par Serge H. Moïse.
Il y a déjà quelques décennies, la dictature rétrograde et sanguinaire à qui l’on attribuait tous les maux de la république disparaissait du paysage haïtien. Le Pape avait joint sa voix à celle des protestants, des hougans et autres créatures divines pour crier haut et fort : Quelque chose doit changer dans ce pays !
Force est de constater qu’après ce laps de temps, cette prière n’est toujours pas exaucée. Avions-nous manqué de ferveur ou nous faudra t-il patienter encore inlassablement en nous répétant, comme nous le dit si bien le vieil adage « Tout arrive à temps à qui sait bien attendre » ?
Rien n’est plus triste pour un homme que de perdre son pays disait le grand chansonnier québécois Félix Leclerc. Combien d’entre nous avons vécu, dans notre chair, les affres de cette douloureuse expérience sans avoir le courage de se l’avouer.
Pour survivre, à travers notre exil, nous nous inventons des histoires, peu convaincantes certes. Nous arrivons à nous persuader que nous avons fait notre part dans le passé et que nous continuons de sensibiliser les nôtres de la nécessité de ce qui devrait être fait pour sauver notre patrie en danger depuis son avènement à l’indépendance. Enfin pour expliquer ou excuser notre apathie, nous laissons croire que nous n’avons plus d’énergie. C’est donc une tristesse de s’enliser ainsi dans le déni de soi et de sa réalité. Cette dernière finit toujours par nous rattraper à un moment ou à un autre, à moins de tirer notre révérence pour l’au-delà bien avant.
En février 2006, nous avons cautionné une hérésie constitutionnelle en acceptant, après la mascarade à l’hôtel Montana, la répartition des bulletins blancs, histoire d’imposer le président soi-disant élu. Deux voix ont osé dire non : celle du directeur des affaires juridiques du CEP, en l’occurrence le soussigné et celle du conseiller électoral François Benoît.
Le président prêtera donc serment sur cette constitution qui venait d’être violée. Quoi d’étonnant qu’il ait passé les cinq années de son mandat à n’en faire qu’à sa tête, laquelle se situant plus près de nul que de zéro, selon son frère siamois?
Cette même année, en prévision des élections présidentielles et législatives, tout a été mis en œuvre pour berner et les électeurs et les candidats de l’opposition.
Les parlementaires en fonction n’ont pas hésité à voter une loi scélérate, toujours en violation de la constitution en son article 111.8 afin de prolonger leur propre mandat. Il n’y a donc pas de surprise à ce que ces honorables législateurs renvoient l’ascenseur en votant la loi inique prorogeant également le mandat de leur bienfaiteur.
Ce président fit si peu cas de la justice que durant tout son mandat, la Cour de Cassation de la République, fonctionnera cahin-caha, avec un membre en moins et non le moindre, le président de la susdite institution.
Il serait presque impossible de dresser la liste exhaustive de toutes nos dérives institutionnelles qui nous ont conduit dans ce gouffre aux profondeurs abyssales.
Au sein de la diaspora, on se morfond en conjectures de toutes sortes, hélas mis à part quelques efforts isolés, on ne fait pas grand-chose non plus. On s’intéresse certes aux misères de la mère patrie mais on ne voit aucune mobilisation sérieuse susceptible de contribuer à une quelconque différence.
Ces dérives ci-dessus mentionnées peuvent-elles être qualifiées simplement d’erreurs de la part de nos dirigeants politiques, de nos classes dominantes et de la communauté internationale ? La population n’en croit rien, ce qui explique cette révolte dévastatrice qu’on a constaté au lendemain de ce scrutin de la honte du 28 novembre 2010.
L’erreur est humaine, tout le monde en convient, mais persévérer dans l’absurdité en série depuis plus d’un quart de siècle, c’est génocidaire !
Le temps est venu de rompre avec nos traditions rétrogrades et contre-productives, finissons-en avec nos perpétuels déboires.
Seul un gouvernement de transition, avec pour leitmotiv, les intérêts supérieurs de la nation, en parfaite communion avec la population tout entière, y compris la diaspora, peut contribuer à nous sortir de ce triste et infernal labyrinthe.
Un tel gouvernement aurait pour mission, durant un mandat de trois ans ou plus, d’assainir notre administration, de professionnaliser notre police nationale, de réformer notre système judiciaire afin de le rendre efficace et efficient, élaborer la loi sur les partis politiques qui nous évite ce genre de carnaval à l’avenir, renouveler notre constitution sans faire un autre copier-coller et créer la Direction Générale des Élections avec des directions adjointes dans tous nos départements et enfin réaliser des élections crédibles, honnêtes et démocratiques.
Le défi est de taille, mais nous pouvons le relever à condition de le vouloir de toutes nos forces et de nous y mettre tous ensemble, à l’instar de ceux, beaucoup moins fortunés que nous et dans des conditions plus difficiles que les nôtres, qui avaient juré et tenu leur promesse de vivre libre ou de mourir debout.
Source : Lire l'article complet par Réseau International
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