Nous ne vivons plus que pour travailler. Nous ne vivons plus que pour payer notre tribut au Moloch étatique. Métro, boulot, dodo.
Par Gérard-Michel Thermeau.
« Quand j’entends le mot culture, je sors mon couvre-feu ». Ce mot historique attribué au locataire de Matignon est, bien sûr, comme tous les mots historiques parfaitement apocryphe.
Sous prétexte de Covid, dont la virulence ne se manifeste ni dans les transports en commun, ni sur les lieux de travail, ni dans les grandes surfaces mais uniquement dans les salles de spectacle, et plus spécifiquement à compter de 20 heures, la vie culturelle n’existe plus.
Je parle ici de la culture « bio ». La culture « en conserve » nous y avons tous accès en permanence. Mais la culture qui nous amène à sortir de chez nous pour aller voir une pièce de théâtre, un concert, un film, cette culture-là n’existe plus.
Elle est, en effet, non essentielle.
Métro, boulot, dodo.
Le fameux slogan dénonciateur est devenu réalité. Non la réalité du « capitalisme » mais la réalité de la « social-démocratie » qui est allée jusqu’au bout de sa logique. L’État-Providence, l’État-Nounou nous a pris en charge pour nous sauver malgré nous. Nous ne devons plus vivre que pour travailler et préserver notre santé, pour pouvoir travailler et remplir ainsi les caisses de l’État. La Triade capitoline, Macron, Castex, Véran, en a ainsi décidé.
Métro, boulot, dodo.
Depuis le mois de mars, d’annulation de spectacles en annulation de spectacles, je suis sorti en tout et pour tout deux fois et l’un des deux concerts était un report d’une annulation de la précédente saison. Pour quelqu’un comme moi qui sortait entre une à deux fois par mois pour voir un « spectacle vivant », comme on dit, les temps du covidisme sont devenus irrespirables.
Et je ne parle pas de ma vie associative, je suis membre actif de cinq associations : réduite à néant. Or les associations dont je suis membre sont presque toutes à vocation culturelle. Mais nous ne menons plus aucune action. Il n’y a plus ni conférences, ni réunion, ni manifestation de quelque nature que ce soit. Je sortais deux à trois fois par mois. Là aussi, fini, terminé.
Je ne sors plus de chez moi si ce n’est pour faire mes courses essentielles. Jusqu’à peu, cela me permettait d’acheter des chocolats mais pas d’aller me faire couper les cheveux. Le chocolat, il est vrai, permet de soutenir le moral des prisonniers. S’ils se mettaient à couper les cheveux en quatre, cela pourrait leur donner de mauvaises idées.
Métro, boulot, dodo.
Évidemment, j’ai perdu toute habitude et toute envie d’aller dans le centre-ville. Je ne m’y déplaçais qu’à pied. D’ailleurs les centres-villes sont désormais conçus exclusivement pour les piétons, les bus et les trams. Or, impossible de mettre un pied dehors puis un autre et ainsi de suite sans le sacro-saint masque. Malheureusement, moi j’ai besoin de respirer quand je marche. Et j’ai encore moins envie de prendre un bus ou un tram.
Le masque, je dois le porter toute la journée au lycée. J’en comprends la nécessité dans un espace confiné. Il me permet, du moins, de faire un cours « presque normal » à des élèves. L’enseignement à distance, cela fonctionne peut-être très bien dans le supérieur mais dans le secondaire, ben non.
Mais devoir porter le masque en permanence, dans des rues désertes, non merci. Beaucoup de gens font comme moi. Ils prennent leur voiture. C’est la seule façon d’être provisoirement « libre », d’échapper à la tyrannie de nos bons maîtres. Mon temps de marche à pied a été divisé par autant que se sont multipliés mes déplacements en voiture. J’en frémis rien qu’en songeant (hypocritement) à notre pauvre petite planète.
Métro, boulot, dodo.
Je ne marche plus donc je ne vais plus ou quasiment plus dans le centre-ville. Pourquoi y aller d’ailleurs ? Les librairies, qui sont, comme chacun sait, très dangereuses en raison de la foule d’une extrême densité qui les fréquente tandis que les grandes surfaces n’attirent que de rares amateurs, ont été longtemps fermées. Elles viennent de rouvrir mais, que voulez-vous, Amazon m’a donné de mauvais réflexes.
Les cinémas, je n’en parle pas. Le temps du cinéma est révolu. Thomas Edison l’a emporté sur Louis Lumière. Le kinétoscope annonçait davantage l’avenir que le cinématographe. Chacun a l’œil fixé sur son écran. Comme je ne suis pas de la génération Netflix, je me contente de YT.
Et puis, que voulez-vous, c’est comme pour Amazon et les librairies. Il n’y a pas photo.
D’un côté, le côté Edison, une offre pléthorique et immédiatement disponible, de l’autre, le côté Lumière, une sélection maigrelette. D’un côté, la possibilité d’acheter ou de voir les films depuis les origines, de l’autre uniquement des nouveautés pré-sélectionnées d’un intérêt relatif.
Métro, boulot, dodo.
L’État veille sur nous. L’État veille sur moi. Il a l’œil braqué sur moi.
Porte ton masque ! Ne sors pas après 21 heures !
Je discutais un jour avec mon coiffeur, un garçon qui aime couper les cheveux en quatre, déplorant de constater à quel point ma vie sociale et culturelle s’était réduite à néant. Je m’étonnais de la passivité générale. « Peut-être que la plupart des gens ont une vie de merde. Et cela ne les change donc pas » m’a répondu ce philosophe du ciseau.
Alors, vivons heureux, vivons masqués, vivons mesquins.
Ne vivons plus que pour travailler.
Ne vivons plus que pour payer notre tribut au Moloch étatique.
Métro, boulot, dodo.
Métro, boulot, dodo.
source:https://www.contrepoints.org/
Source : Lire l'article complet par Réseau International
Source: Lire l'article complet de Réseau International