En dépit d’une crise politique et sociale chronique, l’Algérie continue ce que l’on peut désigner sans faute comme une véritable « révolution dans ses affaires militaires ». Après s’être dotée de missiles balistiques tactiques hypersoniques 9K720 Iskander M (et désormais la variante K), du complexe de missiles sol-air S-400, l’Algérie vient de signer avec la Russie un accord pour l’acquisition initiale de 14 avion de combat de cinquième génération Sukhoï Su-57 pour un montant de deux milliards de dollars avec la possibilité d’en acquérir jusqu’à 24 appareils de ce type en remplacement des 21 redoutables Mig-25 modernisés dont elle le dernier pays au monde à utiliser.
L’Algérie deviendra ainsi le premier pays après la Russie à se doter de cet avion de combat de 5e génération, et l’un des trois pays du bassin mediterranéen à se doter d’avions furtifs de dernière génération (l’Italie et Israël disposent respectivement du F-35A et du très redoutable F35I). Dans tous les cas, l’armée de l’air algérienne sera la première à déployer le redoutable Su-57 en Afrique et en Méditerranée occidentale.
En parallèle à cet accord, Alger a passé commande de plusieurs dizaines d’avions de combat Mig-29M2, d’avions d’attaque Su-34 et de chasseurs Su-35.
La marine algérienne attend également la livraison de trois corvettes Projet 20380 de classe Steregushchy, pouvant chacune lancer une douzaine de missiles de croisière de la gamme Kalibr.
Autre fait fort inhabituel, l’armée algérienne a diffusé des images de membres de ses forces spéciales équipés du système du soldat du futur allemand GLADIUS de Rheinmetall (Infanterist der Zukunft – Erweitertes System – IdZ-ES) et les premiers BMPT Terminator fabriqués localement sous licence.
l’Algérie est désormais extrêmement intéressée par l’acquisition du missile de croisière hypersonique antinavire 2M22 Zircon (SS-N-33), qui peut remplacer les Club-S et les Kalibr lancés à partir de ses submersibles, navires de surface et autres vecteurs. Ce missile est officiellement en phase d’essais en Russie mais il est fréquent que la phase d’essais annoncée en Russie cache un premier déploiement au sein d’unités restreintes ou triées.
L’obsession de l’Algérie avec les missiles antinavires qu’elle a déjà acquis auprès de la Chine et de la Russie nous fournit un début de réponse sur ces efforts d’armements qui semblent adaptés à une menace posée non pas par un quelconque rival régional mais par un scénario impliquant une coalition et donc l’OTAN. Ce qui paraît paradoxal vu les liens de coopération entre l’Algérie et l’OTAN entamés durant les vingt dernières années. C’est l’intervention directe de l’OTAN en Libye en mars 2011 qui a profondément choqué le commandement militaire algérien. Cet intervention par guerre hybride visant un pays dépourvu de forces armées structurées fut toutefois une surprise pour les algériens lorsqu’elle révéla l’inefficacité et la gabegie des forces de l’OTAN qui y ont été impliquées. Mais la symbolique d’une agression durant laquelle des chasseurs-bombardiers F-16 danois ciblaient délibérément les regroupements de civils manifestant contre la guerre éveilla des traumatismes anciens que la situation politique interne en Algérie ne permit pas l’expression. L’Algerie souffre d’une vacance de pouvoir constante depuis 2013, d’une oligarchie pro-libérale, vorace et compradore et une lutte acharnée entre factions au sein d’un pouvoir politique faible, soumi et obnubilé par l’Union européenne et cherchant à tout prix de s’y rapprocher même au détriment des intérêts stratégiques de l’Algérie. En dépit de ces contingences handicapantes, l’évolution de la guerre en Libye et le chaos total qu’elle généra en Afrique du Nord, au Sahel et en méditerranée renforça la conviction de l’armée de se préparer en conséquence à de grands bouleversements dans un avenir proche d’autant plus qu’Alger soutient Damas et se retrouve désormais ciblée par les pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG). Autre élément d’une extrême importace, l’interventionnisme turc en Libye a sonné comme un sévère avertissement d’autant plus que la nouvelle posture stratégique turque, relevant en théorie de celle de l’OTAN est sciemment ambiguë et brouillée dans le pur style de l’art de la guerre de Sun Tzu. Dans ce cas, la Turquie est à la fois un ennemi et un allié pour des pays comme l’Algérie ou la Russie.
Au final, cet effort d’armement ne vise point le Maroc comme aime à le répéter certains médias marocains en manque de sensationnalisme et de populisme mais à faire face à un mouvement d’encerclement stratégique de l’Algérie qui a commencé d’un point de vue militaire il y a une dizaine d’années et qui peut se transformer à tout moment en un scénario de ciblage actif. C’est ce facteur qui motive le renforcement du partenariat stratégique avec Moscou (ce dernier est l’un des plus avancée jamais conclu par la Russie avec un pays tiers incluant même des clauses de défense commune).
De ce point de vue et même si le pouvoir apparent algérien demeure faible, corrompu, soumis à l’agenda 21 des Nations Unis et abhorrant toute forme d’initiative préventive, le commandement militaire dispose d’une perception assez claire des menaces bien réelles auquel fait face actuellement ce pays, le plus grand d’Afrique en termes de superficie et l’un des pays pivots encerclés dans l’immense jeu de dames en cours dans la région Afrique du Nord/Moyen-Orient/Asie centrale. Il n’a d’ailleurs aucun autre choix possible que de se préparer au pire scénario possible vu la nouvelle configuration géostratégique mondiale extrêmement dangereuse.
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