La vente à un riche Émirati de 50 % du club israélien, plus connu pour ses chants anti-arabes que ses prouesses sportives, est un des actes les plus spectaculaires de la normalisation israélo-golfienne.
Ce ne sont pas les trophées qui ont fait entrer le Beitar Jérusalem dans la postérité, mais deux chants de gradins. Ils résonnent depuis des décennies au Teddy Stadium comme dans les rues de la ville sainte lors des manifs d’extrême droite et des ratonnades de hooligans : « Mahomet est mort » et « Mort aux Arabes ». C’est donc peu dire qu’il faudra aux ultras du Beitar un temps d’adaptation pour se faire à leur nouveau propriétaire : un obscur cheikh émirati. Jusqu’à présent, le club n’a jamais laissé un joueur arabe porter le maillot noir et jaune orné du chandelier à sept branches. Mais depuis lundi, un Arabe – certes membre d’une famille royale du Golfe – en est le boss.
La vente était dans les tuyaux depuis plusieurs mois, des rumeurs en faisant état dès la signature des accords de normalisation entre Israël et les Émirats arabes unis en septembre. L’ironie est presque trop grossière : le « club le plus raciste d’Israël » (autre fier slogan de ses ultras) est désormais codétenu par un juif, le petit génie de la cryptomonnaie Moshe Hogeg, et un musulman, le cheikh Hamad ben Khalifa al-Nahyan.
Signe que les temps changent ? C’est en tout cas le récit que cherche à distiller Hogeg, qui avait racheté le club en 2018 avant de revendre la moitié de ses parts au riche Émirati lundi, après avoir obtenu la bénédiction d’une éminence ultraorthodoxe, le « rav » Kanievsky : « À mes yeux, et selon les rabbins, le racisme est un blasphème. Nous voulons montrer que juifs et musulmans peuvent travailler ensemble, sans crainte. » Pour sa part, Ben Khalifa a dit son « émotion » de rejoindre un « club si réputé, dans cette ville si particulière, la capitale d’Israël et l’une des cités les plus saintes du monde », acquiesçant ainsi aux proclamations de souveraineté de l’État hébreu.
Le Beitar Jérusalem n’a jamais été un club comme les autres. À l’instar du Likoud, le parti au pouvoir, il est une émanation du mouvement de jeunesse sioniste radical du même nom, fondé en 1936 par Zeev Jabotinsky, figure totémique de la droite nationaliste. Dans les premières années d’Israël, on supportait les clubs estampillés « Hapoël » (« ouvrier », en hébreu) quand on était socialiste, « Maccabi » quand on était bourgeois et « Beitar », quand on était viscéralement droitard, héritage qui se transmettait de père en fils. Aujourd’hui, ces allégeances politiques sont généralement caduques – à l’exception du Beitar Jérusalem. Pour tout ambitieux à droite de l’échiquier, à commencer par Benyamin Netanyahou, un passage par les gradins du Teddy Stadium avec une écharpe jaune sur les épaules reste un passage obligé.
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