Le procès du Québec et de l’Assemblée nationale a débuté lundi le 2 novembre dernier. La demanderesse principale est une jeune militante d’un islam politique et conquérant qui exige de pouvoir enseigner dans nos écoles tout en affichant ses symboles religieux. Mais elle est loin d’être seule ! Elle est appuyée par tout un corps de troupe provenant de l’élite vertueuse et morale du Canada. Ce corps de troupe amène avec lui des dizaines de millions $ et une petite armée d’experts bien rémunérés. Le juge assigné au dossier a déjà ses quartiers de noblesse en matière d’extravagance idéologique. Il y a quelques années, lors de la contestation de la loi 62, il a amplement montré ses couleurs en déclarant qu’il était inadmissible qu’une croyante de l’islam ait à se découvrir le visage pour demander ou obtenir un service public.
Il ne faut surtout pas se laisser mystifier par les apparences de justice et de modernité de ce procès politique que le Canada fait présentement au Québec. Les vieux préjugés et un mépris plusieurs fois séculaire à l’endroit de tout ce qui est canadien-français colorent la toile de fond de la mise en accusation qui est faite à notre Assemblée nationale. Avec un peu de recul, on peut apercevoir en filigrane un vieux clash de civilisations.
Un appui sans retenue à un islam politique et conquérant
Par organismes interposés et généreux financièrement, les Anglo-protestants et leurs alliés ont spontanément épousé la cause de cette jeune guerrière – militante d’un islam politique et conquérant – qui a décidé de recourir aux grands moyens pour imposer sa volonté de combattante idéologique à l’Assemblée nationale du Québec et à la population qui la soutient. C’est le Québec qui se retrouve encore une fois sur le banc des accusés, avec sa culture et ses institutions, son état d’esprit et ses valeurs particulières. C’est le Québec – pays de barbarie congénitale – qui a osé violer une fois encore l’une des valeurs fondamentales du Canada. Les civilisés n’ont pas d’autre choix que de faire l’impossible pour remettre le récalcitrant sur le chemin du monde civilisé. Défi immense.
Quant au juge du procès, il est un affidé du gouvernement fédéral. Il a prêté serment de non seulement défendre le multiculturalisme canadien, mais une conception proprement anglo-protestante de la loi, du droit et de la justice, conception enseignée dans toutes nos écoles de droit et appliquée systématiquement devant nos tribunaux. Le jugement sera sans doute sans surprise. Le Québec mérite une bonne raclée pour avoir outragé la bonne conscience et les valeurs civilisatrices du Canada.
Un vieux clash de civilisations
Il ne faut surtout pas perdre de vue que l’histoire, elle, se continue à travers ce clash de civilisations. Tout d’abord, les Anglo-protestants n’ont jamais accepté – et n’accepteront jamais – de partager leur pays avec une communauté de « papistes français ignares et paresseux ». À titre d’exemple, tout au long du XIXesiècle, le principal slogan de l’élite vertueuse et morale des Anglo-protestants était ce qu’il y a de moins charitable au monde : « Les Canadiens français doivent disparaître de la surface de la terre. » Au début du XXesiècle, des membres de l’élite vertueuse et morale de la « minorité historique anglaise du Québec » discutaient publiquement de la possibilité de stériliser les Canadiennes françaises qui faisaient manifestement trop d’enfants.
Aujourd’hui, un corps de troupe de cette élite vertueuse et morale plaide la cause d’une « jeune guerrière sur le chemin de Dieu » qui rêve de mettre le Québec tout entier à ses genoux pour avoir imposé une limite à l’expression de ses convictions personnelles dans nos écoles. Exprimer sa foi et ses convictions est bien entendu légitime, mais vouloir les imposer aux autres l’est beaucoup moins. Le fait-elle de manière socialement responsable ou s’est-elle engagée dans une entreprise démesurée que l’on pourrait qualifier de fanatisme ? Le fanatisme ne réside pas tant dans la sincérité ou l’intensité d’une croyance, que dans la façon dont certains la vivent ou cherchent à l’imposer aux autres. On retrouve chez ces extravagants des personnalités narcissiques et rigides, sans nuance ni compromis, incapables de comprendre le point de vue des autres ou de se mettre à leur place, de tenir compte de de leurs droits ou des droits du bien commun et de la société. D’ailleurs, toute résistance à l’expression de leurs convictions les exaspère, les indigne et les révolte. Pour cette raison, ils glissent facilement dans la voie qui conduit aux pires excès et extravagances. Pourtant, nous nous devons de confier nos enfants qu’à des personnalités adultes saines et responsables. Une question de fanatisme semble donc se poser. Examinons ce qu’il en est.
Une guerrière sur le chemin de Dieu
Le 2 novembre, premier jour du procès, la jeune militante a témoigné sous serment. Selon ce qu’en rapporte la presse, elle a déclaré : « Ma religion est un mode de vie. Le hijab est une obligation de l’islam ; il fait partie de moi. L’enlever est inconcevable, inimaginable. » Il y a beaucoup d’informations dans ces quelques lignes.
Il y a d’abord ce qu’elle ne dit pas. Elle est enseignante, mais elle ne dit rien de ses rapports avec les enfants. Il n’est question que d’elle, de ses convictions et de ses droits. Les enfants dans nos écoles ont eux aussi des droits et libertés que l’État est tenu de protéger, ce qu’elle semble ignorer. Ne jouissent-ils pas eux aussi d’une liberté fondamentale que l’on appelle la liberté de conscience ? Mais pour ceux qui ont des convictions profondes, qui vivent dans la certitude de la vérité, qui sont déterminés à aller jusqu’au bout de leurs passions, les droits et libertés des autres sont sans importance. En fait, ils n’existent pas. Ceux qui n’acquiescent pas à leurs idées doivent filer doux, s’effacer ou s’écraser. Une foi ardente et passionnée ne lésine pas sur les moyens. Le recours à des actes répréhensibles n’est jamais très loin. Les convictions profondes, les certitudes de posséder la vérité, les fois ardentes ou tout autre état d’ivresse mentale ne s’embarrassent pas du sens de la mesure, n’évaluent pas la qualité des moyens, ne tiennent pas compte des considérations de temps, de lieux, ou de convenances. Il faut combattre par tous les moyens et vaincre tous les obstacles.
La jeune guerrière sur le chemin de Dieu nous dit, sous serment, que « le hijab est une obligation de l’islam ». Cette affirmation est fausse, totalement fausse. Elle nous laisse comprendre que, rendue à son niveau de certitude, elle n’a pas besoin de consulter les plus hautes autorités religieuses de l’islam pour s’enquérir des fondements et des traditions authentiques de cette religion. C’est le propre de ceux qui vivent de grandes passions de ne consulter et de ne reconnaître aucune forme d’autorité. Toute vérité leur vient subjectivement de l’intérieur. Au niveau de la prise de décision, seule la puissance de leur volonté compte.
Les autorités religieuses ont jadis rejeté le voile
Pourtant, au début du XXesiècle, les plus hautes autorités religieuses de l’islam sunnite avaient étudié à fond la question du port du hijab, et ce, dans un contexte social des plus paisibles. Elles en étaient venues à la conclusion que le port de ce vêtement ne constituait pas et n’avait jamais constitué une obligation de l’islam. C’était simplement une ancienne tradition qui n’avait rien à voir avec la religion. Suite à cet avis, les femmes de ces pays se sont mises massivement à enlever leur hijab et autres accoutrements qui les rendaient bizarres ou ridicules. Dans plusieurs pays, les hautes autorités civiles ont encouragé ce passage à la modernité. Ce sont donc les plus hautes autorités religieuses et civiles de l’islam qui ont encouragé le dévoilement. Cette question a été fort bien documentée à l’époque. Mais les passionnées, celles qui ne consultent que leur voix intérieure, n’ont pas besoin de consulter les plus hautes autorités pour se déterminer. Rien ne peut les contraindre, mais elles s’imaginent avoir le droit, elles, de contraindre tout le monde. Le vivre-ensemble est le cadet de leurs soucis.
Le voile récupéré pour devenir un symbole révolutionnaire
En 1979, c’est l’ayatollah Khomeini, instance religieuse suprême de la révolution iranienne, qui, lors de l’instauration de la république islamique, a réhabilité le hijab pour en faire un grand symbole d’un islam révolutionnaire et conquérant. Tout le mouvement révolutionnaire islamique, alors en pleine expansion, a tout de suite adopté ce symbole d’un islam qui se faisait plus politique et plus conquérant que jamais.
Le hijab a fait beaucoup de chemin depuis 1979. Il est aujourd’hui le premier symbole de ralliement d’une violence politique et religieuse qui sème le désordre, la peur et la terreur. Par ignorance crasse ou sentiment de supériorité, l’élite vertueuse et morale du Canada anglais défend bec et ongles ce symbole de fanatisme, de violence et de mort. Le jugement qui sera rendu dans cette affaire sera sans doute en faveur de ce symbole. Il faut bien se porter à la défense de ce symbole puisque le Québec, lui, l’interdit dans les écoles. C’est sans surprise. Rien de bon ne peut venir d’un Québec arriéré et barbare.
La jeune guerrière ajoute enfin : « L’enlever est inconcevable, inimaginable ! » Elle, enseignante, fait preuve d’une crispation aveugle. En fait, elle vit sous l’autorité de sa passion, et non de celle de la raison. Mais où est son sens de la mesure ? Où est-elle rendue dans sa réflexion sur la poursuite du bien commun et la nécessité du vivre-ensemble ? Sur son devoir de respecter l’autorité de la loi en tant que principe d’ordre et œuvre de raison ? Sur son devoir de respecter les droits et libertés de ceux qui ne partagent pas ses préjugés et ses passions ? Et, surtout, sur son devoir de respecter la liberté de conscience de tous les enfants qui lui sont confiés chaque année et qui ne peuvent comprendre que leur enseignante est habitée par une passion qui la porte à croire que ses droits et libertés à elle sont plus nobles et plus élevés que ceux de tous les autres ? En fait, cette militante n’a ni devoirs ni sens des responsabilités. Sous l’angle de la justice sociale, elle se place au-dessus des droits du bien commun, du vivre-ensemble et de la société tout entière.
Qui a réellement le goût de confier ses enfants à cette jeune enseignante et ses semblables qui portent obstinément le symbole de ralliement d’un islam révolutionnaire et conquérant qui terrifie et ensanglante le monde depuis plus de quarante ans et qui risque de continuer encore bien plus longtemps ?
Où s’arrêtera cette longue glissade vers le fanatisme ?
Il y a 10 ou 20 ans, ce genre de combattants sur le chemin de Dieu ont été accueillis ici le plus naïvement du monde. Aujourd’hui, ils cherchent à nous imposer leurs préjugés et leur vision du monde. Dans 10 ou 20 ans, certains auront déjà traversé le Rubicon, à moins que nous soyons déjà en pleine guerre civile. Aucun pays n’est à l’abri de la décapitation d’enseignantes et de l’égorgement de croyants dans les églises. L’islam n’a pas encore montré jusqu’où il peut aller. L’islam est déjà en guerre, en guerre contre lui-même et en guerre contre tout le monde.
Au Canada anglais, les gens sont facilement portés à croire en leur supériorité morale. Ils s’imaginent vivre du côté du bien, alors que le Québec serait fatalement du côté du mal. Il vaut la peine de préciser en ce sens que l’Occident est formé de deux grandes civilisations, l’une étant européenne et l’autre anglo-saxonne. Ces deux civilisations sont difficiles à concilier sur un certain nombre de points. Le Brexit des dernières années a fait la preuve de cette incompatibilité profonde. Le greffon anglo-saxon sur l’Europe ne s’est jamais soudé malgré toutes les concessions faites aux Anglais. Le Québec, lui, est un rameau de la civilisation européenne en Amérique du Nord. Ça fait depuis la Conquête que nous vivons en rapports étroits avec les Anglo-saxons, mais il n’a jamais été possible d’établir des rapports de confiance et d’amitié avec eux. Nous demeurons divisés, nous vivons dans une sorte de guerre froide perpétuelle. Bien des élites vertueuses et morales du Canada croient que notre langue et notre culture, nos traditions et nos institutions, notre état d’esprit et nos valeurs particulières n’ont pas leur place en Amérique du Nord. Le procès qui nous est fait aujourd’hui est hautement symbolique. C’est un exemple navrant et frappant du clash civilisationnel dans lequel nous pataugeons depuis 260 ans.
Soulignons, en terminant, qu’au Canada, il a toujours été important de transmettre des Canadiens français une très mauvaise opinion de ce qu’ils sont de manière à ce qu’ils finissent par l’assimiler et croire que cette opinion est fondée et qu’elle vient d’eux-mêmes. De sorte que le parfait colonisé est celui qui finit par se regarder avec les yeux de ceux qui le méprisent. C’est l’une des règles fondamentales dans la formation de l’identité. C’est pour ça qu’il faut éviter à tout prix de dénigrer les enfants, sans quoi, ils risquent de passer leur vie avec une mauvaise opinion d’eux-mêmes. En ce sens, le rôle des enseignants est pratiquement aussi important que celui des parents, compte tenu que les enfants s’identifient à toutes les personnes significatives dans leur entourage. Il ne faut pas oublier qu’ils sont des imitations à temps plein.
Christian Néron
Membre du Barreau du Québec
Constitutionnaliste,
Historien du droit et des institutions.
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec