Dans un monde en perte de repères et de perspective, échappant partiellement à toute tentative d’analyse rationnelle, il convient de se positionner quelque part et prendre suffisamment de recul afin de saisir une vue d’ensemble à partir d’une perspective plus ou moins affectée par l’angle de vue.
Le patron du renseignement US a qualifié, dans un entretien au Wall Street Journal, la Chine de menace N°1 pour la sécurité nationale des États-Unis, l’accusant de subtiliser et donc de voler les brevets industriels et technologiques américains et de les copier avant de remplacer les compagnies US et occidentales produisant les produits issus de ces brevets. A cette première accusation, assez classique, s’ajoute un nouvel élément assez surprenante : la Chine y est accusée de mener des recherches biologiques interdites afin de créer des super-soldats, exploitant l’absence de barrières éthiques dans le domaine de l’ingénierie génétique et l’usage de l’outil CRISP. Enfin la Chine, que certains officiels US et occidentaux confondent délibérément avec le parti communiste chinois, est accusée de vouloir imposer au reste du monde son hégémonie économique, militaire et technologique
Ces accusations interviennent au moment où la Chine a réussi à envoyer une sonde lunaire, Chang’e 5, autour de la lune et y faire alunir un module chargé de forer la surface lunaire et d’y extraire une petite quantité de roche lunaire qui doit être renvoyée vers la terre.
Officiellement et selon l’histoire universellement convenue et enseignée dans l’ensemble des écoles et universités de la planète, les États-Unis ont envoyé, de 1968 à 1972, huit missions habitées vers la lune, dont six (Apollo XI -Apollo XVII) avaient réussi à faire poser des astronautes sur le satellite naturel de la Terre. La dernière mission, Apollo XVII, lancée le 07 décembre 1972, fut l’une des plus spectaculaires et la dernière mission de ce programme fort ambitieux.
48 ans après Apollo XVII, la Chine lance le 23 novembre 2020, Chang’e 5, une mission automatique visant à faire venir sur Terre une petite quantité de roche lunaire (objectif : 02 kilogrmmes SI) dans le cadre d’un programme ayant pour objectif d’installer à terme une station orbitale autour de la lune et explorer les moyens d’exploiter les ressources lunaires à des fins économiques.
Avant de crier au loup, les États-Unis ont eu près d’un demi-siècle d’hégémonie totale en matière d’exploration habitée de la lune car même l’ex-Union Soviétique, première puissance à avoir mis en orbite un satellite artificiel, le fameux Sputnik, en 1957 puis à envoyer le premier homme en orbite (Youri Gagarine en 1961) et réussir la première sortie dans l’espace extra-atmosphérique d’un cosmonaute (Alexis Léonov, 1965), ne réussit jamais à envoyer des hommes sur la lune et se contenta d’y envoyer des sondes automatiques.
De ce fait, Washington se retrouve forcé à s’intéresser à nouveau à la lune, non pas pour les besoins de la science mais par rivalité stratégique avec un adversaire qu’il cherchait désespérément au lendemain de la chute du Bloc de l’Est et à qui il substitua, une hypothétique menace verte qui ne prit jamais forme mais offrit le prétexte à une corruption aux proportions astronomiques. L’échec en Syrie signa la fin du modèle de la guerre hybride multi-sectorielle à thématique centrée hypocritement sur la démocratie et les droits de l’homme. Le sort du monde commença à osciller. Tandis que Washington et ses alliés vassaux couraient comme les personnages du très célèbre Western « Le Bon, la Brute et le Truand » de Sergio Leone dans la scène finale du cimetière derrière le pactole infini des « Guerres sans fin contre la Terreur » aux quatre coins de la planète, la Chine faisait tout son possible pour extraire des centaines de millions de personnes de la pauvreté, d’améliorer ses systèmes éducatifs, de bâtir des infrastructures et faire décoller son économie. Tandis que Washington inventait des chefs terroristes pour lesquels il mobilisait des milliards de dollars US et dont une grosse partie allait en retro-commission et en pots-de-vin à une liste croissante de « contractors militaires » et de parasites du complexe militaro-industriel, les chinois travaillaient très dur et sacrifiaient des classes d’âge entières pour que les générations suivantes puissent avoir un avenir meilleur en dépit des contingences inévitables affectant tout système complexe en termes d’entropie, de corruption, de pollution et de gaspillage de ressources. La Chine réussit à s’adapter et à exploiter une globalisation prédatrice profitant des pays les plus faibles et cherchant à amortir au maximum les coûts des intrants et de la main d’œuvre en tant que pays offrant des avantages comparatifs pour les grandes multinationales attirées par un immense réservoir de consommateurs. De pays pauvre, la Chine est parvenue non seulement à se hisser au sommet des puissances économiques mondiales mais à relancer son ancienne route de la soie sous forme d’un nouveau projet de coopération économique en direction du reste du monde.
Sous-estimée et méprisée, la Chine a été encerclée par un empire sûr de sa puissance militaire qui avait cru que les changements sociaux immenses induit par le capitalisme et les investissements directs étrangers allaient faciliter une révolution de couleur ou une autre forme de guerre hybride visant un système chinois dont on ne saisit toujours pas la nature véritable. De péninsule coréenne jusqu’à Taïwan en passant par Hong Kong et du plateau du Tibet jusqu’au Xinjiang ou Turkestan chinois, la Chine est de facto cernée par une myriade de bases militaires US en Corée du Sud, au Japon, à Guam et en Afghanistan. Les dirigeants chinois sont rationnels. Ils attendaient patiemment l’épuisement inéluctable d’un empire engagé sur tous les fronts et se contentaient d’affermir leur position de première manufacture du monde. Ils achetaient les dettes US et on su jouer le jeu d’un système financier international intrinsèquement injuste et prédateur.
Aujourd’hui la Chine vise la lune, a réussi à mettre au point es propres turbo-réacteurs pour l’aéronautique, a mis au point un ordinateur quantique 10 milliards de fois plus puissant que celui de Google, se focalise sur la fusion nucléaire en tant que nouvelle source potentielle d’énergie, investit massivement en Afrique et en Amérique du Sud, est leader de la technologie 5 G et bientôt 6G en matière de télécommunications et affiche de très grandes ambitions économiques. C’est à ce moment précis de l’histoire que Washington décide de classer ce pays comme un archi-rival. Un non sens historique. Car le centre du monde a déjà basculé vers l’aire Asie-Pacifique. Le temps des canonnières et du sac de la cité interdite par les troupes occidentales est révolu mais jamais oublié dans l’esprit chinois et ce dernier sait pertinemment qu’il suffit d’une décision concernant le remplacement du dollar US par une autre monnaie indexée sur les immenses réserves d’or de la Chine pour que l’empire adverse s’effondre comme un château de cartes…
Source: Lire l'article complet de Strategika 51