Une petite guéguerre entre ambassades US et chinoises dans la région centrale du monde est en cours au sujet du Xinjiang. Le premier accrochage a eu lieu en Algérie où l’ambassade US dans ce pays, dominée par des proches des Frères Musulmans du Département d’État, ont ouvert les hostilités en diffusant un communiqué sur la situation des Ouïgours en Chine. Un sujet peu connu mais passionnant certaines factions islamistes locales. Riposte instantanée de l’ambassade de Chine avec un communiqué fustigeant l’attitude et l’ingérence de Washington dans les affaires internes d’autres pays. On croyait l’incident clos jusqu’au second accrochage du même type de Bagdad, en Irak. Dans un communiqué daté du 05 janvier 2021, l’ambassade US a diffusé un communiqué sur la politique chinoise concernant les questions ethniques et religieuses, suscitant une réaction épidermique de l’ambassade chinoise située près du Tigre, laquelle a qualifié les assertions américaines de rumeurs infondées et de tentative de dénigrement basée sur des arguments fallacieux et ridicules en précisant au passage que la région autonome du Xinjiang est une partie indivisible de la Chine.
Ces deux accorchages ne sont que le début d’une lutte d’influence à mort que ce livrent Beijing et Washington dans les pays arabes et musulmans. Un enjeu immense pour les deux puissances. La question du Xinjiang est en effet une opération de guerre psychologique calquée sur la première guerre d’Afghanistan durant laquelle la CIA avait réussi à mobiliser l’ensemble des mouvances islamistes radicales du monde musulman contre l’ex-Union Soviétique sous prétexte d’un conflit entre la foi et le communisme. C’est de cette opération que naîtront plus tard Al-Qaïda et ses dérivées comme Daech.
Ce sujet mobilise à nouveau les fermes à trolls atlantistes arabophones. Ils squattent en permanence les réseaux sociaux arabes en dénonçant systématiquement la « répression des musulmans ouïghours par le parti communiste chinois ». Ces fermes à trolls sont également très actives dans des pays comme la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne, où vit une importante communauté musulmane, pour » sensibiliser » sur le sort des ouïghours chinois et conditionner une nouvelle chair à canon musulmane dans une guerre future contre la Chine comme ce fut le cas contre le gouvernement afghan sous la présidence de Babrak Karmal et surtout Mohammad Najibullah entre 1979 et 1992 ou encore contre Bashar Al-Assad en Syrie depuis 2011 (ce dernier a fait l’objet d’une démonisation à caractère eschatologique dans les milieux islamistes radicaux affiliés à l’OTAN). Ce filon prometteur permettrait selon les stratèges de Washington de miner la stabilité chinoise tout en l’aliénant dans une guerre sans fin avec l’islam radical. La Chine met en avant quant à elle la relation apaisée qu’elle a toujours entretenu avec le monde musulman depuis l’avènement de l’Islam et les relations privilégiés qu’elle a réussi à mettre en place avec des pays musulmans comme le Pakistan, l’Égypte, les pays du Golfe et l’Indonésie. Plus encore, Beijing désigne du doigt le Mouvement de libération du Turkestan oriental comme une organisation terroriste financée et soutenue par la CIA et le Mi6 tout en rappelant que cette organisation figure sur la liste des organisations terroristes internationales selon la résolution 1267 du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Cette lutte d’influence risque de s’étendre à l’Égypte et même la Turquie, pays allié de Washington prenant une part active dans la déstabilisation du Xinjiang à des fins stratégiques propres liées au panturkisme et la résurgence de l’empire des steppes.
Pour Washington, le Xinjiang est un front de revers ouvert contre la Chine sur son flanc Ouest pour balancer les points chauds de Taïwan et de Hong-Kong au Sud-Est, et celui de la péninsule coréenne et la rivalité avec l’Empire nippon au Nord-est. Les chinois en sont fort conscients et se montrent de plus en plus allergiques aux efforts d’encerclement géostratégiques US.
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