Par Moon of Alabama – Le 26 décembre 2020
Je ne suis donc trompé en prédisant qu’il n’y aurait pas d’accord pour le Brexit.
Bon.
Un accord a été trouvé à la veille de Noël et si les deux parties, la Grande-Bretagne et l’Union européenne, y ont peut-être perdu quelque chose, c’est le peuple britannique qui aura le plus perdu.
Les 1256 pages de l’accord portent essentiellement sur le commerce des marchandises, et non sur le commerce des services. Même s’il n’y aura pas de droits de douane ni de quotas sur les marchandises, de nouvelles mesures bureaucratiques seront imposées sur les exportations :
En annonçant l'accord commercial cette semaine, le Premier ministre britannique Boris Johnson a reconnu qu'il n'offrait "pas autant" d'accès aux sociétés financières "que nous l'aurions souhaité". Mais il n'a pas été aussi direct sur les difficultés auxquelles seront confrontés même les détaillants britanniques dans le cadre de cet accord, ont déclaré les analystes. En promettant qu'il n'y aurait "aucune barrière douanière" à la vente de marchandises après le Brexit, il a ignoré les dizaines de millions de déclarations en douane, d'évaluations sanitaires et autres contrôles dont les entreprises seront désormais responsables.
Il faudra quelques mois pour régler les questions relatives aux déclarations. On peut s’attendre à des files d’attente aux frontières au cours des premières semaines. Des rapports sensationnels à leur sujet suivront. Mais les files d’attente feront bientôt place à des schémas plus routiniers. Les échanges de marchandises retrouveront alors leur niveau antérieur.
Mais les services comme les banques, les assurances et les conseils juridiques auront plus de difficultés. Le respect des règles britanniques ne suffira plus pour être reconnu comme légitime au sein de l’UE. Les entreprises de services devront se conformer aux règles locales des autres pays de l’UE pour faire des affaires avec elles. C’est là que la Grande-Bretagne risque le plus de perdre des marchés :
En ce qui concerne les services, en quittant le marché unique, il est apparu clairement au cours des négociations que le Royaume-Uni a perdu un certain accès au marché pour le commerce des services financiers. C'est toujours le cas puisque l'accord ne contient aucune disposition pour ce secteur. Plus de 40 % des exportations britanniques vers l'UE sont des services, et le secteur représente environ 80 % de l'activité économique du Royaume-Uni.
Un coup d’œil aux données récentes de la balance commerciale britannique montre en quoi cela sera important :
La Grande-Bretagne a un déficit commercial global pour les marchandises et un excédent commercial pour les services. Alors que le déficit des biens devrait rester dans la fourchette actuelle, l’excédent des services va probablement se réduire. Les chiffres ci-dessus concernent l’ensemble des importations et exportations britanniques. Les chiffres relatifs au commerce de la Grande-Bretagne avec l’UE sont encore plus déséquilibrés :
L'accord laisse les sociétés financières sans le plus grand avantage de l'adhésion à l'Union européenne : la possibilité d'offrir facilement des services aux clients de toute la région à partir d'une base unique. Cela a longtemps permis à une banque de Londres d'accorder des prêts à une entreprise de Venise ou de négocier des obligations pour une entreprise de Madrid. Cette perte est particulièrement douloureuse pour la Grande-Bretagne, qui a enregistré en 2019 un excédent de 18 milliards de livres, soit 24 milliards de dollars, sur les échanges de services financiers et autres avec l'Union européenne, mais un déficit de 97 milliards de livres, soit 129 milliards de dollars, sur les échanges de marchandises. "Le résultat de l'accord est que l'Union européenne conserve tous ses avantages actuels dans le commerce, en particulier avec les marchandises, et que le Royaume-Uni perd tous ses avantages actuels dans le commerce des services", a déclaré Tom Kibasi, l'ancien directeur de l'Institut de recherche sur les politiques publiques. "Le résultat de cette négociation commerciale est précisément ce qui se passe avec la plupart des accords commerciaux : La partie dominante obtient ce qu'elle veut et la partie dominée accepte".
La balance commerciale britannique avec l’UE ainsi que sa balance commerciale mondiale risquent maintenant de se détériorer. Cela mettra la livre sterling sous pression. Comme la Grande-Bretagne a une monnaie souveraine, elle peut la dévaluer. Mais cela risque d’augmenter les prix à l’importation des marchandises, en particulier des denrées alimentaires, et de frapper les habitants au portefeuille.
Mais ce sera un processus lent et d’ici là, peu de gens feront le lien.
J’ai toujours considéré l’idée de Brexit comme quelque chose qui est né de la nostalgie britannique pour son empire perdu. Ironiquement, le résultat semble l’avoir éloigné encore plus de son ancien statut de grande puissance.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone
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