Le « confinement » durera longtemps… très longtemps
Des experts en santé publique appellent à un prolongement du confinement après le 11 janvier au Québec étant donné l’augmentation continue du nombre de nouveaux cas quotidiens de COVID-19 malgré les mesures sanitaires plus strictes adoptées pendant le temps des Fêtes.
« Nous devons mettre en place des mesures de confinement strictes dès que possible, notamment en retardant le retour à l’école, en maintenant toutes les entreprises, sauf les plus importantes, fermées et en limitant les voyages. Nous devons être sur l’offensive, plutôt que d’attendre pour réagir », estime Marina Klein, professeure de médecine à l’Université McGill, spécialisée dans les maladies infectieuses et virales.
À moins d’un changement de ton de Québec cette semaine, la réouverture des écoles et des commerces non essentiels est toujours prévue lundi prochain. Or les dernières données publiées par les autorités sur l’état de la pandémie dans la province donnent froid dans le dos. Alors que les effets du confinement auraient dû commencer à se faire ressentir sur la courbe épidémiologique et à inverser la tendance dans la dernière semaine, les nouvelles contaminations quotidiennes n’ont cessé d’augmenter. La situation s’est même accélérée.
On était 80 experts au début du mois de décembre à demander au gouvernement d’appliquer un confinement total plutôt que partiel pour plus d’efficacité. Ça n’a pas été écouté.
Dimanche, le bilan des autorités a fait état de 7663 contaminations de COVID-19 supplémentaires entre le 31 décembre et le 2 janvier, dont 2869 uniquement pour la journée de samedi, soit un nouveau record. À elle seule, l’île de Montréal a compté 1300 nouveaux cas cette même journée. Le nombre d’hospitalisations a également bondi de 150 samedi pour s’établir à un total de 1225 tandis que, les deux jours précédents, on avait recensé 100 hospitalisations de moins. De plus, pas moins de 121 décès se sont ajoutés au bilan, dont 11 samedi, ce qui fait un total de 8346 morts depuis le début de la pandémie.
« Malgré les mesures du temps des Fêtes, les cas et les hospitalisations sont en hausse. Ça montre que la transmission communautaire est importante, ce qui a un impact majeur sur notre réseau de santé et sur notre personnel », a déclaré dimanche le ministre de la Santé, Christian Dubé, sur Twitter, en présentant le bilan.
Selon Marina Klein, il y a eu une transmission communautaire soutenue et généralisée avant les vacances, et celle-ci s’est développée malgré les mesures mises en place durant les Fêtes.
« La situation est préoccupante. […] Le système de santé atteint déjà un point critique, les hôpitaux et les travailleurs de la santé seront débordés dans les semaines à venir si rien n’est fait », craint-elle.
La professeure dit comprendre la fatigue des Québécois, qui sont plongés depuis plus de neuf mois dans cette pandémie, mais croit nécessaires le prolongement et le renforcement des mesures de confinement. Et « plus vite cette décision sera prise et communiquée clairement à la population, mieux ce sera », souligne-t-elle, donnant en exemple l’Australie. Le pays a réussi à contenir sa deuxième vague du virus en imposant un confinement strict avec des étapes précises d’assouplissement des restrictions, combinées à un soutien financier et social de la population pour s’assurer de son adhésion aux mesures.
Les élèves du primaire à l’école
Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (UdeM), plaide aussi pour un prolongement du confinement pendant deux semaines après le 11 janvier. Le télétravail est pour beaucoup devenu une habitude et les écoles secondaires sont déjà bien organisées pour donner leurs cours à distance, souligne-t-elle.
La professeure recommande par contre d’éviter le plus possible de reconfiner les élèves du primaire. « C’est une charge de travail supplémentaire pour les parents. Et à cet âge, les enfants ont besoin de socialiser et sont moins autonomes pour suivre des cours à distance. Mais si la situation est trop catastrophique, on n’aura peut-être pas le choix. »
Elle regrette néanmoins de devoir en arriver là. « On était 80 experts au début du mois de décembre à demander au gouvernement d’appliquer un confinement total plutôt que partiel pour plus d’efficacité. Ça n’a pas été écouté. Les entreprises manufacturières n’ont par exemple pas été mises sur pause pendant les Fêtes, alors que c’est le milieu de travail qui compte le plus d’éclosions », fait-elle remarquer.
Chiffres en explosion ?
À la vue des dernières données des autorités, elle en déduit qu’il y a également eu bien plus de rassemblements privés que l’on pense à Noël. Cette tendance au non-respect des mesures, combinée au retour des voyageurs en janvier et à la propagation du nouveau variant du virus détecté au Royaume-Uni, risque de faire encore plus exploser les chiffres dans les prochaines semaines, craint-elle, appelant le gouvernement à agir vite.
S’il se montre moins certain des retombées positives et rapides d’un confinement prolongé de deux semaines, Benoît Mâsse, épidémiologiste à l’École de santé publique de l’UdeM, recommande tout de même au gouvernement d’emprunter cette voie. « Il n’y a rien de garanti, mais ça pourrait davantage marcher cette fois-ci. Il n’y aura pas de party de bureau de fin d’année à la mi-janvier, ni de réunion de famille prévue au calendrier. Peut-être que, là, on vivrait un vrai confinement, suffisant pour inverser la tendance », espère-t-il.
C’est un coup à donner, selon lui, pour au moins essayer d’éviter des mesures encore plus restrictives, comme un couvre-feu, l’interdiction des petits rassemblements à l’extérieur pour des activités sportives hivernales, ou encore l’école à la maison pour le reste de l’année.
Record de cas
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