Ô l’ironie…
Fin octobre, nous avertissions de possibles provocations impériales en Moldavie si la candidate de la banque mondiale Maia Sandu venait à perdre. Finalement, la belle l’a emporté quelques semaines plus tard de manière relativement aisée, ce qui constitua même une petite surprise :
Nos prédictions se sont révélées partiellement fausses. Nous prévoyions une élection présidentielle serrée, avec un léger avantage au camp pro-russe et une possible contestation de la rue actionnée par qui vous savez. Mais la candidate pro-européenne l’a confortablement emporté et Igor Dodon a reconnu sans barguigner sa défaite.
Est-ce un revers pour Moscou ? Sans doute, quoique d’une ampleur toute relative. D’abord parce que la Moldavie, de par son poids, ne va certes pas changer l’échiquier global. Ensuite, car la nouvelle présidente aura fort à faire avec le parlement. Enfin, le Kremlin a toujours le levier de pression de la Transnistrie, région séparatiste pro-russe au cœur de l’un de ces fameux conflits gelés post-soviétiques.
Selon l’immémorial principe des vases communicants, dont l’importance en géopolitique n’est plus à démontrer, le Kremlin lâche du lest transnistrien quand un président pro-russe est au pouvoir à Chisinau et durcit sa position quand le dirigeant en question regarde plutôt vers l’ouest.
Si les prévisions électorales de votre serviteur ont donc été partiellement démenties, l’on ne pouvait, par contre, toucher plus juste quant à la suite des événements (soulignée dans l’extrait ci-dessus).
Voulant faire son miel du côté occidental, l’abeille présidentielle a voulu frapper un grand coup dès sa première conférence de presse en appelant le contingent russe de Transnistrie à plier bagages. La réponse de Moscou ne s’est pas faite attendre, Lavrov répliquant vertement : « Nous pouvons difficilement accepter cette demande qui est, pour être tout à fait franc, franchement irresponsable ».
Les malheurs de Maia ne s’arrêtent pas là et l’on assiste à une scène assez surréaliste du côté de Chisinau. Alors qu’elle vient d’être élue et devrait commencer à préparer sa garde-robe officielle, elle appelle déjà ses partisans à manifester ! Que diable s’est-il donc passé ?
Nous l’avions annoncé après son élection : « la nouvelle présidente aura fort à faire avec le parlement ». Ce dernier vient en effet de présenter plusieurs projets de loi limitant les pouvoirs présidentiels, arrachant notamment le contrôle des services secrets au chef de l’État pour le donner à l’assemblée. L’argument du président sortant Igor Dodon, russophile assumé, est subtilement imparable : Sandu a la double nationalité moldave et roumaine et la loi interdit que les services soient supervisés par un ressortissant étranger. Difficile tout de même de ne pas y déceler un petit parfum de putsch institutionnel, une « révolution polychrome » made in Ours visant à rogner les pouvoirs de la nouvelle venue avant même qu’elle n’entre en fonction.
Soros et Langley n’avaient pas prévu ça. Maia non plus qui appelle ses partisans à manifester massivement ce dimanche pour demander la dissolution du parlement, rien de moins. Une contre-contre-révolution colorée en somme. Nous annoncions du sport en Moldavie et la bataille a peut-être commencé…
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