Par Jacques Chastaing.
Dans ce pays de 267 millions d’habitants qui a de fortes traditions de luttes, le gouvernement a voulu passer une loi s’attaquant au droit du travail, aux salaires, à l’emploi et à l’environnement. Résultat 3 jours de grève générale massivement suivie à partir d’aujourd’hui qui pourraient bien déboucher sur un ébranlement général du pouvoir.
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En effet, déjà l’année 2019 a été traversée par des grèves, manifestations et émeutes de masse de mai à octobre, ce qui n’avait pas été vu depuis les émeutes de 1998 qui avaient provoqué la chute du dictateur Suharto et du pouvoir des militaires en place depuis leur coup d’État de 1965 et le massacre de la gauche indonésienne (500 000 morts au moins).
Les émeutes avaient commencé en mai 2019 après les élections mettant au pouvoir Joko Widodo accusé de les avoir truquées, suivi par d’autres émeutes et manifestations contre des amendements répressifs au code pénal puis par un soulèvement en Papouasie puis encore par la grève des étudiants de 300 universités en lutte contre la corruption du régime, avec là aussi des émeutes, puis enfin par des manifestations massives de travailleurs contre les nouvelles lois anti-ouvrières criminalisant les militants et les grèves et facilitant les licenciements puis encore et toujours sur le même objectif le 20 janvier 2020 avec la menace faite par les dirigeants syndicaux, pourtant guère radicaux, de reconduire ce mouvement par une manifestation gigantesque le 30 avril malgré le covid-19 qui ciblerait le parlement national en donnant par là un caractère évidemment politique au mouvement centré autour de la mobilisation des ouvriers.
En début 2020, la presse inquiète parlait donc de 2020 comme année de tous les dangers : le volcan social n’est pas loin de l’éruption, titre-t-elle.
Face à cela et le coronavirus, le gouvernement n’a pas mis en place un confinement généralisé avec le but premier de maintenir l’activité économique mais un état d’urgence policier féroce régionalisé ou localisé en particulier à Jakarta. Ainsi, face à la menace de la manifestation du 30 avril à Jakarta, la ville a été confinée en même temps que le gouvernement prenait les premières mesures sanitaires à l’échelle du pays à partir du 23 avril. Dans le même moment, le gouvernement tentait de montrer ses muscles en interdisant la manifestation du 30 au prétexte du virus. Il faut dire qu’à Jakarta la situation pourrait devenir explosive. Dans cette ville de près de 30 millions d’habitants qui a connu une année 2019 particulièrement agitée, 4 millions de personnes s’entassent dans les bidonvilles avec une taille d’habitation moyenne de 9 m2 pour une famille et seulement des points d’eau collectifs avec une distanciation physique impossible mais en revanche un réseau d’hôtels de luxe Ayarduta avec leur propre hôpital privé et des tests pour tous les client. De plus, malgré le choix de gouvernement de privilégier l’économie, 1,2 millions de travailleurs ont été licenciés dont plus de 160 000 dans la capitale à la date de fin avril.
Alors, si le gouvernement a tenté d’utiliser le virus pour demander aux pauvres des bidonvilles de ne pas contaminer les riches (sic !), en tentant d’isoler les bidonvilles et en confinant les travailleurs chez eux à Jakarta, interdisant quasi toute sortie sauf pour se nourrir, il a fini par céder à la peur du 30 avril qui s’annonçait pour lui comme la date de tous les dangers, en repoussant ses lois anti-ouvrières – ce qui a été considéré par les travailleurs comme une grande victoire et en associant les directions syndicales aux discussions à venir, ce qu’elles ont acceptées.
Malgré l’agitation policière du pouvoir, malgré les licenciements massifs, l’initiative est dans les mains des ouvriers et la nouvelle tentative du pouvoir de faire passer ses lois anti-ouvrières en octobre 2020 pourrait bien – au minimum – être un nouvel échec pour lui, voire plus, redonner conscience de toute sa force au monde du travail et le pousser à aller bien plus loin.
Jacques Chastaing
Source: Lire l'article complet de Les 7 du Québec