Dès le mois de mars, votre serviteur et d’autres annonçaient les profonds changements qui allaient émerger sur l’échiquier mondial post-Covid. Si l’accalmie pandémique estivale, la féroce propagande médiatique occidentale pour tenter de cacher le désastre et divers événements marquants (élection US, attentats en France, guerre du Karabagh) ont relégué le glissement tectonique planétaire dans les pages intérieures, celui-ci n’en a pas disparu pour autant : il est là, bien réel, même si nos crieurs publics préfèrent ne pas trop en parler.
Dans la grande bataille du soft power entre les trois grands, un nouveau venu a fait son apparition : le vaccin. Nous ne nous engagerons pas dans un débat sur le mérite (ou le démérite) de tel ou tel, mais sur les conséquences géopolitiques de ces petits sérums.
La presstituée a d’ailleurs vite compris le danger. Dans un article halluciné, l’inénarrable Washington Post nous met en garde contre le Spoutnik V et la perfide propagande kremlinesque qui l’accompagne. Il est vrai que le gaillard attire :
Une cinquantaine de pays ont déjà pré-commandé le vaccin russe ; l’un des plus grands hôpitaux israéliens a balayé d’un revers de main les critiques occidentales et vient de commander 1,5 million de doses ; quant à l’Argentine, n’arrivant pas à sortir des affres de la pandémie, elle a décidé de ne pas faire les choses à moitié : 25 millions de doses spoutnikiennes devraient arriver dans les trois prochains mois pour vacciner toute la population. La Hongrie a logiquement suivi la même voie et regardé du côté de Moscou, ce qui a comme de bien entendu provoqué les cris d’orfraie de nos plumitifs.
Le Point pique une amusante crise de nerfs exclamative…
Depuis, on a appris que l’Inde s’est ajoutée à la liste et se préparait à produire 300 millions de doses du Spoutnik en 2021, rien que ça. Mais, clin d’œil facétieux des Dieux, c’est surtout la dernière « victime » en date qui prête à sourire : ne rigolez pas, il s’agit ni plus ni moins de… l’Ukraine !
Nous avons vu récemment que l’influence de l’ours prenait lentement mais sûrement son rythme de croisière dans le paradis post-maïdanite créé par Barack à frites : partis pro-russes en pleine bourre, aveux de Saakachvili, admissions sur la Crimée etc. Et voilà maintenant que débarque le vaccin.
Assis entre deux chaises, le pauvre Zelensky est exaspéré par le refus de l’oncle américain de livrer ses petites fioles à Kiev (plus exactement par la préférence nationale décidée par l’administration Trump, donc l’interdiction de toute exportation) : « Il est impossible d’expliquer à la société ukrainienne pourquoi, étant donné que l’Amérique et l’Europe ne nous donnent pas le vaccin, nous devrions refuser celui de la Russie. D’autant que les informations sur le Spoutnik V sont accessibles à tous mes concitoyens, diffusées sur toutes les chaînes télévisées d’Ukraine qui ne sont pas hostiles à la Russie. » Porochenko en a avalé de travers son chocolat.
Biden serait – conditionnel de mise car c’est loin d’être sûr – peut-être susceptible de revenir sur la décision du Donald, mais il ne devrait de toute façon entrer en fonction que dans un mois. D’ici là, beaucoup d’Ukrainiens auront eu le temps d’être touchés alors que le système de santé du pays est délabré.
Et l’on imagine aisément la position ô combien inconfortable de toute la clique impériale de Kiev, embringuée dans ses contradictions kafkaïennes : comment diable expliquer qu’il vaut mieux laisser mourir des gens plutôt que de tendre la main au voisin russe ? Moscou vient de marquer un point…
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