Devant la pandémie que nous traversons, chacun a sa propre façon de réagir : se terrer sous une couverture en regardant Netflix, se porter volontaire pour soutenir ceux qui sont plus durement touchés, procrastiner en télétravail… Qu’en est-il des Chevaliers de Colomb ? Les œuvres de ces hommes qui ont toujours eu à cœur d’aider leur prochain en seraient-elles au point mort ? Le Verbe a rencontré trois d’entre eux qui nous racontent comment ils ont su tirer parti de cette nouvelle situation.
En mars dernier, le Chevalier suprême, Carl A. Anderson, lance un nouveau programme intitulé « Ne laissez aucun voisin derrière ». Il souhaite ainsi mettre au défi ses frères Chevaliers de Colomb de profiter de ce moment de tourmente pour approfondir leur engagement envers les principes qui les définissent : la charité, l’unité et la fraternité.
À travers ce programme, il les encourage à participer à cinq types d’activités : soutenir leurs frères Chevaliers, soutenir leur paroisse, soutenir leur communauté, nourrir ceux qui ont faim et participer à des collectes de sang.
Richard Paratte, député d’état des Chevaliers de Colomb au Québec m’explique : « Un des principes, c’est d’entrer en communication avec les membres parce que beaucoup sont confinés chez eux ». En effet, plusieurs ont plus de 70 ans. À travers ce programme axé vers les individus, on suggère aux membres de communiquer entre eux pour prendre des nouvelles, aider pour l’épicerie, etc.
Malgré le fait que leurs activités soient ralenties par la pandémie et que certains Conseils soient fermés, la vie continue et certains Chevaliers ont pris au sérieux cet appel et sont allés de l’avant pour aider ceux qui en ont le plus besoin.
Soutenir sa paroisse
Richard Paratte, pour sa part, participe au programme à travers le service à sa paroisse. Depuis juillet, il aide à la logistique de la messe du samedi 16 heures à Anjou1.
Chaque semaine, ils sont une douzaine de bénévoles qui s’occupent de l’enregistrement, de l’accueil, de la désinfection, etc.
Il s’y rend comme bénévole presque tous les samedis.
« J’aime bien ça. Ça aide la paroisse et ça nous donne l’occasion de nous rencontrer. Il n’y a plus de déjeuners, plus de soupers spaghettis, plus d’assemblées générales depuis des mois. Ça nous donne l’occasion, une douzaine de personnes, de se croiser et de jaser un peu avant et après la messe. »
Nourrir ceux qui ont faim
Dans la région de la Capitale-Nationale, c’est Pierre Verreault, directeur régional au moment du confinement, qui nous raconte comment les Chevaliers de cette région ont participé au programme en venant en aide à la communauté et en nourrissant ceux qui ont faim.
« Quand le Québec a été confiné en mars dernier, je cherchais un moyen pour que les Chevaliers puissent intervenir pour aider les gens parce qu’il y a beaucoup de monde qui se sont retrouvés sans emploi et que les banques alimentaires avaient besoin d’aide. »
Le Grand Chevalier du Conseil de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, Mario Jacques, porte lui aussi ce désir. Étant cuisinier de métier, il propose à Pierre Verreault un projet : cuisiner des repas et les distribuer avec l’aide des Conseils de la région qui voudront bien participer. Dix-sept Conseils acceptent de se joindre à eux. Ils fourniront un montant d’argent et se chargeront d’aller distribuer les repas dans les banques alimentaires de leurs secteurs respectifs.
Comme ils ont besoin d’une cuisine professionnelle pour un projet de cette envergure, Mario Jacques communique avec le directeur du camp Portneuf et obtient de pouvoir utiliser la cuisine du camp. « Ça a été extraordinaire d’avoir cette place-là pour pouvoir travailler ! » s’exclame M. Verreault.
Du 3 au 9 avril 2020, 5 à 6 bénévoles se mettent à l’ouvrage. Tout en respectant la distanciation, ils cuisinent, mettent en portions, emballent, étiquètent… Ils préparent ainsi 3200 repas de pâtes italiennes qui seront distribués dans 18 banques alimentaires. Cela représente 290 heures de bénévolat et 1250 kg de nourriture transformée !
Devant le succès de cette première expérience et à cause des besoins toujours criants, ils décident de poursuivre avec une deuxième phase. Cette fois, ce seront 5000 portions individuelles de macaroni et de riz chinois qui seront cuisinées, toujours au Camp Portneuf, du 28 avril au 7 mai. Cela représente un don de 24 000 $, 360 heures de bénévolat et 2100 kg de nourriture transformée.
Pierre Verreault raconte son expérience : « Moi j’ai travaillé beaucoup sur la livraison. Je suis allé jusqu’à Baie-St-Paul pour aller livrer dans la période où le chemin était fermé par la Sureté du Québec. Comme j’avais une remorque avec de la nourriture pour les banques alimentaires, ils m’ont laissé passer. »
Dans les banques alimentaires, il constate que beaucoup de gens ne sont pas des habitués de ces endroits. Il s’émerveille aussi des bénévoles : « On a rencontré des gens extraordinaires : des gens qui travaillent dans les banques alimentaires, qui se dévouent à longueur d’année et qui là, étaient encore plus occupés que d’habitude. »
« Tout ça a été une expérience très enrichissante. Le confinement, c’est une chose qu’on n’avait jamais vécue. Et voir plein de gens perdre leur emploi d’un coup, comme Chevalier de Colomb, ça vient nous chercher. Je ne voulais pas rester les bras croisés en attendant que ça passe. Je voulais être présent parmi les gens et être capable d’aider. Ça a démontré que les Chevaliers de Colomb étaient présents et qu’ils étaient là pour aider les gens. »
Soutenir sa communauté
En Estrie, les Chevaliers de Colomb se sont aussi mis à l’œuvre. Pierre Côté, Grand Chevalier du Conseil de Saint-Élie-d’Orford nous partage son expérience. « Tout a commencé en mars 2020 avec le confinement. Lorsqu’on a vu ce qui se passait, on s’est dit qu’il fallait sortir des sentiers battus. »
Ayant déjà une banque alimentaire contenant de la nourriture non périssable, ils décident d’offrir aussi de la nourriture périssable. Mais comment organiser cela ? Après quelques recherches, ils trouvent un grossiste alimentaire à Montréal qui accepte de leur donner des denrées. « Lorsque j’ai parlé avec lui et que j’ai expliqué la situation, il m’a dit : “Y a pas de problème. Venez, on vous attend !” C’est bien beau, me suis-je dit, mais moi j’ai juste un “pickup”. Avec un “pickup”, je ne ramasserai pas grand-chose ! »
Un de ses confrères fait des démarches auprès de plusieurs compagnies de location. L’une d’elles accepte de leur prêter un camion. La première fois, elle leur prête un camion de 14 pieds.
« 14 pieds, ça parait grand, mais quand on est arrivé chez le grossiste, on était 3 pieds plus bas que le “dock” [NDLR : le quai d’embarquement, conçu pour des poids lourds] ! C’était pas assez gros. Et eux nous disent : “C’est parce que nous, on a 5 palettes à vous donner.” Ça n’embarque pas dans un 14 pieds, 5 palettes ! Et on est mal installé, comment on va faire ? Il a fallu qu’on défasse tout, palette par palette, et qu’on les refasse dans le camion. Une job de moine… Mais on a réussi à rentrer 4 palettes. »
Tous les lundis, ils retournent chercher des denrées. Comme toutes les églises sont fermées durant cette période, la paroisse Saint-Paul leur donne la permission de se servir du local des Chevaliers de Colomb dans la sacristie pour faire leur banque alimentaire. N’ayant pas de réfrigérateur, ils gardent la température au minimum. Ils opèrent ainsi la banque alimentaire jusqu’en mai et nourrissent 1400 familles.
Des sacs d’écoles pour tous les enfants
En juin, comme chaque année, les frères Chevaliers souhaitent donner des Méritas aux élèves de Saint-Élie, mais cette fois, ce n’est pas possible. Ils décident donc de se rabattre sur la rentrée scolaire. Pierre Côté trouve un programme du gouvernement fédéral qui offre jusqu’à 25 000 $ de bourse pour acheter des fournitures scolaires, habits de neige, bottes, tuques, etc. Il en fait la demande et celle-ci est acceptée ! Ils reçoivent 25 000 $ du Fédéral. Ils approchent aussi Bureau en Gros de Sherbrooke qui accepte de leur donner un 15 000 $ supplémentaire en fournitures scolaires.
« Ça a tellement fait le bonheur des familles de voir ce qu’on pouvait faire pour les aider dans ce domaine-là ! » s’exclame Pierre Côté. Les Chevaliers de Colomb ont ainsi pu aider 525 enfants de Saint-Élie et du nord de Sherbrooke.
Lorsqu’elles viennent chercher des fournitures scolaires, plusieurs familles demandent en même temps de l’aide alimentaire. Certaines avouent ne plus rien avoir dans leur réfrigérateur. « On a rencontré des familles qui ont plusieurs enfants et qui en arrachent vraiment, » constate M. Côté, mais il ajoute : « Je suis fier d’être Chevalier à cause de ça. Donner au suivant et se sentir utile dans la communauté, c’est quelque chose… »
Une petite fille d’environ 10 ans vient chercher des fournitures scolaires avec sa mère. Venant d’une famille qui a des difficultés sur le plan financier, elle avait toujours eu du matériel scolaire aussi usagé qu’usé. En voyant les boites à lunch et les sacs d’école neufs, encore dans les emballages, elle n’en revient pas. Submergée par l’émotion, elle éclate en sanglots. « C’était vraiment émouvant », avoue le Chevalier.
« C’est gratifiant pour nous. Ça nous remet les valeurs aux bonnes places. On est là pour s’entraider. J’étais honoré, avec ma conjointe, qu’on puisse vivre ces moments-là. On souhaite aux gens de pouvoir vivre ça une fois dans leur vie. »
Et ça continue… Après la guignolée de 2020 qui a été un franc succès malgré les contraintes, Pierre Côté et ses frères Chevaliers commencent déjà à préparer la prochaine rentrée scolaire.
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- Ces propos ont été recueillis avant la mise en place des nouvelles mesures sanitaires.
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