Klô Pelgag (Chloé Pelletier-Gagnon de son vrai nom) est connue pour son mystérieux flegme teinté d’excentricité. À l’été 2018, on pouvait la voir s’avancer dans l’église de Sainte-Thérèse, mitre sur la tête, pour célébrer une messe transfigurée. Elle a fait paraitre cet été son troisième album, Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, une œuvre pop-baroque qu’elle qualifie de « disque de réconciliation, de renaissance, d’affranchissement ». Le Verbe a voulu en apprendre davantage sur son univers haut en couleur dans lequel point une importante sensibilité.
Plusieurs croyants ont perçu ta messe transfigurée comme une moquerie ou un affront. Quelles étaient tes motivations ?
Ah ! la messe transfigurée ! Ça, c’est le festival Santa Teresa qui nous a proposé de faire un spectacle dans une église, puis ils nous ont demandé un spectacle qu’on n’avait jamais fait et dans lequel je me laisserais aller dans une mise en scène spéciale. Je me disais qu’on pourrait jouer sur les symboles de l’Église, mais en même temps, je trouvais que c’était un peu malaisant parce que je ne voulais pas qu’on manque de respect.
L’idée donc de la messe transfigurée, c’est de voir la messe dans l’autre sens. Le concept, c’était plus de célébrer la musique comme une déesse. Dieu était remplacé par la musique. Il y avait tout le sermon du début qui appelait à respecter la musique.
En effet, en lisant le sermon (cliquez ici), on comprend bien qu’il y a un aspect divin dans la musique.
Ben oui, je pense que oui ! Il y a quand même cette relation entre la musique et la religion, surtout dans la musique classique. Beaucoup de commandes ont été faites par l’Église à des compositeurs. Elle a été quand même un grand vecteur de création et d’art.
La dernière année a été plutôt mouvementée pour toi : la grossesse, la maladie et la mort de ton père. Comment as-tu vécu le fait de naviguer à travers la mort et la vie de cette manière ?
C’est surréaliste en fait. Cette dernière année est vraiment étrange à plein de points de vue, ça ne cesse pas de l’être. En fait, si on parle de mon père, il était atteint d’une maladie dégénérative. Ç’a été très éprouvant pour moi, pour lui, pour la famille. La grossesse est en quelque sorte venue jeter un baume sur plusieurs aspects de ma vie et en mettre en perspective plusieurs autres.
Penses-tu qu’être mère va changer ta manière de créer, de concevoir la vie ?
Certainement. Je ne sais pas comment ça va se passer. La pandémie, pour l’instant, me donne l’occasion de passer plus de temps avec mon enfant, et je pense que c’est une très bonne chose. Étant quelqu’un qui vit souvent avec le même cycle : produire un album, être en tournée intensive pendant deux ou trois ans, retomber en création, etc., ça m’aide à casser ce cercle, à être moins hyperactive dans la vie et à prendre plus le temps.
Même si je fais un métier artistique, la société transmet la pression de la performance, qui est malsaine, et c’est difficile de sortir de ce mode de vie et de cette pression qu’on s’impose à soi-même. Je ne pourrai pas avoir le même rythme de vie qu’avant en ayant un enfant. Je ne peux pas encore beaucoup en parler, toutefois, parce qu’il est encore jeune.
J’ai comme l’impression qu’il y a une constante dans ta vie : une proximité avec la maladie, la vulnérabilité. Dans un texte que tu as publié dans La Presse en mai dernier (« Mon été dans un CHSLD »), tu racontes comment une expérience de travail dans un centre du Bas-Saint-Laurent t’a rendue meilleure. Peux-tu expliquer ?
En général, vivre proche des gens vulnérables et être en position d’aidant, cela développe une sensibilité à plein de choses. Quand on est jeune, on n’est pas si proche des vieux, des gens malades, des personnes handicapés, on s’éloigne de ces réalités parce qu’elles nous font peur. En voyant sur les réseaux sociaux à quel point les gens semblent manquer d’empathie, on se demande comment c’est possible.
Notre société place toutes les personnes malades ensemble, isolées, on ne les côtoie pas tant, il y a beaucoup de peur de l’autre. Plus on vit ces expériences, plus on côtoie des gens différents, plus on apprend à être sensible à la réalité des autres. C’est certain qu’on apprend le respect de l’autre, à être à l’écoute.
Tu parles de proximité avec les plus âgés. Sur ton album précédent, à la fin de ta chanson « Apparition de la Sainte-Étoile thoracique », on peut entendre la voix de ta grand-mère. Qui était ta grand-mère pour toi ? Avais-tu une relation particulière avec elle ?
Mes frères et moi étions très proches d’elle, on était ses seuls petits-enfants. Elle avait eu beaucoup d’accouchements très difficiles où elle a failli perdre la vie et n’avait pas eu beaucoup d’enfants, à son grand regret. Aussi parce que mes autres grands-parents sont tous décédés quand même plus tôt.
Quand elle a commencé à être malade, j’allais avec un magnétophone enregistrer des conversations parce que je savais qu’elle n’était pas éternelle et je voulais garder des traces de sa voix parlée, ses expressions. Elle est décédée à la fin de la tournée de mon premier album, L’alchimie des montres. Quand j’ai terminé la composition de l’album L’étoile thoracique, on avait cette pièce instrumentale et j’ai décidé d’y ajouter ces enregistrements.
La Sainte-Étoile thoracique, est-ce que c’est ta grand-mère ?
Dans ce contexte, oui, mais à la base pour moi, ça signifiait le cœur. Il faut dire que ma grand-mère était très croyante aussi, genre extrêmement croyante. C’était un peu un baume pour elle, quelque chose à laquelle elle s’accrochait pour s’apaiser.
Enfant, on trouvait ça un peu intense : on arrivait dans son frigo et on pensait que c’était une bouteille de 7 Up, mais c’était de l’eau bénite. Quand on avait mal à la tête, elle essayait de nous guérir avec de l’eau bénite. Mais je pense qu’elle en avait tellement besoin pour surpasser les diverses souffrances qu’elle a eues dans sa vie que c’était une bonne chose.
Donc, la foi catholique et les symboles qui y sont reliés font partie de ton imaginaire personnel ?
Ben oui ! Et je suis quand même de cette génération où, à l’école, on avait la catéchèse, les cours où tu faisais ta première communion, etc. À Noël, nous forcions notre mère pour venir avec nous, c’était une tradition.
Pour moi, c’est quand même une image hyper forte d’aller dans de petites églises de village avec quelqu’un qui joue de l’orgue pas super bien (ha ! ha !), que tout soit un peu tout croche et que l’enfant de l’autre qui joue sa pièce de violon fausse, tout ça est vraiment cute.
Cet texte a été publié dans le magazine de janvier 2021. Pour en voir la version papier, cliquez ici.
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Source: Lire l'article complet de Le Verbe