il l’intention sans équivoque d’essayer de construire une coalition étouffante contre la Chine ? Ce serait une meilleure chose pour des millions de personnes dans le monde s’il réfléchissait plutôt à la coopération croissante entre la Russie et la Chine et s’il décidait que les États-Unis devraient s’engager dans une démarche similaire.
Brian Cloughley est un vétéran de l’armée britannique et australienne, ancien chef adjoint de la mission militaire de l’ONU au Cachemire et attaché de défense australien au Pakistan
Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone
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