Dans l’agitation compulsive de nos ‘démocraties’ bâillonnées par des masques, où les libertés sont de plus en plus mises à mal, où la circulation des individus est réduite et leurs déplacements contrôlés, où des journalistes sont violentés par des forces de l’ordre ivres de leur impunité, où des représentants politiques n’ayant plus le moindre sens de l’honneur abusent de leur immunité alors qu’ils ne respectent pas le minimum de déontologie qu’exige leur fonction et ont dès lors perdu toute crédibilité, et où les citoyens découvrent soudain la fragilité de ce qu’ils pensaient définitivement acquis… ma lumière: la Palestine.
Petit bout de terre qui laisse indifférent la majorité de la population européenne au point que d’en parler vous fait passer pour un ringard. Et pourtant! Quelles leçons nous donne-t-elle, depuis les décennies où les puissants ont décidé de la dépecer au profit d’un énième projet colonial parmi tous ceux dont ils ont tiré parti tout autour de la planète, pensant ainsi s’exonérer de leur silence et parfois leur complicité face à la tentative d’extermination des juifs, handicapés, homosexuels, tziganes… sur le dos de familles arabes qui n’avaient participé en rien à ces crimes monstrueux.
Au-delà des événements quotidiens qui font les unes des médias sous contrôle, je continue mon travail d’information pour ceux qui le désirent sur la vie en Palestine et la résistance des Palestiniens, via un blog: http://mcpalestine.canalblog.com/ accessible gratuitement. C’est ainsi que relisant notes et documents divers, je suis retombé sur l’avant-propos de mon second livre publié en 2008 et qui me semble toujours aussi actuel. Voici ce que j’y écrivais:
«Au moment de boucler cet ouvrage, resurgit une question, lancinante, obsédante, qui m’a poursuivi à chaque étape de son écriture: est-il bien utile d’ajouter encore dans le brouhaha médiatique déjà tellement envahissant, un avis supplémentaire sur la dégradation continue de la situation en Palestine, et de manière plus large, sur les tensions grandissantes dans le monde? D’autant quand cet avis émane d’un citoyen anonyme, n’ayant ni aptitude particulière, ni autorité sur le cours des choses dont il traite.
Y a-t-il donc un quelconque intérêt à émettre cet avis, puisque manifestement, cela ne changera rien à rien? L’écriture ne sert-elle pas alors tout simplement de catharsis, permettant de se libérer des pressions internes liées aux difficultés croissantes à vivre dans une société qui génère tant d’injustices, qu’elles sont à l’origine probable des déséquilibres majeurs qui la menacent?
En outre, aborder certains sujets ne requiert-il pas une formation solide, vérifiée et mise à jour, en même temps qu’un regard documenté sur le passé? Entourés, pour ne pas dire envahis, de «spécialistes» et d’«experts» en tous domaines, avais-je dans mon coin, les compétences nécessaires pour entreprendre un tel travail? Cela ne relevait-il pas d’un défi presque impossible à réaliser, tant certains éléments manqueraient inévitablement à l’entreprise?
Dans le même temps, je n’ai eu de cesse de me rappeler cette demande explicite de mes amis palestiniens lorsque je les interrogeais sur ce que nous pouvions faire en pratique, chacun là où nous sommes, pour les aider dans la reconnaissance de leur juste résistance et pour les soutenir dans la création de leur Etat. «Trois choses», me répétaient-ils, inlassablement: en priorité, s’informer correctement, et donc ne pas prendre d’emblée pour vérité ce que les grands médias relaient avec souvent, effet d’annonce tapageur. Ensuite, si possible, venir en Palestine pour vérifier ce qu’il en est, et pour nous soutenir moralement car les autorités israéliennes nous persuadent que l’impunité dont elles bénéficient est la preuve de notre abandon par la Communauté internationale. Enfin et surtout, au retour dans vos pays, témoigner de ce que vous aurez vu et entendu; exercer les pressions nécessaires sur vos gouvernements; être notre voix puisque nous ne pouvons pas sortir de notre enfermement pour venir dire nous-mêmes, l’insoutenable enfer dans lequel l’occupant nous maintient depuis des décennies.
C’est probablement cette demande que je tente humblement, de relayer ici. Avec, comme espoir, qu’au bout de ce livre et malgré ses lacunes, le lecteur soit un peu plus et un peu mieux informé, et se sente peut-être moins dépassé par les évènements qui font l’actualité. Qu’il ne ressente plus autant, cette désagréable impression de subir les choses, mais qu’il puisse y prendre une petite part, en meilleure connaissance de cause… et contrer de la sorte, l’objectif des puissants de ce monde, qui est de nous décourager à leur résister.
Dès lors, comment taire le tumulte de mots qui se bousculent dans ma tête, chaque jour, dès l’instant où je songe à la Palestine?
Comment bâillonner les souvenirs qui surgissent, parfois en pleine nuit, quand je pense aux conditions infra-humaines dans lesquelles l’ensemble d’un peuple est maintenu prisonnier dans son propre pays?
Comment enfouir les images qui dansent derrière mes yeux quand je revois les visages de tous ces gens qui m’ont accueilli si cordialement quand je me hasardais à leur rencontre?
Comment museler ma rage quand j’entends les déclarations mensongères lancées par quelques prétentieux technocrates à l’encontre d’une population occupée et brimée?
Comment contenir ma colère quand je découvre l’incompétence et l’apriorisme de certains journalistes censés rapporter les faits et non leur misérable avis?
Comment calmer ma fureur quand j’assiste aux ballets lamentables d’une diplomatie européenne aussi lâche qu’impuissante face aux diktats américains dans la région?
Comment apaiser mon courroux face au deux poids deux mesures dans le traitement des choses qui touche à ce lopin de terre déclarée trois fois sainte?
Comment modérer mes réactions devant tant de mauvaise foi exprimée par quelques intellectuels qui glosent dans un maniérisme dissimulant à peine leur suffisance quand ce n’est pas leur racisme?
Comment ne pas dénoncer tant d’injustices quand elles s’étalent d’aussi criante façon, où que le regard se pose?
Comment ne pas ruer dans les rangs quand tous les responsables s’appliquent à la banalisation et l’oubli d’une insupportable situation?
Comment adoucir ma hargne devant l’impunité dont jouit cet arrogant occupant à l’abri des USA, probablement l’Etat le plus «terroriste» de la planète?
Comment supporter un tel silence, une telle passivité au sujet de la Palestine et des Palestiniens quand tout hurle à tout rompre en moi?…
Ce m’est une position impossible…
Et, comme exprimé dans mon précédent ouvrage, je n’aurai de cesse de dénoncer une situation dont nous sommes tous, peu ou prou, responsables, tant que justice ne sera rendue aux victimes de nos erreurs et de nos lâchetés!
Enfin, cet avertissement au lecteur: dans notre modèle de société, plus que jamais à l’heure de la «mondialisation», tout rapport est devenu économique. Je voudrais m’arrêter une fois, dix fois, cent fois sur cette notion dont la plupart d’entre nous semblent sous-estimer les conséquences terribles, pour qu’en fin de ligne, ce livre soit bien compris: la dégradation catastrophique de la situation en Palestine est à mettre en perspective avec la situation dramatique du monde, résultat de politiques sordides menées par une poignée de puissants. Aucun évènement dans notre village désormais «globalisé» n’est isolé. Aucun n’est produit du hasard. Aucun n’est inscrit dans un destin illusoire. Bien au contraire, tout est lié. Conséquence de nos décisions, de nos choix, le plus souvent dévoyés. Ce que je vais tenter de décrire…»
‘La Démocratie Mensonge’ – 2008 – Ed. M.Pietteur – Extrait
Avec la ‘crise sanitaire’ comme prétexte, la plupart des gouvernements ont pris des mesures inédites à l’encontre de leurs populations. Et celles-ci interloquées et excédées au bout de quelques mois, découvrent, sans le savoir, une petite partie, une toute petite partie de ce qui fait le quotidien des Palestiniens depuis des décennies.
Face à des mesures bien pires que le citoyen occidental lambda ne peut même imaginer, la réponse des Palestiniens contre son oppresseur israélien a toujours été la résilience, la résistance, la solidarité. La Palestine devrait nous inspirer durant cette période difficile. Nous n’arriverons pas à renverser les paradigmes actuels imposés par la caste aux manœuvres si chacun ne s’occupe que de ses petites affaires. Il nous faut retrouver une solidarité que les égoïsmes bien entretenus – selon la devise: diviser pour régner – ont mené aux séparatisme et communautarisme actuels. Si le 1% arrive à ses fins, c’est parce qu’il s’est organisé pour détenir tous les leviers de commande. Et il est impensable que l’écrasante majorité, les 99% d’en face ne puisse s’organiser à son tour pour renverser le cours des choses, sauf par manque de solidarité et par égocentrisme forcené.
Alors, Trump ou Biden au pouvoir… pour les Palestiniens – pas leurs instances officielles corrompues comme les nôtres, évidemment! – ce sera la même résistance à l’ordre du jour. Et ici, Macron ou Le Pen au pouvoir – et en amont, les instances de l’UE – il en sera de même. Soit nous ne voyons chacun que le bout de notre trottoir, soit nous nous organisons et nouons des liens pour créer la solidarité qui permettra de renverser ces imposteurs et en mener certains devant les tribunaux, afin de retrouver une réelle ‘démocratie’ que ceux-là ont trahie à de multiples reprises. Ne croyez pas que ce soit impossible, parce que ceux auxquels nous nous opposons sont bien plus fragiles que d’aucuns le pensent. Ils n’ont que l’usage de la force pour se maintenir dans leurs palais. Mais ils y tremblent quand la détermination populaire gronde à leurs oreilles.
La population palestinienne doit rester un exemple de résistance. Une lumière pour tous ceux qui s’inscrivent dans le refus d’obtempérer et de s’écraser face aux injonctions iniques des tenants du pouvoir. Avec l’objectif de détruire cet ordre qui nous asservit au profit d’une poignée de parvenus… qui ne méritent que de croupir de longues années derrière les barreaux!
Daniel Vanhove –
04.12.20
Photo en vedette : Les Palestiniens dans la bande de Gaza brandissent le drapeau palestinien. Photo par Hosny Salah via Pixabay.
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