par Jean-Baptiste Mendes.
Le Trésor américain a sanctionné une entreprise publique chinoise qui aiderait Nicolas Maduro à censurer l’opposition vénézuélienne. Cette mesure renforçant l’embargo de Washington reflète l’inquiétude américaine face au développement de Pékin dans la région. Décryptage avec le journaliste Maurice Lemoine.
Et une sanction de plus frappant le Venezuela ! Les États-Unis ont annoncé ce 30 novembre des mesures à l’encontre d’une entreprise publique chinoise, la China National Electronics Import and Export Corporation (CEIEC), spécialisée dans l’électronique. Washington l’accuse d’aider le Venezuela à censurer l’opposition sur Internet. Selon le Trésor américain, cette firme apporterait son expertise à la Compagnie Publique de Télécommunications du Venezuela (CANTV), qui a déjà bloqué des médias indépendants ainsi que des retransmissions en streaming du Président autoproclamé Juan Guaido.
L’entreprise chinoise aurait offert une « version commerciale du Great Firewall », le pare-feu numérique mis en place en Chine afin d’éviter tout accès à des informations qu’elle juge politiquement sensibles. Ces mesures américaines permettront ainsi à Washington de geler d’éventuels avoirs de la CEIEC présents aux États-Unis et de lui bloquer l’accès au système financier américain. Pour l’heure, car la stratégie d’extraterritorialité du droit américain devrait intimider quiconque s’approcherait de près ou de loin de l’entreprise chinoise.
Et Washington ne s’en cache d’ailleurs pas. Expliquant l’objectif de ces sanctions dans un communiqué, le Secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, a déclaré que « les États-Unis n’hésiteront pas à viser tous ceux qui étouffent la volonté démocratique des Vénézuéliens et d’autres à travers le monde ». Le Secrétaire d’État a renchéri dans un tweet.
The U.S. is sanctioning PRC tech firm CEIEC for enabling the Maduro regime’s efforts to undermine democracy in Venezuela. Their support to restrict internet service and conduct digital surveillance against political opponents is robbing Venezuelans of a democratic future.
— Secretary Pompeo (@SecPompeo) November 30, 2020
« Les États-Unis sanctionnent la société technologique chinoise CEIEC pour avoir permis aux efforts du régime de Maduro de saper la démocratie au Venezuela. Leur soutien à la restriction d’Internet et à la surveillance numérique des opposants politiques prive les Vénézuéliens d’un avenir démocratique ».
Une nouvelle salve, dans la continuité de la pression exercée par Washington sur le pays. Maurice Lemoine, spécialiste de l’Amérique Latine et ancien Rédacteur en Chef du Monde diplomatique, ne s’étonne pas outre mesure de ces mesures prises par « les États-Unis qui sanctionnent toutes les entreprises qui travaillent d’une manière ou d’une autre avec le Venezuela ».
Depuis janvier 2019, Washington a reconnu l’opposant Juan Guaido comme Président par intérim, appelant au renversement de Nicolas Maduro. Trois mois plus tard, l’embargo américain frappait de plein fouet Caracas, interdisant à toute entreprise américaine d’acheter du pétrole vénézuélien – la principale ressource du pays – de même que toute autre firme étrangère souhaitant s’en procurer via le dollar.
Le journaliste évoque le cas récent de deux sociétés européennes dans le collimateur :
« L’Espagnol Repsol et l’Italien Eni protestent. Ils sont menacés de sanctions par les États-Unis parce qu’ils continuent de travailler au Venezuela. Cela démontre le problème de cet unilatéralisme de Washington qui devient insupportable pour tout le monde ».
On se souvient également des sanctions américaines en juin 2020 visant des capitaines de tankers iraniens pour avoir acheminé du pétrole jusqu’au Venezuela. Mais cette initiative de la part de Washington intervient dans un contexte particulier, à quelques jours des élections législatives qui auront lieu à Caracas le 6 décembre. Alors que Juan Guaido a, de son côté, appelé au boycott, une autre frange de l’opposition, sous l’égide de l’ancien Président de la Chambre des Députés Henrique Capriles, souhaite y participer.
Un scrutin que cherche à décrédibiliser Washington ? S’insurgeant contre ces mesures, le Venezuela a dénoncé les « actions illégales du gouvernement des États-Unis » qui s’efforcerait de « déstabiliser » le pays à l’approche du scrutin. Maurice Lemoine va plus loin encore : pour notre interlocuteur, l’ingérence américaine est un phénomène majeur de la décennie.
« C’est constant maintenant depuis 2013, et même avant. Mais bien sûr qu’il y a une grande offensive en ce moment contre le Venezuela puisqu’il y a les élections ».
Favorisant l’opposition, ces sanctions répondent également à un second objectif vis-à-vis de Pékin. Lors d’un point-presse, une porte-parole de la diplomatie chinoise, Hua Chunying, a dénoncé ce 1er décembre « un prétexte [des États-Unis] pour s’en prendre à ces entreprises vénézuélienne et chinoise » et menacé de représailles.
Développement de l’influence chinoise dans « l’arrière-cour » US
Si la nature précise des liens entre Caracas et Pékin est peu documentée, Maurice Lemoine évoque l’existence d’une « collaboration économique et politique » bilatérale dans le cadre de la stratégie chinoise des « Nouvelles Routes de la Soie» qui englobe toute l’Amérique Latine. Il parle ainsi de multiples investissements chinois en Équateur, au Brésil, et même de la présence d’entreprises chinoises en Colombie, le plus proche allié de Washington dans la région. Le développement de cette influence dans ce qu’ils considèrent comme étant leur « arrière-cour » déplaît fortement aux États-Unis : « Le premier partenaire commercial du Brésil, c’est la Chine. Ce ne sont plus les États-Unis ». Il est vrai, l’Empire du Milieu devance ces derniers : Pékin est le premier client du Brésil (28% du total des exportations, contre 13% pour les États-Unis en 2019), mais aussi son premier fournisseur (19,9% des importations contre 17,2%).
« Les Américains sont très inquiets de la pénétration chinoise dans toute l’Amérique Latine. Ce n’est pas qu’un problème vénézuélien », considère Maurice Lemoine.
C’est également le cas, sur le plan stratégique, avec la Russie. Lors d’une rencontre en février avec Nicolas Maduro, Sergueï Lavrov, Ministre russe des Affaires Étrangères, annonçait le renforcement du partenariat entre la Russie et le Venezuela. « Nous allons développer la coopération militaire et technique pour assurer la sécurité de nos amis, en particulier face aux menaces extérieures », déclarait-il. Les États-Unis ont-ils du souci à se faire dans la région ?
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