Le nationalisme face à la mondialisation (Partie 3)

Le nationalisme face à la mondialisation (Partie 3)

La mondialisation libérale, comme l’appelle la gauche et la droite antimondialiste entraîne la résurgence des nationalismes qui seraient la panacée contre le chaos économique, politique, diplomatique, juridique, militaire, sanitaire et social qui bouleverse le monde capitaliste.

This article is available in 5 languages on this webmagazine:
16.12.2020-leninisme-English-Italiano-Spanish
This article is available in Portuguêse on this blogue:
Que o Silêncio dos Justos não Mate Inocentes: O nacionalismo face à mundialização (Parte 3) (queonossosilencionaomateinocentes.blogspot.com)

Plongeant dans les entrailles des mouvements socialiste-communiste-gauchiste nous avons exhumés quelques textes présentant les théories nationalistes sous un fard «révolutionnaire»: Notes de lecture de Pierre Souyri: « LES MARXISTES ET LA QUESTION NATIONALE» et de  Paul Mattick.  NATIONALISME ET SOCIALISME Dans cette troisième et dernière partie nous présentons un texte authentiquement prolétarien publié par l’Ouvrier Communiste en octobre 1929 : Léninisme ou marxisme? L’impérialisme et la question nationale. Nos commentaires sont indiqués par NDLR-Robert Bibeau.


 

          Le journal L’Ouvrier Communiste a publié en octobre 1929 un article confrontant la position léniniste et la position que le journal attribue à Rosa Luxemburg (Junius). Nous croyons important de publier ce document plus que jamais  d’actualité et de le commenter.

         Au milieu du XIXe siècle, Karl Marx avait défini le nationalisme dont s’affublait la bourgeoisie comme la solidarité de classe des exploiteurs qui se tournait « en dedans des frontières contre le prolétariat » et « au dehors des frontières contre la bourgeoisie des autres pays ». Marx ajoutait que « la fraternité » engendrée par les rapports de production capitalistes entre les différentes nations bourgeoises ne serait guère plus fraternelle que celle engendrée parmi les différentes classes d’une même nation. Pour Marx, les phénomènes destructeurs induits par le capitalisme dans un pays se reproduisent dans des proportions gigantesques à l’échelle internationale. S’en tenant à cette analyse présentée par Marx au tout début du capitalisme industriel, les gauches européennes en conclurent que ces contradictions entre les différentes bourgeoisies nationales poussaient les hobereaux dans le camp prolétarien, particulièrement ceux des pays coloniaux. Lénine, dans ses textes présente une synthèse de cette position adoptée par les bolchéviques. Malheureusement, la gauche n’a pas complété ses devoirs. D’abord, la paysannerie est un grand ennemi du mode de production communiste et une fanatique défenderesse du petit capitalisme agricole. Le capital connait ces choses et avant d’exproprier le hobereau pour regrouper les parcelles, mécaniser et industrialiser l’agriculture, il commence par l’affamer avant de le prolétariser. Les bolchéviques d’Union soviétique n’ont pas su faire autrement. Le développement des moyens de production et conséquemment des besoins en matières premières, et en force productives et la nécessaire expansion des marchés a poussé le capital à s’affranchir des barrières douanières – des frontières nationales – bref, à s’extirper du cocon national qui devint une prison contre l’expansion capitaliste en phase impérialiste. Le développement du mode de production capitaliste a eu pour conséquence que toutes les bourgeoisies nationales ont été forcées de se regrouper en de vastes alliances capitalistes se répartissant le fruit de l’expropriation de la plus-value en fonction de l’investissement et de la prise de risque. Ce qui détermine l’appartenance d’une économie nationale à une alliance impérialiste ou à une autre est toujours le niveau d’interdépendance entre les économies constituant cette alliance. La classe prolétarienne n’a aucune emprise sur ces alliances et ne doit jamais soutenir une alliance contre une autre.

         Ainsi, les États-Unis ont été les plus grands preneurs de risques économiques et militaires, et ils ont été les premiers bénéficiaires de l’expansion impérialiste du mode de production capitaliste. C’est ce que n’a pas compris Staline quand il affirme «Le capitalisme n’a à offrir aux peuples des pays dépendants coloniaux et semi-coloniaux que dépendance et arriération économique, exploitation forcenée, massacres interethniques, guerres et misère. Il va de soi qu’aucun pays impérialiste n’a intérêt à aider d’autres pays bourgeois à se doter d’une industrie et d’une agriculture autonomes de peur de contribuer à forger un concurrent. Toute aide au développement contient ainsi en germe son antithèse et vise à entraver un développement économique national véritablement indépendant».

         Aujourd’hui, en référence aux vagues de délocalisation industrielle il est facile de contredire Staline et de démontrer que le capital n’a pas de patrie et qu’il migre d’un pays à un autre selon le taux de profit escompté. La comptabilité capitaliste ne s’établit plus en fonction des pays, mais en fonction des grands trusts internationaux. Ils s’épandent partout où ils peuvent s’investir pour extirper le précieux profit qui leur donne vie.

         Si les bolchéviques et les partis communistes de la IIIe Internationale ont soutenu les luttes politiques de soi-disant « libération nationale et pour le droit à l’autodétermination des peuples » ce fut parce que ces partis étaient sous l’emprise de la petite bourgeoisie nationaliste qui voulait s’emparer de la direction des luttes des masses paysannes disposées à sacrifier leur vie pour s’approprier leurs moyens de production (la terre), ce qu’ils ont réussi dans plusieurs pays avec les conséquences que l’on connait. Sans émancipation économique, pas d’émancipation politique, ni idéologique. Aujourd’hui, tout est à reprendre depuis le début avec d’un côté une riche expérience accumulée à l’occasion de ces révolutions « prolétariennes » manquées (qui n’en étaient pas en réalité) et de l’autre une confusion décuplée dans les rangs de la classe prolétarienne. L’article des camarades de l’Ouvrier Communiste, paru en 1929, on doit le rappeler, démontre que l’idéologie prolétarienne révolutionnaire n’était pas morte même à cette époque de domination absolue du national bolchévisme. L’acuité, la profondeur et la justesse de leur analyse de classe à propos de la question nationale bourgeoise nous réconfortent sur les capacités de notre classe a toujours gardé le cap sur la révolution malgré la grande tourmente.    NDLR-Robert Bibeau.


LÉNINISME OU MARXISME ? L’IMPÉRIALISME  ET LA QUESTION NATIONALE 1

Par  L’Ouvrier Communiste

Le conflit actuel de la Chine avec la Russie et les menaces de guerre qui découlent de cet incident inter-impérialiste, comme d’ailleurs de tous ceux que nous apporte au jour le jour l’actualité, signalent la possibilité imminente d’une nouvelle guerre mondiale et nous imposent une attention renouvelée pour le problème que le déclenchement et le développement de la guerre de 1914 avaient alors si brutalement placé devant la gauche marxiste de la 2e Internationale.

Sur ce terrain, des différends très importants s’étaient manifestés entre les éléments Léninistes (réduits en l’espèce à Lénine et Zinoviev qui rédigeaient à eux seuls le Socialdemokrat) et la majorité de cette gauche (surtout composée des éléments d’Allemagne, de Pologne et de Hollande). Il n’est pas sans importance de constater l’isolement du bolchévisme russe dans sa position particulière sur la question nationale en face des autres courants. Ce n’est sans doute pas par un simple hasard que le bolchévisme ou léninisme se trouvait déjà sur ce terrain en contradiction avec l’idéologie prolétarienne occidentale.

Depuis trop longtemps ces divergences, d’une importance fondamentale pour le développement de la révolution internationale, ont été tenus sous le boisseau par les divers éléments de la 3° Internationale. Tout comme les majoritaires, les soi-disant oppositionnels catalogués Léninistes, Trotskistes ou Bordiguistes ont toujours feint d’ignorer l’antagonisme des tendances Luxembourgiste et Bolcheviste. Prometeo, qui publiait dernièrement un article d’Amédée Bordiga sur la « question nationale » ne fait pas remarquer en quoi le contenu de cet article parait s’écarter du Léninisme pour se rapprocher de Luxemburg. Il convient d’ajouter que Bordiga lui-même a contribué à maintenir dans l’ombre ces différends, qui existaient depuis une quinzaine d’années dans la gauche marxistes, en les voilant du manteau de la discipline bolchévique. C’est seulement dans sa conférence sur Lénine de 1924 qu’il fait une vague allusion à cette divergence et manifeste dans une phrase diplomatique sa sympathie pour la tendance antiléniniste de la gauche marxiste dans la 2° Internationale.

En fait, la mort de Luxemburg et l’exclusion des éléments gauchistes tels que les Tribunistes hollandais et le Parti Communiste-Ouvrier allemand (K.A.P.D.) hors de la 3° Internationale, permirent au Léninisme de dominer incontesté la tactique du Comintern dans la question nationale aussi bien que dans toutes les autres questions.

Il faut donc d’abord mettre en évidence la position marxiste sur ce problème particulier, telle qu’elle ressort incontestablement des citations alléguées par Zinoviev et Lénine eux-mêmes. Dans Contre le Courant il est fait appel à l’opinion de Marx dans le Manifeste Communiste : «les ouvriers n’ont pas de patrie». Reproduisons dans son intégralité le passage du manifeste où Marx et Engels exposent leur pensée sur la question de la patrie en rapport avec la classe ouvrière: «Les ouvriers n’ont pas de patrie. On ne peut leur ravir ce qu’ils n’ont pas. Comme le prolétariat de chaque pays doit en premier lieu conquérir le pouvoir politique, s’ériger en classe dirigeante de la nation, devenir lui-même la nation, il est encore par-là national, quoique nullement au sens bourgeois du mot. Déjà les démarcations nationales et les antagonismes entre les peuples disparaissent de plus en plus avec le développement de la bourgeoisie, la liberté du commerce, le marché mondial, l’uniformité de la production industrielle et les conditions d’existence qui y correspondent. Le prolétariat au pouvoir les fera disparaitre plus encore. Son action commune, dans les pays civilisés tout au moins, est une des premières conditions de son émancipation. »

Lénine donne ici une interprétation exacte du texte de Marx en reconnaissant que la révolution socialiste ne peut pas vaincre dans les limites de l’ancienne patrie, qu’elle ne peut se conserver dans les frontières nationales, que son action commune, comme le dit justement Marx, dans les pays civilisés tout au moins, ont une des premières conditions de l’émancipation. Il est clair qu’ici Karl Marx implique chez les prolétaires avancés un sens élevé de l’internationalisme déjà avant la victoire révolutionnaire, et qu’il y voit une base pour le développement de la révolution. L’expression de nation appliquée à l’ensemble social que domine le prolétariat et qu’il identifie progressivement à lui-même est formelle comme le résidu vide de sens laissé par la bourgeoisie dans sa chute. Elle ne permet nullement d’affirmer que Karl Marx ait songé à l’existence distincte d’une «patrie socialiste» quelconque.

Il ressort clairement du reste que les limites nationales perdent leur signification économique et politique déjà sous le régime bourgeois et qu’elles sont destinées à une abolition complète par le développement du pouvoir prolétarien. Le développement ultérieur de l’économie capitaliste a montré à fond la justesse de cette thèse en réalisant l’unité universelle du marché des matières premières, des débouchés et des capitaux. La dernière guerre a achevé de démasquer le nationalisme comme une survivance ultraréactionnaire n’exprimant plus les intérêts d’une formation sociale autonome, mais servant de déguisement idéologique aux réalités impérialistes.

Les petits bourgeois de tout poil et l’aristocratie ouvrière des monopoles ne sont les véhicules du patriotisme que dans la mesure de leur assujettissement au grand capital qui en fait ses pantins, alternant la comédie de la défense nationale avec celle du Wilsonnisme, du Locarnisme, etc. Les ouvriers n’ont aucune raison d’attachement aux démarcations nationales, ce qui est manifesté par l’internationalisme ouvrier ; il est évident que la base historique de ses luttes et de ses expériences révolutionnaires conduira le prolétariat à abolir les frontières dès qu’il aura réalisé la prise du pouvoir dans plus d’un pays. Le caractère ethnique des nationalités achève de perdre toute valeur, la fusion des éléments ethniques les plus disparates est depuis longtemps une banalité, et les frontières « naturelles » pas plus que les frontières ethniques ne résistent au courant de la civilisation.

Ainsi la thèse internationaliste du Marxisme ne prête à aucune méprise ; l’expression qui la résume : « les ouvriers n’ont pas de patrie » est d’une clarté irrévocable, marquant la division réelle entre le nationalisme bourgeois et l’internationalisme prolétarien, le développement historique ultérieur a démasqué le caractère nettement bourgeois de l’idéologie patriotique et nationale. Et cependant Lénine n’a pas effacé complètement de sa conception «marxiste» l’influence de cette idéologie patriotique, que les éléments marxistes d’occident repoussaient entièrement.

Il est intéressant de remarquer que lorsque Lénine polémique avec les réformistes il assume les attitudes ultragauches tandis que lorsqu’il polémique avec les ultragauches il prend des attitudes réformistes. Cette position éclectique est généralisée chez lui dans toutes les questions. Les oscillations de son centrisme sont très bien caractérisées dans des ouvrages comme La Révolution prolétarienne et le renégat Kautsky d’une part et la Maladie infantile du Communisme de l’autre. Dans le passage cité de Contre le Courant (page 18 du premier volume) Lénine polémique contre les réformistes et social-traîtres. Il devient purement internationaliste, il rappelle l’expression marxiste : « les ouvriers n’ont pas de patrie ». Polémiquant contre le hollandais Nieuwenhuis et le comparant à Gustave Hervé, il affirme que ce dernier disait une bêtise : « Lorsque de cet axiome : « toute patrie n’est qu’une vache à lait pour les capitalistes » il tirait cette conclusion: «la monarchie allemande ou la République française, c’est tout un pour les socialistes».

Lénine écrit « Lorsque dans sa résolution qu’il propose au congrès, Hervé déclare que pour le prolétariat il est « absolument indifférent » que le pays se trouve sous la domination de telle ou de telle bourgeoisie nationale, il formule et défend une absurdité, pire que celle de Nieuwenhuis. Il n’est pas du tout indifférent au prolétariat de pouvoir, par exemple, parler librement sa langue maternelle ou bien de subir une oppression nationale qui vient s’ajouter à l’exploitation de classe. Au lieu de tirer des prémisses qui annoncent le socialisme, cette déduction, que le prolétariat est la seule classe qui luttera jusqu’au bout, certainement contre toute oppression nationale, pour la complète égalité des droits des nations, pour le droit des nations à disposer d’elles-mêmes, au lieu de cela, Hervé déclare que le prolétariat n’a pas à s’occuper de l’oppression nationale, qu’il ignore la question nationale en général ».

Naturellement Lénine adopte dans cette circonstance sa méthode préférée des analogies pour pouvoir refuser une théorie par la trahison d’un homme. Mais cela n’a pas beaucoup d’importance pour nous. Ce qui est le plus important c’est le contenu de ce passage qui résume la théorie léniniste sur la question nationale. Et il prétend de tirer cette conception particulière à lui et aux bolchéviques des prémisses qui annoncent le socialisme !

Or il a déjà admis avec Marx que « les ouvriers n’ont pas de patrie » que la question nationale ne peut avoir aucun intérêt pour la classe ouvrière. Marx dit clairement qu’on ne peut leur ravir (aux prolétaires) ce qu’ils n’ont pas. Et pourtant de ce passage de Lénine ressort clairement qu’on peut ravir la patrie aux ouvriers, que celle-ci n’est pas seulement un privilège des classes dominantes, qu’elle est aussi un avantage des classes exploitées. En effet «il n’est pas indifférent de subir une oppression nationale qui vient s’ajouter à l’exploitation de classe». Ici ressort clairement la contradiction entre la pensée marxiste et la pensée léniniste. Pour Lénine le prolétariat doit s’intéresser à la question nationale, il doit être contre toute oppression nationale, à savoir contre toute oppression de la patrie, que, selon Marx il n’a pas et on ne peut lui ravir. Pour Lénine le prolétariat est même le paladin de la défense nationale, car il représente la seule classe qui luttera jusqu’au bout, notamment contre toute oppression nationale.

Ce sont là sans doute les sources du national-bolchévisme. Et lorsqu’on aura bien réfléchi sur la signification de la pensée léniniste, on ne s’étonnera pas que Boukharine ait dit en 1923 : « Le conflit entre France et Allemagne de 1923 n’est pas une simple répétition du conflit de 1914. Il a plutôt un caractère national. Par conséquent le P.C.A. devra dire clairement à la classe ouvrière d’Allemagne qu’elle seule peut défendre la nation allemande contre la bourgeoisie, qui vend les intérêts nationaux de son pays ».

Et en effet, l’Allemagne n’était-elle pas dans l’esprit de la pensée léniniste un pays opprimé ? Cela ne souffre pas de doute. Des régions allemandes étaient opprimées par l’occupation française, il était du « devoir » des ouvriers allemands, de lutter jusqu’au bout pour la libération de ces régions ! Pour la libération de l’Allemagne de l’oppression de l’Entente. Tout le monde connait bien les résultats de l’application de la tactique léniniste en 1923 en Allemagne.

Il ressort de cette expérience désastreuse que quand le prolétariat se met à défendre «sa patrie», «la nation opprimée» il atteint un seul résultat, c’est-à-dire de renforcer sa propre bourgeoisie. Mais il sera nécessaire de faire ressortir encore une contradiction très patente, qui existe dans les articles de Contre le Courant pour se rendre compte de la nature équivoque du National-bolchévisme. Dans l’article Les maraudeurs de Zinoviev (page 70 du premier volume) il est dit ceci : « Tant que les états capitalistes existent, c’est-à-dire tant que la politique impérialiste mondiale domine la vie intérieure et extérieure des états, le droit des nations à disposer d’elles-mêmes n’a ni en paix ni en guerre la moindre importance. Bien plus: dans l’actuel milieu impérialiste il n’y a pas de place pour une guerre de défense nationale et toute politique socialiste, qui fait abstraction de ce milieu historique et qui veut s’orienter de la base isolée d’un seul pays, est dès début bâti sur le sable.»

Comme nous venons de constater, l’impérialisme a supprimé toute possibilité d’une guerre nationale dans le sens marxiste du mot et l’opinion de Karl Marx de 1871 a trouvé une base solide dans l’ultérieur développement de l’impérialisme capitaliste. Or dans le passage précité il semblerait que le Léninisme se rapproche dans sa ligne générale de cette opinion. Mais il n’en est rien. Dans sa polémique contre les social-démocrates polonais Lénine développe ainsi sa pensée en contraste avec ces derniers : «Évidemment les auteurs polonais posent la question de «la défense de la patrie» tout autrement que ne la pose notre parti. Nous repoussons la défense de la patrie dans la guerre impérialiste (…) Evidemment les auteurs des thèses polonaises repoussent la défense de la patrie d’une façon générale, c’est-à-dire même pour une guerre nationale, estimant peut-être que les guerres nationales, dans l’ère impérialiste, sont impossibles.»

Il est patent que dans ce passage Lénine affirme que pour lui les guerres nationales ne sont pas encore finies et qu’il admet la défense de la patrie dans une guerre nationale. On voit clairement qu’ici même l’idéologie léniniste est en contradiction avec le marxisme et avec elle-même. Pour Lénine la réalité oscille entre deux pôles qui se nient réciproquement. D’une part il reconnaît la réalité terrible de la guerre impérialiste, qui tire son origine apparente d’un conflit national, de l’autre il s’attache désespérément à un nationalisme évincé, suranné, qu’il veut par force faire revivre. Et c’est par cela même qu’il cherche des exemples dans des insurrections nationales qui ont démasqué successivement leur caractère réactionnaire et qui n’ont apporté aucun avantage au mouvement révolutionnaire du prolétariat. Lénine affirme ceci: «Les socialistes veulent utiliser pour leur révolution tous les mouvements nationaux qui se déclenchent contre l’impérialisme. Plus la lutte du prolétariat contre le front commun des impérialismes est à présent nette, plus le principe internationaliste devient essentiel qui dit: un peuple qui opprime d’autres peuples ne peut être libre lui-même».

Dans sa polémique avec la brochure de Junius (page 154 du deuxième volume) la pensée de Lénine dans cette question se précise de plus en plus. Pour Lénine existe une ligne de démarcation nette entre les guerres nationales et les guerres impérialistes: «Seul un sophiste (page 158) pourrait essayer d’effacer la différence entre une guerre impérialiste et une guerre nationale…»

Et plus bas il affirme même la possibilité d’une grande guerre nationale: «Si l’impérialisme hors d’Europe se maintenait aussi pendant une vingtaine d’années, sans laisser de place au socialisme, par exemple en raison d’une guerre américano-japonaise, alors serait possible une grande guerre nationale en Europe.»

Junius (Luxembourg) soutient, en marxiste, cohérent, qu’il ne peut plus se faire de guerres nationales et Lénine s’écrie qu’il serait faux «d’étendre l’appréciation de la guerre actuelle à toutes les guerres possibles sous l’impérialisme, d’oublier les mouvements nationaux qui peuvent se produire contre l’impérialisme». Et il ajoute que même une grande guerre nationale est possible ! Ici la contradiction entre sa pensée et la pensée Marxiste se fait de plus en plus aiguë, car pour Zinoviev lui-même la guerre de 1870-71 a fermé l’ère des grandes guerres nationales en Europe.

En vain, page 122-23 du même ouvrage Lénine essaie de se tirer d’affaire dans sa polémique contre les social-démocrates polonais, en ayant recours à la pensée d’Engels contenue dans l’ouvrage Le Pô et le Rhin. Sa contradiction avec le Marxisme n’en est pas moins évidente. Engels croit que les frontières des grandes nations européennes furent déterminées dans le cours historique, qui réalisa l’absorption de plusieurs nations petites et non viables, intégrées plus en plus dans une grande par la langue et les sympathies des populations. Cette thèse d’Engels est déjà très faible du point de vue historique. Mais surtout Lénine est obligé de constater que le capitalisme réactionnaire, impérialiste, brise de plus en plus souvent ces frontières démocratiquement définies. Or il faut remarquer que la façon de voir l’influence du capitalisme dans le bouleversement des anciennes frontières qu’Engels considèrerait comme «naturelles» ne répond pas du tout à l’idée maîtresse du Marxisme contenue dans le Manifeste des Communistes au passage précité : «Déjà les démarcations nationales et les antagonismes entre les peuples disparaissent de plus en plus avec le développement de la bourgeoisie, la liberté du commerce, le marché mondial, l’uniformité de la production industrielle et les conditions d’existence qui y correspondent.»

Ce processus de disparition des démarcations nationales n’est pas considéré par Marx comme un phénomène réactionnaire, tel que le prétend Lénine. Lénine considère tout ce processus et la façon de l’envisager mise en pratique par les social-démocrates polonais, comme de «l’économisme impérialiste». Voici ce qu’il en dit : « Les vieux « économistes » ne laissant qu’une caricature du Marxisme, enseignaient aux ouvriers que « ce qui est de l’économie » importe seul aux Marxistes. Les nouveaux « économistes » pensent-ils que l’état démocratique du socialisme vainqueur existera sans frontière (dans le genre d’un complexe de sensation sans matière) ? Pensent-ils que les frontières ne seront déterminées que par les besoins de production ? En réalité ces frontières seront déterminées démocratiquement, c’est-à-dire conformément à la volonté et aux sympathies de la population. Le capitalisme influe par la violence sur ces «sympathies» et par là ajoute de nouvelles difficultés à l’œuvre de rapprochement des nations».

Il y a là un contraste évident entre la pensée léniniste et la pensée Marxiste. Pour Marx la bourgeoisie, l’organisation économique du capitalisme font disparaitre les frontières, éliminent les difficultés nationales, pour Lénine le capitalisme augmente ces difficultés. On pourra remarquer que la bourgeoisie était progressiste en 1848 et réactionnaire dans la phase impérialiste. Ce serait là une distinction qui ne servirait pas beaucoup, car l’essor de l’économie mondiale n’a pas cessé depuis lors, même à travers des crises formidables à déterminer un rapprochement de plus en plus intime entre les populations nationales, et parfois la fusion des éléments nationaux.

         La pensée Léninienne ne se rend pas compte aussi du côté artificiel des soi-disant sentiments nationaux alimentés expressément par la bourgeoisie. Elle ne se rend pas compte que chez quelques couches de la population les sentiments chauvins sont un simple résultat de leurs conditions économiques. Qu’aujourd’hui l’amour de la patrie est relégué dans ces couches, que nous avons déjà désignées plus haut.

La pensée léniniste nous apparaît ici comme un anachronisme historique, un retour en arrière. Il veut réaliser l’unité des peuples en revenant sur une base historique, que le marxisme considérait en 1848 déjà comme en voie de disparition. La pensée Léninienne sur ce terrain bien ignoré des militants communistes occidentaux peut être définie carrément comme réactionnaire.

Au lieu de combattre des sentiments nationaux, que la bourgeoisie a tout l’intérêt de maintenir en vie, elle les encourage, les légitime, en fait une base morale de développement du socialisme. Personne ne doutera un moment, en lisant la polémique de Lénine contre Junius que le sophisme est de son côté. En effet quel est le seul argument qu’il peut ajouter contre la Luxemburg ? Le prétexte subtil que la dialectique peut glisser dans le sophisme. Et il fait pour cela appel à la dialectique des Grecs qui n’a rien à faire avec la dialectique matérialiste, qui n’est pas une méthode en dehors de la réalité, mais une méthode dans la réalité elle-même. Car cette guerre nationale (la petite Serbie qui se révolte contre la grande Autriche) s’était transformée en la guerre impérialiste non pas dans l’abstraction, mais dans la réalité. Elle a prouvé clairement que le sophisme était sur le terrain des guerres et questions nationales du côté de Lénine.

Mais avant de passer en revue les évènements historiques qui sont venus confirmer ce jugement il ne sera pas mal de fixer d’une façon plus claire la pensée de Lénine par une citation qui ne peut donner lieu à aucune contestation dans son contenu. Dans l’article contre la brochure de Junius (page 158, deuxième volume) Lénine affirme nettement sa foi dans les guerres nationales et étend sa théorie à la question coloniale : « Des guerres nationales – dit-il – ne sont pas seulement probables, elles sont inévitables, à une époque d’impérialisme, du côté des colonies et des semi-colonies. Dans les colonies et semi-colonies (Chine, Turquie, Perse) il existe des populations atteignant au total jusqu’à un milliard d’hommes, c’est-à-dire plus de la moitié de la population du globe. Les mouvements nationaux émancipateurs, de ce côté, sont ou déjà très forts, ou en croissance et, en maturations. La continuation de la politique nationale émancipatrice des colonies sera forcément dans des guerres nationales qu’elles engageront contre l’impérialisme. Des guerres de ce genre peuvent amener une guerre des grandes puissances impérialistes d’aujourd’hui, mais elles peuvent aussi ne rien amener, cela dépendra de nombreuses circonstances. »

Nous avons remarqué jusqu’à présent les contradictions entre le Marxisme et le Léninisme sur le terrain de la question nationale. Nous avons fait remarquer le contraste net entre la thèse national-bolchévique du Léninisme et l’internationalisme marxiste des gauchistes allemands, des Polonais et des Hollandais. Ceux qui auront lu ou liront l’article Le communisme et la question nationale de Bordiga   sur Prometeo du 15 septembre 1929 remarqueront que ce contraste (tout en étant caché) existait aussi entre la pensée de gauche italienne et la pensée léniniste.

Il ne s’agit pas là d’un pur hasard. Le Léninisme anti-marxiste cachait sur le terrain de la question nationale une profonde différence de conditions objectives entre la Russie et les autres pays européens. Les bases objectives de la prochaine révolution russe n’étaient pas purement socialistes et dans la pensée léniniste se produisait cette étrange contamination d’éléments prolétariens et bourgeois qui se heurtaient contre la pensée nettement ouvrière de l’occident. Les conditions objectives russes se reflétaient déjà dans leur contraste dans la pensée du futur chef de la Révolution d’octobre.

Ces considérations, qui ont pourtant leur base théorique, dans la conception du matérialisme historique et qui contiennent le jugement de la conception nationale du Léninisme, ne sauraient pas suffire, si elles ne s’étayaient pas sur la banqueroute historique du national-bolchévisme. Beaucoup de militants communistes ont cru jusqu’à présent que la tactique appliquée par le Léninisme, le Boukharisme et le Stalinisme n’avaient rien à faire avec le Léninisme, ils ont pensé que ces lignes tactiques de l’Internationale Communiste étaient une dégénérescence de la ligne pure du Bolchévisme. Cela a été dû aussi à l’attitude diplomatique de quelques opposants gauchistes, qui comme nous l’avons déjà fait remarquer au début de cet article, ont caché des différends sérieux avec le Léninisme, en faisant appel à la dégénérescence du bolchévisme. Les nuances zinovieviste, boukhariniste, staliniste et même trotskiste ne se détachent en rien du national-bolchévisme authentiquement léniniste.

C’est pour cela que nous avons été obligés d’avoir recours à de nombreuses citations de Lénine pour que les ouvriers communistes non fanatisés, qui lisent et réfléchissent, puissent comprendre que le national-bolchévisme a une source unique qui est dans le Léninisme.

Mais passons donc à l’analyse du processus historique ultérieur à la fondation théorique du national-léninisme pour constater la nature anti-prolétarienne et sa banqueroute définitive.

Nous avons déjà vu que Lénine en contraste avec la thèse Marxiste de 1871, envisageait la possibilité d’une grande guerre nationale en Europe, nous avons vu que Lénine estimait du devoir du prolétariat de défendre la nation opprimée. Pour les Léninistes en 1923, dans la période de l’occupation et de la guerre économique de la Ruhr, l’Allemagne faisait une guerre nationale. Ils affirmaient qu’à la suite du traité de Versailles l’Allemagne était devenue une nation opprimée. C’est pour cela que Boukharine dans la citation déjà alléguée estimait que le prolétariat allemand devait défendre la nation. Zinoviev dans la Rote Fahne du 17 juin 1923 affirmait que les communistes sont les vrais défenseurs du pays, du peuple et de la nation. Boukharine et Zinoviev étaient alors des léninistes, des bolchéviques purs. Lénine dans Contre le Courant n’avait-il pas prévu la « grande guerre nationale»? Certes Zinoviev oubliait son article des Maraudeurs, mais Lénine n’avait-il pas oublié en 1916 ses considérations de 1914 contre les réformistes ? Radek, exaltant Schlageter et polémiquant à l’amiable sur la Rote Fahne avec le fasciste Réventlow était lui aussi un Léniniste conséquent, car il songeait à défendre l’Allemagne opprimée contre l’impérialisme de l’Entente et la bourgeoisie allemande traîtresse. Certes la Ruth Fischer dépassait un peu les limites du Léninisme, quand elle procédait devant les étudiants racistes à sa justification de l’antisémitisme fasciste pour sauver la patrie opprimée, mais ce n’était là qu’un écart de conduite dû à un tempérament excessif. Rien que de léniniste chez Paul Frœlich lorsqu’il écrivait dans la Rote Fahne du 3 août 1923 : « Il n’est pas vrai que nous autres communistes avons été pendant la guerre des antinationaux. Nous étions contre la guerre, non parce que nous étions des anti-allemands, mais parce que la guerre ne servait que les intérêts du capitalisme… par cela même nous ne nions pas la défense nationale là où elle est mise à l’ordre du jour!»

Lénine a dit qu’il repoussait la défense de la patrie dans une guerre impérialiste, mais non pas d’une façon générale ? Nous voyons clairement que ni Zinoviev, ni Boukharine, ni Radek, ni Frœlich ne trahissait le Léninisme dans leur stratégie de 1923. C’était le Léninisme seul qui tuait la révolution allemande, c’était le national-bolchévisme qui, en prétendant sauver la nation contre la bourgeoisie allemande, sauvait la bourgeoisie contre le prolétariat allemand. On éloignait l’attention du prolétariat de son objectif principal : la lutte contre le capitalisme international, par suite on détachait ainsi les sans-patrie allemands des sans-patrie des autres nations, en bavardant d’oppression nationale, de trahison nationale de la bourgeoisie allemande et autres chansons petites bourgeoises. Quels ont été les résultats de l’application conséquente de la tactique nationale léniniste dans le 23 allemand ? Que le prolétariat a été battu, que la bourgeoisie allemande s’est renforcée tellement que Boukharine au VI° Congrès de l’Internationale Communiste s’est vu forcé de nous révéler la résurrection de l’impérialisme allemand!

C’est ainsi que l’idéologie nationale Léninienne au moins pour ce qui regarde la «grande guerre nationale européenne» a trouvé son tombeau dans le 23 allemand. Et derrière ce tombeau apparaît l’image sanglante de l’auteur de la brochure de Junius qui crie : «Il n’y a plus de guerre nationale sous l’impérialisme capitaliste».

Mais si la grande guerre nationale européenne a trouvé son tombeau dans le 23 allemand, les petites guerres nationales des colonies et semi-colonies (Turquie, Perse et Chine) sont aussi mortes dans le marais de la réaction impérialiste. Elles aussi n’ont pu se soustraire à l’influence du milieu historique dominé par le capitalisme. L’histoire des guerres nationales chinoise et turque, est l’histoire très connue de Kémal Pacha et de Chang-Kai-Chek. Ce sont là deux sanglantes tragédies où le prolétariat et les communistes turcs et chinois ont joué le rôle de la victime.

La Russie de Lénine, du bolchévisme, de l’édification socialiste a donné les armes pour ces guerres nationales à Chang-Kai-Chek et à Kémal Pacha ; ces derniers immédiatement entraînés dans le cercle de la politique impérialiste ont fait avec les impérialistes le front unique contre le prolétariat, ils ont tourné les armes que la Russie leur a fournies contre le prolétariat et les communistes. Et pourtant on a appliqué dans ces circonstances la pure tactique léniniste, quoiqu’en disent Trotski et ses suiveurs. On a dit au prolétariat chinois, au prolétariat turc de défendre sa patrie opprimée par les impérialistes et les agents des impérialistes ; on a proclamé la croisade des nations opprimées contre l’impérialisme. Lénine même n’avait-il aussi préconisé l’utilisation du front unique des nations opprimées contre l’impérialisme ? On ne peut certainement prétendre que la lutte pour la défense de la nation opprimée pouvait se concilier avec l’intérêt révolutionnaire des ouvriers, car la lutte du prolétariat contre le capitalisme et l’impérialisme international est la lutte contre sa propre bourgeoisie, non au nom de sa nation, mais au nom du prolétariat international. Ce qu’importait le plus en Chine pour le prolétariat chinois et international était l’entrée de la classe ouvrière chinoise dans la lutte révolutionnaire prolétarienne et non dans la lutte nationale, qui était réactionnaire dans son essence, qui ne pouvait mener dans aucun cas à l’émancipation nationale de la Chine, mais dans tous les cas à la liaison de la bourgeoisie chinoise avec l’impérialisme. Peut-on appeler aujourd’hui guerres nationales, des conflits qui ne peuvent pas se soustraire au milieu historique de l’impérialisme ? Non, évidemment ? Aussi, l’idéologie des guerres nationales, de la patrie non capitaliste, non-impérialiste a échoué complètement dans des défaites terribles et dans une mer de sang prolétarien. Et la sainte croisade des nations opprimées contre l’impérialisme oppresseur se transforme en une liaison des bourgeoisies indigènes et contre le prolétariat mondial. Si en Chine et en Turquie la légende de la guerre nationale s’est résolue en une tragédie, en Afghanistan et en Perse elle est morte sous les risées de l’histoire dans la farce d’Amanoullah.

Les colonies elles-mêmes, l’Égypte, l’Inde, ces pays qui englobent millions d’hommes et que Lénine espérait de déchaîner dans leur feu national contre l’impérialisme du colosse capitaliste, ne nous permettent pas une guerre nationale. Car dans les Swaraj, le Wafd, etc. la bourgeoisie indigène a déjà perdu son agressivité nationale, et elle cherche le compromis, l’alliance soumise avec le colosse impérialiste. Et pourtant les Léninistes acharnés préparent encore de nouvelles croisades nationalistes c’est-à-dire des nouveaux massacres de prolétaires coloniaux au lieu de préparer la révolution socialiste par le développement de la conscience du prolétariat des mêmes pays.

Quelles conclusions peut-on tirer de cette analyse de pensées et de faits sur la question nationale ?

Qu’il n’existe pas de question nationale pour le prolétariat, que les ouvriers ne peuvent tirer aucun avantage de l’existence pour eux d’une patrie et qu’ils n’ont pas à s’occuper d’oppressions nationales, de droit des nations à disposer d’elles-mêmes. Le prolétariat développe son mouvement, fait sa révolution comme classe et non comme nation. Aussitôt après la victoire du prolétariat dans plusieurs nations, les frontières ne peuvent que disparaitre. La thèse léniniste de l’autonomie nationale des états socialistes est un non-sens. Lénine affirme que tant que l’état existe, la nation demeure une nécessité. Or la nation n’est qu’un produit de l’état bourgeois et non pas de l’état prolétarien. Les états prolétariens ne peuvent que tendre à s’unifier et à supprimer les frontières. Bien mieux : le socialisme en tant qu’ordre économique et social ne peut se réaliser que sur la base de la disparition totale des frontières. La suppression des différences économiques nationales ne peut se réaliser sans la suppression des limites nationales qui sont d’ailleurs artificielles et conventionnelles. La dictature prolétarienne, l’état ouvrier, qui n’est pas l’état bourgeois ne peut avoir qu’un caractère universel et non pas national, démocratiquement unitaire et non pas fédératif. Les communistes marxistes n’ont pas à édifier les Etats Unis d’Europe ou du monde, leur but est la République universelle des conseils ouvriers.

Les communistes marxistes doivent propager par conséquent parmi les larges masses ouvrières la haine de la patrie, qui est un moyen pour le capitalisme de semer la division entre les prolétaires des différents pays. Ils doivent préconiser parmi les larges masses ouvrières la nécessité de la fraternisation, de l’union internationale de tous les prolétaires dans tous les pays. Ils doivent combattre avec acharnement non pas seulement toutes les tendances chauvines, fascistes ou social-démocrates, qui empoisonnent même les milieux ouvriers, mais aussi toutes les tendances masquées, qui essaieraient de donner une base quelconque à l’idéal national. Ils doivent combattre contre la légende des guerres nationales, la légende des croisades populaires anti-impérialistes. Ils doivent ancrer en utilisant l’expérience historique, au plus profond des masses prolétariennes la foi dans la victoire du socialisme, rien que sur des bases purement classistes, purement internationalistes.

Il faudra par conséquent porter tous nos efforts sur la renaissance du véritable internationalisme marxiste, dans lequel les social-réformistes et les national-bolchévistes ont semé la confusion.

Nous savons bien que notre propagande ne peut à elle seule réaliser cet effort de ramener parmi les masses l’internationalisme et de le développer jusqu’à un degré inconnu jusqu’à présent. Nous savons que notre propagande, tout en étant nécessaire, n’aura pas la moindre influence, si les développements ultérieurs du processus historique ne se chargeaient de la confirmer. Mais nous savons aussi que ces développements ne peuvent que pousser le prolétariat vers les positions que les véritables internationalistes n’ont jamais trahis, que Rosa Luxemburg a conservé jusqu’à la mort.


Notes

  1. L’Ouvrier Communiste, n°2/3. Octobre 1929. Léninisme ou marxisme ? L’impérialisme et la question nationale. Url  https://bataillesocialiste.wordpress.com/documents-historiques/1929-10-leninisme-ou-marxisme-limperialisme-et-la-question-nationale-goc/

   Source : QUESTION NATIONALE ET RÉVOLUTION PROLÉTARIENNE SOUS L’IMPÉRIALISME MODERNE.  142 pages • 15,5 €  •  EAN : 9782343114743

Amazon : https://www.amazon.ca/Question-nationale-r%C3%A9volution-prol%C3%A9tarienne-limp%C3%A9rialis/dp/2343114749/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1496234995&sr=8-1&keywords=Robert+Bibeau
Pour télécharger le volume gratuit en Anglais, en Italien et en Espagnol : https://les7duquebec.net/archives/225366

Source: Lire l'article complet de Les 7 du Québec

À propos de l'auteur Les 7 du Québec

Les 7 du Québec a pour mission de susciter la réflexion et l'engagement social et politique par le débat et le choc des idées afin de susciter des voix et d'ouvrir des voies de solutions aux problèmes contemporains.Le webzine Les 7 du Québec publie chaque jour des textes de réflexion sur les grands enjeux de société.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Recommended For You