Sous le masque de Macron — Guy CHAPOUILLIE

Sous le masque de Macron — Guy CHAPOUILLIE

Chaque matin, j’ouvre ma boîte aux lettres pour en extraire le journal Le Monde (1) et je me précipite sur la page qui nous présente la situation de l’épidémie de Covid-19. Aujourd’hui c’est le mardi 1er décembre et la tendance se confirme d’une réelle diminution de la contamination. C’est tout simple, le dessin de la courbe en cloche a sérieusement entamé la descente et je me sens mieux.

Mais cela est relatif, car de bavures en bavures, la violence de certains policiers me donne la chair de poule comme si ce mal était endémique. Le débat sur la violence est relancé, dans la rue, sur les plateaux de télé, dans les journaux, à l’Assemblée Nationale au croisement d’une autre affaire concernant l’article 24 de la loi Sécurité Globale qui prévoit de punir la diffusion malveillante de photos ou de films sur les policiers, ce qui est une autre atteinte à la liberté d’expression et à celle d’informer. Ça parle, ça manifeste, j’entends dire qu’il y a une crise du commandement et qu’il serait urgent de former autrement les policiers pour en faire de véritables défenseurs de la démocratie. Or, pendant ce temps, Emmanuel Macron déclare qu’il ne faut pas oublier les réformes auxquelles il tient, notamment celle des retraites ; oui, pendant ce temps Emmanuel Macron oublie la plupart de ses promesses comme celle de mettre fin à l’utilisation du Glyphosate, ce pesticide empoisonneur de l’agriculture et de notre santé, sans pour autant faire le moindre effort pour que la prochaine PAC prenne un virage décisif afin de protéger la biodiversité et la production d’une alimentation saine à l’avantage de tous. Il n’y a sans doute pas de diversion orchestrée, mais la volonté droitière n’a pas bougé d’un cran et le retour dit « à la normale » risque de faire exploser les rues. Et puis, si les formules d’Emmanuel Macron troublent encore votre esprit, je vous conseille la lecture de L’envers du décor, un livre de Jean-Pierre Jouyet, ancien ministre de Nicolas Sarkozy, ami intime de François Hollande, mentor d’Emmanuel Macron, dans lequel il regrette en des mots bien pesés les orientations « droitières » et « ultralibérales » de celui-ci. Alors, lorsque le Président vous parle, n’oubliez pas qui vous parle car il y a suffisamment de preuves de ses choix irréductibles qui nous amènent dans le mur.




Regardez-le bien, écoutez-le bien lorsqu’il paraît à l’écran. Il nous fait face comme un tireur d’élite qui viserait malhabilement sa cible. Vous allez me dire que j’exagère, que cette comparaison n’a aucune raison d’être. Vous aurez sans doute vos raisons, mais si j’insiste, c’est tout simplement parce que j’ai l’impression qu’il cherche à ne pas nous rater, mais qu’il est à la peine pour trouver la formule afin de nous faire avaler la pilule de capitulation. Il faut dire qu’au moment où la télévision ne cesse de nous diffuser la voix du Général de Gaulle et celle d’André Malraux il n’est pas facile de briller. Pour moi, Emmanuel Macron n’a aucune force de la bouche, pas le moindre grain de chair, avec des mots qui perdent leur poids au fur et à mesure qu’il les articule ; ils ne viennent pas des entrailles, ils semblent venir d’un prompteur froid, arythmique. Il ne croit pas à ce qu’il dit ou à ce qu’il lit. J’ai l’impression que toute l’émotion est filtrée par une ubuesque épaisseur d’autosatisfaction et d’autosuffisance : c’est une machine qui fait insulte à la démocratie ! Cela ne peut-être autrement, puisque les comités Théodule ou autres commissions scientifiques l’éclairent.
Je ne sais pas ce qui l’éclaire mais je vois à l’écran le visage éteint de celui qui, en disant qu’il veut nous protéger, pense à autre chose. Comment pourrais-je croire et suivre un homme, Président tout de même, qui déclare, pour nous protéger, que le masque est obligatoire et que vous serez passible d’une amende si vous ne le portez pas, alors qu’en fin de discours il nous annonce que le vaccin, lui, ne sera pas obligatoire ? Mais quelle mouche l’a piqué ? Mais quel est ce délire ? A qui veut-il faire plaisir ? N’y a-t-il pas là un geste irresponsable ? N’y a-t-il pas là une de ses étranges cachotteries faites au peuple qui peut se poser des questions sur la fiabilité de cet homme qui veut nous protéger, mais pas tout à fait. Et pourquoi cette décision sans commentaire ? Et que penser de l’ouverture subite des commerces pris d’assaut par des clients masqués, mais très nombreux ? Que penser de l’ouverture des lieux de culte et toujours pas de ceux de culture ? Où est donc la vérité dans tout ça ?

Les questions ne manquent pas et notamment sur l’idée qu’il se fait de la santé qui, il faut le lui dire et lui redire, n’est pas qu’une affaire de biologie. Comment sauver l’homme et la femme si vous les faites plonger dans le vide social, cause de délinquance, de dépressions, de suicides, en les privant des nourritures de l’esprit ? A la veille du deuxième confinement, j’ai assisté avec ma femme à la représentation de Marius (une pièce de Marcel Pagnol) dans un théâtre bien garni de la ville de Toulouse, avec le port du masque ainsi que le respect des gestes barrières et autres impératifs de sécurité. Les acteurs démasqués, à la mesure des beautés de l’œuvre, nous ont fait rire et pleurer sans limites. Nous sommes sortis rechargés pour un moment et j’aimerais bien savoir combien ce soir-là, dans cet espace festif, ont été victimes du virus. Je ne suis pas irresponsable, je ne fais que poser des questions qui restent sans réponses comme lorsque je m’étonne que le port des masques efficace le jour, ne le serait plus la nuit venue. J’ai simplement besoin que l’on ne me prenne pas pour un demeuré et que le débat ne soit pas confisqué par une mascarade de débats.

Mais qui connaît la vérité ? Quelle vérité et dans quel domaine ? Qui ose me faire l’insulte d’une vérité officielle, décrétée par des savants qui, s’ils sont savants, savent bien que la connaissance n’est pas la garantie de trouver toujours. Pour honorer la démocratie, je veux m’en tenir à la définition de l’historien Marc Bloch « nul ne saurait prétendre avoir tout contemplé ou tout connu. Que chacun dise franchement ce qu’il a à dire ; la vérité naîtra de ces sincérités convergentes ». Encore faut-il pourvoir le dire et mettre en place les moyens de le dire.

Mais au lieu de cela, je constate que, pour Emmanuel Macron et ses conseillers, les choses qu’ils comprennent sont les seules qu’il faille comprendre. Alors je me retrouve devant l’étrange spectacle de gens qui, incapables de voir, ou bien capables de nous empêcher de voir, enseignent à tout le monde la manière la plus efficace de devenir aveugles. C’est vrai, pourquoi y voir, puisque j’entends sans cesse qu’il faut s’adapter, un point c’est tout ! Pourtant la vérité est trop complexe pour se contenter de tracés simples, mais celui qui pose des questions, qui veut user de sa liberté de penser, de s’exprimer, qui tente de recadrer le cadre resserré par tout pouvoir est souvent disqualifié et parfois traité de populiste, voire de complotiste. Certes, il n’est jamais trop tard, mais n’est-il pas urgent d’envisager autrement la vie du peuple par le peuple pour le peuple où tout serait conçu pour être fraternellement partagé ?

Pourquoi les enfants de demain auraient-ils à imiter les idiots qui nous gouvernent aujourd’hui ? N’auraient-ils pas le droit de partir au large et de se faire plaisir, même si cela nous effraie ?

Retrouvons la vertu du doute et la volonté de dire non, sans jamais craindre la critique, même si elle ne nous fait pas toujours plaisir, car elle a des raisons qui ne se rejettent pas sans retour de manivelle. Comme Anne Sylvestre qui vient de nous quitter, j’aime les gens qui doutent…

Guy CHAPOUILLIE

Note (1) du Grand Soir taquin : « Hum, grouitch, touss, touss et gloups ! » (Le Monde a classé LGS parmi les sites non fiables).

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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