par Karine Bechet-Golovko.
La désertion de la politique étrangère européenne fait peine à voir. Mais comment des pays, qui ont renoncé à leur souveraineté nationale au profit d’une institution, qui défend d’autres intérêts, pourraient-ils avoir une vision stratégique propre, sur laquelle construire une politique étrangère propre ? Ce que nous observons, s’il restait encore un doute, en démontre l’impossibilité. Entre l’utilisation par les structures européennes de certains pays pour mener la ligue anti-russe et les propos vindicatifs de l’Allemagne à l’égard de la Russie, avec laquelle il faudrait parler « avec une position de force », l’Europe elle-même est en train de s’isoler sur ce continent, au nom d’un américanisme aveugle, qui ne fait ni gloire, ni sa force. Et la patience légendaire de la Russie en politique internationale commence à arriver à son terme : le Ministre russe des Affaires Étrangères, Sergueï Lavrov, se demande ouvertement s’il est opportun d’entretenir encore des relations avec l’UE, quand le Ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, rappelle à l’Allemagne que cette « position de force » envers la Russie lui a déjà coûté très cher, autant qu’au continent européen. On pourrait ajouter que cela à coûté l’indépendance des pays européens. Les relations russo-européennes sont au plus mal et il serait bon que les pays européens se rappellent de leur existence, autant que de leurs intérêts stratégiques propres, qui sont avec et non contre la Russie.
Deux événements ont marqué, la semaine dernière, les relations russo-européennes. Tout d’abord, le Ministre russe des Affaires Étrangères, Sergueï Lavrov, se trouvant pour une visite de travail en Biélorussie, a déclaré que la question se posait de l’opportunité en soi de travailler avec les structures européennes actuellement :
« De notre côté, nous nous interrogeons non pas sur la manière, habituelle ou non, de construire nos relations, mais sur l’opportunité de collaborer avec les structures bruxelloises, tant qu’elles fonctionnent ainsi ».
Selon Lavrov, le problème vient du comportement inamical de certains pays européens, comportement qui est perçu favorablement par les structures européennes. Par ailleurs, nombre de pays européens sont habitués à parler avec les autres pays d’une « position de force ». Autrement dit, entre l’avilissement de nouveaux venus et le complexe de supériorité de la veille Europe, drapée dans ce qu’elle fut, la diplomatie européenne est bien loin de ses heures de gloire.
Cette remarque a directement été illustrée par la Ministre de la Défense allemande, qui s’exprimant au Bundestag, a déclaré l’importance de discuter avec la Russie d’une position de force, si l’on veut parler désarmement, car la récente modernisation de l’armement russe pose un problème de sécurité. Le recours à la « position de force » est, selon la Ministre, une tradition nationale :
« Cela a toujours été une bonne position traditionnelle de la politique étrangère allemande et doit le rester à l’avenir ».
Cette déclaration n’a pas manqué de provoquer des réactions en Russie. Immédiatement, la porte-parole du Ministère des Affaires Étrangères a rappelé les réalités actuelles de la « force » de l’Allemagne, pays totalement dépendant des États-Unis pour sa défense, qui occupe, après le Japon, le contingent américain à l’étranger le plus important et qui stocke, et non possède, des armes nucléaires :
« Quand il y a une force mais qu’elle ne vous appartient pas, vous ne pouvez pas la contrôler et vous n’êtes pas autorisé à l’utiliser, et ainsi vous avez peur de la perdre, c’est un indice de dépendance. En termes simples, dans une position de faiblesse ».
Le Ministère de la Défense va encore plus loin et rappelle à juste titre, que cette « tradition » a déjà conduit à des conséquences désastreuses en Europe :
« Nous sommes obligés de rappeler à Mme Kramp-Karrenbauer, que justement la « bonne tradition », dont elle a parlé ces derniers jours devant le Bundestag, de la politique étrangère allemande de conduire un dialogue d’une position de force a déjà conduit au 20e siècle à des conséquences tragiques pour l’ensemble du monde, pour l’Allemagne elle-même et le peuple allemand ».
Choïgou, le Ministre russe de la Défense, outre le fait de proposer aux Allemands de demander à leurs grands-parents ce que ça fait de parler à la Russie d’une position de force, a rappelé que dans la Mer Noire a été retrouvé un navire, l’Armenia, coulé par l’armée nazie en 1941. Il comptait à bord 6 à 10 000 réfugiés et blessés. Selon Choïgou, c’est justement ce qu’il faut rappeler aux dirigeants actuels, « surtout maintenant, quand cette nouvelle génération de dirigeants, disons allemands, commence à nous donner des leçons et à vouloir nous parler d’une position de force ».
La rhétorique européenne reste de la rhétorique et il est difficile d’y voir autre chose qu’un triste spectacle, souvent répété, d’une qualité moyenne, masquant difficilement la faiblesse de nos pays européens aujourd’hui. Pour autant, il serait bon de ne pas négliger les risques, que peuvent toujours entraîner la faiblesse et l’asservissement, à force de piquer et d’irriter en se cachant derrière le grand frère, notamment celui d’être entraîné « malgré soi », mais par soi, dans des conflits, qui ne servent pas nos intérêts stratégiques. Comme l’écrivait Gustave le Bon :
« En politique internationale, des coups d’épingles répétés finissent pas entraîner des coups de canon ».
source : http://russiepolitics.blogspot.com
Source : Lire l'article complet par Réseau International
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