Entre Black Metal et Tradition, le maître à penser du label underground et artisanal Solar Asceticists Productions, Carl-Hugo Pinto-Sendra répond aux questions de Rébellion et nous fait découvrir sa vision et ses projets.
R/ Le Black Metal dans ses divers aspects est depuis l’origine le centre de ton label Solar Asceticists Productions ainsi que de tes autres initiatives. Peux-tu, pour commencer, nous retracer ton parcours personnel et tes activités au sein de la sphère Black Metal ? Comment l’as-tu découvert et pourquoi cet intérêt pour ce style ?
Salut à toi et merci pour cet entretien. Comme beaucoup c’est au cœur de mon adolescence qu’un certain attrait pour les contenus subversifs et les formes « cachées » de l’art en général m’a conduit jusqu’à la lisière du vaste univers qu’est le Black Metal. Depuis cette découverte et jusqu’à maintenant, ce qui entretient ma passion pour cette musique est son orientation à contre-courant, puisant ses racines au-delà des structures établies, loin des regards en surface. Il y a comme une obscurité nécessaire dans ce mouvement musical, qui se présente sous forme d’un parcours que l’on traverse de façon introspective. J’ai toujours perçu cette musique comme une expression iconoclaste presque « nietzschéenne », bien loin des conceptions morales. Dans ma vision donc, ces ténèbres justifient la lumière, et ils font partie d’un développement important chez moi. Cette vision est similaire à ce que décrivait Jean-Marc Vivenza à propos de la « noche negra del alma » dans un de vos précédents numéros.
Alors très vite j’ai cherché à me faire une place, participer et contribuer, à cette scène qui me fascinait. J’ai donc multiplié les organisations de concerts, créations de visuels et « micro-structures » – bien souvent à mes débuts avec de grandes carences et des gestions bancales – jusqu’à ce que je croise le chemin d’un musicien dévoué (« Sk Sk ») lors d’un concert à Montpellier avec qui on a mis en place nos premières expérimentations et projets musicaux de Black Metal : K.L.L.K et Apotheosis, puis Avitum plus tard. Après quelques expériences en rédaction de chroniques musicales sur des webzines spécialisés, j’ai rencontré Louis Germain / LawOfSun avec qui j’ai conçu le webzine MITHRA ! Templezine – maintenant inactif après trois années d’existence. De MITHRA ! Templezine est né le label Mithra ! Infrasound en suite renommé Solar Asceticists Productions. S’en est suivi alors le sous-label Le Recours aux Forêts Productions et l’héritier actuel de Mithra ! Templezine en format papier, le fanzine Hymnes & Sacrifices.
Ton label semble avoir une approche très « do it yourself » et instinctive dans sa forme. Quelle est ton approche pour choisir tes collaborations avec les groupes ? Quelles sont les œuvres qui te semblent les plus importantes de SAP ?
Cette part de « fait-maison » est très importante dans la philosophie du label, je tient à ce que de la conception des éditions, aux contacts avec les acheteurs jusqu’aux groupes, les démarches soient présentées à « échelle humaine ». Cela en partie car je me positionne avant tout en tant que client actif sur bien des labels issus de la scène « underground » et que j’aime à avoir un objet travaillé avec soin et dévotion, c’est aussi pour ça que je parle souvent « d’artefacts » pour mes éditions. Des éditions « artefacts » donc, que je prépare en suivant avec rigueur l’univers du groupe que je produit. Il m’est arrivé d’y intégrer des ossements concassés, régulièrement de l’encens, des edelweiss séchées et même de la Salvia divinorum. Avec mon camarade Brennos Invictus qui a intégré la structure cette année, on parcours la toile à la rencontre de projets musicaux qui correspondent à une grille de lecture Black Metal propre à nos univers. Ce qui nous intéresses avant tout c’est l’atmosphère générée, les thématiques et l’énergie qui se dégage des compositions, pour ce qui est du soucis de qualité « sonore » et des interrogations sur la capacité aux artistes de générer de l’argent, on laisse ça aux grandes firmes, ça n’a pas sa place dans notre approche du Black Metal et ses sous-genres.
Je suis fier de toutes mes productions sans aucun doute, peut-être plus encore quand il se trouvait que c’étaient des groupes que je suivais depuis déjà longtemps, comme Primitive Knot (je vous conseille d’ailleurs son autre projet Electro / Industrial, Autox – « Demons of Late Capitalism ») et Cendres.
On voit de jour en jour sur certaines plateformes musicales un intérêt nouveau pour le format cassette audio, et cela en des styles de plus en plus vastes sur Bandcamp et des sites de distributions plus « spécialisés ». On connaissait déjà le renouveau récent pour le vinyle, mais comment expliques-tu ce regain d’intéret pour un format qui a si longtemps été oublié ? Est-ce l’effet d’une « hipsterisation », une idée de lutter contre les nouvelles technologies ou une véritable passion pour ce format ?
La production de cassettes audio ne s’est jamais arrêtée dans certains milieux musicaux, autant dans le Black Metal, que dans le Harsh Noise / Power Electronics, le Rap Underground (les fameuses « mixtapes ») ou encore le Crust et le Grindcore. Ça a été longtemps le format par excellence des milieux « souterrains » après sa chute au début de ce nouveau millénaire. Jusqu’à ce que, tantôt par l’effet d’une tendance et l’appui des milieux hipsters, certains genres plus mondains se greffent à ces éditions analogiques marginales. Plus tard allait apparaître une multitude d’industrie et d’usines spécialisées ou simplement proposant des duplications avec, cette fois-ci, une qualité sonore nettement plus claire, des choix de personnalisations presque infinis (coloris de chaque pièce de la cassette, couleurs des boîtiers…).
Donc on peut parler au départ d’un intérêt pour la marginalité du format, qui a contribué avec le temps à se déployer dans des lieux plus fréquentés. C’est bien dommage ceci dit qu’il n’existe pas de moyens de concevoir des cassettes audio entièrement recyclées ou avec des matériaux écologiques !
Tu es également musicien dans quelques groupes et projets musicaux, plus ou moins issus du Black Metal. Que peux-tu nous dire sur la façon dont tu perçois la composition musicale et si tu appliques le même investissement qu’à travers ton label ou tes autres structures ? Des thématiques aux ambiances –visuelles comme sonores, ton groupe K.L.L.K semble être orienté vers les écrits de Julius Evola (de nombreuses citations) et de Mircea Eliade. Comment expliquerais-tu cette connexion entre votre musique et ces deux auteurs ?
L’implication, si on parle en degrés reste la même, c’est simplement le support qui change ainsi que la forme finale, et peut-être le temps accordé, car il peut arriver qu’en fonction des périodes toute cette nébuleuse devienne extrêmement chronophage. Par exemple au moment où je réponds à cet entretien, des changements colossaux ont fait que j’ai été contraint de retarder trois de nos sorties sur notre label Solar Asceticists Productions. Dans un projet musical basé sur l’improvisation comme on a sur Apotheosis, le temps de composition est de suite réduit à zéro, ce qui nous permet même de faire des concerts et préparer comme actuellement notre prochaine sortie sur le label californien Grey Matter Productions pour fin Septembre d’ailleurs. On a même eu l’occasion de partager une scène avec le groupe polonais Batushka à Paris il y a deux ans et plus récemment une date avec les québécois de Délétère ! Ce projet évolue plus dans un style expérimental proche de la musique Drone / Dark Ambient et Folk ritualiste. Quant à Avitum, le groupe est depuis quelques temps en pause, la dernière sortie remonte à 2015 sur le label bourguignon Atavism Records, c’est notre seul projet musical politisé. Ce qui nous amène à K.L.L.K qui est le groupe principal de notre cercle, celui autour duquel tout gravite depuis 2010.
Même si ce qui nous intéressais le plus à l’aune de nos premiers enregistrements avec Sk Sk était surtout d’ordre purement transgressif, voire provocateur, on a très vite su incorporer dans K.L.L.K des éléments plus immanents et ésotériques, ce qui nous a conduit même à une échelle personnelle de découvrir et approfondir davantage nos connaissances en la matière. C’est au détour de cette période que j’ai découvert plusieurs auteurs, et notamment Julius Evola, qui a joué un rôle fondamental dans mon développement et celui de K.L.L.K, jusqu’à même la création de toutes mes structures à l’avenir. La vision évolienne que l’on applique le plus dans les thématiques du groupe est autant celle de l’ascèse que l’on retrouve dans « La Doctrine de l’Eveil » que celle du cheminement initiatique afin de dresser le profil d’une sorte d’übermensch revisité sous l’expréssion « d’homme différencié » dans son livre « Chevaucher le Tigre ». Mircea Eliade quant à lui, sur son œuvre majeure « Le Mythe de l’Eternel Retour » nous permet d’apporter une dimension plus mythologique et « rituelle » aux thématiques jusqu’aux compositions. Je fais volontairement des références à d’autres auteurs comme Maria de Naglowskia, Ananda K. Coomaraswamy (« La Doctrine du Sacrifice »), René Guénon (« Le Règne de la Quantité ou les Signes du Temps ») ou encore Savitri Devi (« Perfection Éternelle et Évolution Cyclique », aux éditions Ars Magna). Chacune de nos sorties retrace un parcours, le chemin d’un autarque ou encore une initiation, présentée avec un ordre « cyclique » particulier, et une irrésistible tendance à vouloir s’extirper d’une époque qui nous correspond plus au fur et à mesure de son détachement avec le Sacré et la Nature. Si on rajoute à ça un intérêt particulier pour les cultes à mystères méditérannéens, on obtient alors une sorte de syncrétisme assez singulier !
L’évolution du Black Metal des origines – satanique, subversif, païen et blasphématoire – à de nouvelles vagues de groupes aux thématiques et paroles plus naturalistes, philosophiques et voir abstraites. Comment perçois-tu cette « évolution » ? Ce courant est t-il toujours aussi vivant ou es s t-il devenu un pâle copie des « grands ancêtres » des années 1990 ? Existe-t-il un Black Metal chrétien ?
Comme tu le dis, je pense que le Black Metal a connu d’importants changements ces dix dernières années, avec l’émergence de ramifications aussi nombreuses que diversifiées. Ce fut parfois par des éléments déjà présents à la fin de la seconde vague (milieu et fin des 90’s) ou encore par des éléments provenants de styles musicaux complètements différents plus tardivement. Je vais tenter de faire un rapide inventaire d’une partie de ces cellules :
– le sous-genre Black Metal Atmosphérique, très représenté depuis une dizaines d’années. Il a était en partie influencé par des albums majeurs de la fin de la seconde vague, notamment «Dead as Dreams » des américains de Weakling, « Pale Folklore » d’Agalloch, « Heathen » des finlandais de Wyrd et le « Autumn Aurora » des ukrainiens de Drudkh. Il se démarque par son approche souvent naturaliste, un choix sonore plus « aérien » et des compositions immersives.
– le courant Black Metal Orthodoxe, qui prend un détour plus théologique, dans son interprétation luciferienne ou issue d’un satanisme dit théologique, avec des compositions souvent plus « techniques ». On peux dater un album précurseur comme le cultissime « De Mysteriis dom Sathanas » de Mayhem puis en plus « formel » et tardif mais pas moins culte « Si Monumentum Requires Circumspice » des français de Deathspell Omega.
– le sous-genre Black Metal Ambient, qui dilue ses compositions dans de longues plages musicales lointaines et immersives à la fois. Cette fois-ci les premiers albums du genre remontent aux albums de Burzum et Ildjarn en pleine seconde vague norvègienne. D’autres opus ont façonnés le genre, notamment « Nocturnal Poisoning » de Xasthur, « Supremacy » de The Eye, puis une bonne partie des groupes du Blazebirth Hall russe (Branikald, Forest, Raven Dark) et l’entière discographie du suisse de Paysage d’Hiver.
– un sous-genre important également, le Pagan Black Metal qui puise ses sources également dans la seconde vague voir la fin de la première (fin des années 80’s) avec le pionnier du genre Bathory, puis s’en suivra d’autres groupes de la seconde vague comme Enslaved – l’album « Eld » est un incontournable – Ulver ou encore plus tardivement Windir jusqu’à nos contemporains anglais de Winterfylleth. Il se démarque par son approche païenne, mythologique et épique, dans les thématiques comme dans les compositions.
– ce que je nomme le « worship » Black Metal (aussi nommé Bestial Black Metal ou plus généralement Black/Death Metal), un des courants les plus inaccessibles par sa violence aussi musicale que thématique, croisant régulièrement ses influences sonores avec le Death Metal. Les précurseurs font autant partis de la première vague – des canadiens de Blasphemy aux états-uniens de Von – que de la seconde vague jusqu’à sa fin – Beherit, Archgoat, Profanatica, Bestial Warlust, Order from Chaos, Black Witchery, Bestial Summoning.
J’ai fait ici une courte synthèse et j’ai exclu volontairement d’autres artères propres au genre, les influences sont aujourd’hui extrêmement vastes ! J’aurais tendance à dire que cette évolution – des thématiques du moins – s’explique par un procédé tout à fait naturel, d’une part par la capacité aux acteurs de la scène à renouveler sans pour autant « dévier » et secondement via l’accès illimité à l’information instantanée, ce dernier permettant à chacun de spécialiser l’orientation de son groupe en fonction de critères plus personnels et plus vastes que jamais. Les inconvénients d’une telle « démocratisation » pourraient-être éventuellement une ouverture parfois trop peu maitrisée qui finisse par « dénaturer » l’essence même du Black Metal et également un esprit de commerce poussé par un certain opportunisme provenant des structures comme des groupes.
J’aurais eu tendance à dire que dans tous les cas, développer une certaine forme de satanisme c’est faire exister la chrétienté par l’adversité, donc la présence chrétienne est souvent appuyée. Ceci dit, on peux trouver des groupes qui s’appuient directement sur une spiritualité chrétienne affirmée et incarnée ! Ils sont souvent victimes d’un certain mépris par une majorité de la scène Black Metal, mais on peux en citer quelques uns comme Antestor, Crimson Moonlight et l’approche chrétienne gnostique de Reverorum ib Malacht. En France, il y a le projet musical Constantinople, piloté par un très bon camarade à moi, Saurus Devletian, et son rapport à la religion est surplombé par sa proximité avec l’Action Française et sa lecture de Charles Maurras. Son premier EP « Dieu, la Rue, la République » était d’ailleurs sorti sur mon label !
Comment expliquer la diffusion importante du Black Metal dans les milieux radicaux européens ? Est-ce pour toi vecteur d’un message ou d’un héritage européen ? Existe t-il un Black Metal « Antifasciste » ? Quelle est sa marge de diffusion et comment est-il reçu ?
R. Il existe des groupes qui épousent des thèmes politiques ou idéologiques radicaux, parfois sous l’étiquette NSBM (National Socialist Black Metal, avec des groupes comme Der Sturmer, Elitism, Wolfnacht et Aryan Kampf 88) alors que certains traiterons plus de nationalisme – voir de patriotisme – en soit, avec des thématiques moins « sulfureuses , et là je pense à des groupes comme Peste Noire (incontournable en bien des points, surtout pour un public francophone), Caverne, Forteresse, Kroda ou encore Crystallium. On peux même trouver des groupes comme Menegroth ou Frangar qui font du fascisme italien une partie importante de leurs thématiques ou d’autres guidés par l’occultisme nazi et la Société de Thulé, comme Spear of Longinus (« The Yoga of the National Socialism » & « Nazi Occult Metal »), Maléfice (« Rencontre avec la Bête ») et Black Magic SS (toute la discographie) ! Partant de ce principe il n’est pas difficile d’imaginer que par un mouvement de bascule cette musique se soit répandue chez les militants à grande vitesse au fil des années. On voit cela également avec la grande croissance de festivals en Europe spécialisés (ou tolérants) dans ces orientations (le Hot Shower Festival, le Night of Honour, le Steelfest ou encore le Asgardrei en Ukraine) et les proximités indirectes ou partisanes avec le Régiment Azov. Des débuts à son état actuel, donc des russes du Blazebirth Hall , en passant par les allemands de Absurd et Burzum en Norvège dans le début des années 90’s, jusqu’à cette myriade de groupes contemporains, on peux dire que la compatibilité n’est plus à prouver !
Si on peux en faire l’inventaire en surface, il n’est pas moins difficile d’expliquer par quels moyens cette étincelle « dissidente de la dissidence » prend ses racines jusque sur le terrain de la politique. Selon mon point de vue, ça s’expliquerait par un profond rejet de l’ordre établi, d’un refus d’une Europe – souvent celle de l’après 1945 – castratrice et d’une reconnexion vers un passé qu’on tente de faire disparaître, qui perd de sa grandeur identitaire. Ces trois sentiments projetés par un Black Metal résolument glacial, sombre et violent, contribuent à mon sens à faire le parallèle entre une vision fataliste de l’Europe tout en alimentant de façon profonde la flamme d’une certaine révolte dans le cœur des partisans, comme dans ceux qui ne sont pas sur terrain. Pour moi il s’agit donc, surtout de nos jours, d’un vecteur important qui n’est pas en désaccord avec la logique militante d’un combat politique.
Et donc comme actuellement il n’est pas concevable de générer une idée sans rencontrer d’obstacles, il existe bien entendu une réaction adverse très récente qui répond à l’étiquette « RABM » (Red and Anarchist Black Metal) s’inspirant d’un mouvement comme le RASH*. La grande différence avec l’ossature du Black Metal des origines – en plus du vide intersidéral d’une pareille démarche si ce n’est qu’une réaction superficielle – c’est que beaucoup de ces groupes proviennent des milieux Crust, Grindcore, D-beat ou Power Violence, et bien souvent n’ont que de « Black Metal » le nom et un peu d’imagerie, ça reste des groupes aux contours musicaux punk. Exception faite pour des groupes de la Région des Cascades en Amérique, comme Panopticon et Anicon qui, bien que libertaires, orientent leur musique vers des conceptions de types anarcho-primitivistes et naturalistes, avec un contenu musical de qualité. Une large partie de cette scène a l’air de rencontrer un certain succès aux USA (coincidence?) et au Canada, avec des webzines spécialisés à grande diffusion qui brandissent avec fierté les couleurs de l’antifascisme. Ces webzines très répandus sur la toile sont Cult Nation (ils distribuent même du merchandising politique), Metalsucks (qui mène des enquêtes politiques directement dans la vie privée des musiciens) ou Noisey de VICE Magazine (plus mainstream). Donc quant à sa réception, je dirais que les nombreux foyers proviennent des USA et que ce sont les structures, labels comme webzines, qui contribuent plus que largement à sa diffusion. En Europe le « RABM » et la philanthropie dans la scène reste assez anecdotique.
Tu avais lancé un sous-label, « Recours aux Forêts Productions », pour présenter des groupe plus « Néofolk / Dark folk ». Ce style est-t-il pour toi important ? Il me semble que tu as décidé de tirer un terme sur cette structure, pourquoi avoir fait un pareil choix ?
Le Néofolk faisait déjà parti de Solar Asceticists Productions par le passé, j’avais édité la première sortie du trio toulousain Lisieux en 2016, mais avec l’orientation du label vers une grille de lecture davantage Black Metal, ça devenait un peu plus compliqué de faire cohabiter les deux styles musicaux. A partir de Juillet 2017 j’ai croisé sur mon chemin la musicienne multi-instrumentiste Kruksog et c’est à partir de là que s’est articulée la dynamique du Recours aux Forêts Productions. Ce style m’importe car, à l’image du Black Metal, il réveil chez moi des sentiments similaires par sa sobriété esthétique, le ton désenchanté de ses mélodies et son esthétique européenne.
J’ai choisi de clore le chapitre Le Recours aux Forêts Productions après un an d’existence seulement, car en plus de la surcharge de travail générée, je me suis rendu compte qu’en réalité je pouvais trouver l’équilibre sur un seul label, alors les prochaines productions de ce type seront désormais sur Solar Asceticists Productions !
Le Dark Folk et le Néofolk se revendiquent « eurocentrés ». Ces styles de musique sont t-il pour toi l’expression de valeurs proprement européennes ? Avec une certaine forme de « démocratisation » des musiques underground de nos jours, ces genres de musiques sont-ils pour toi menés à diluer leurs propos ? Comment les publics reçoivent-t-ils les groupes de ces scènes ?
C’est assez délicat de se positionner là-dessus car bien des groupes de Néofolk et de Dark Folk utilisent une imagerie et certains thèmes qui ramènent aux anciennes traditions d’Europe, parfois avec un jeu excessif de provocation, mais dans le fond beaucoup proviennent soit de milieux punks, soit de la Musique Industrielle. L’exemple de Death in June qui a commencé par un groupe de Punk Rock nommé Crisis et qui, suite à un événement marquant du groupe, s’est tourné vers une recette de suite plus martiale et transgressive au milieu des années 80’s. Dans un autre genre mais tout de même assez proche, il y a la Pop Militaire / Musique Industrielle de Laibach, très inspirée par des thèmes radicaux européens en surface, alors que les membres du groupe sont depuis leur création dans l’axe gauche de la politique. C’est une histoire de différence entre ce que représente conceptuellement une musique et ce qui l’anime. Dans l’absolu, j’aurais tendance à dire que si un individu recherche une musique qui paraît « eurocentrée », qu’il n’est pas trop regardant sur l’implication politique des membres du groupe, alors oui il pourra y retrouver un univers correspondant à ce qu’il recherche. Pour résumer je dirais que cet aspect « eurocentré » est dans le Néofolk non pas son expression directe, mais une ré-interprétation d’ordre purement esthétique.
Comme on l’a vu pour le Black Metal, aucun milieu n’échappe à cette grande dilution de la pensée qui consiste à créer des « safe-spaces » à tout va et lisser tout relief un peu trop « tranchant ». Donc ces milieux sont touchés également, les polémiques et les pressions d’antifascistes sont constantes chez des groupes qui se produisent en live comme Death in June ou Blood and Sun par exemple et je pense que ça contribue à perdre de vue l’esprit originel de ces musiques. On voit même de plus en plus de projets musicaux n’avoir de Néofolk que l’armature musicale, avec des choix artistiques poussés par une volonté de rompre avec le passé. C’est sûrement par crainte d’avoir des retours négatifs, mais à mon sens, ces choix conduisent à anéantir le caractère anti-conformiste et transgressif de toute l’histoire du Néofolk et de ces dérivés, ce que je trouve parfaitement regrettable.
Tu écrits également des chroniques et contribue à des entrevues pour un fanzine papier du nom de « Hymnes & Sacrifices » avec une équipe de rédacteurs, peux-tu nous en dire plus sur l’arrière-plan de projet ?
Hymnes & Sacrifices est la synergie de plusieurs rédacteurs qui, suite à la fermeture de Mithra ! Templezine, ont décidés de se ré-orientés loin des traitements informatiques et des buzzs à répétitions qui polluent les réseaux aujourd’hui. Le format papier nous paraissais être le plus adapté pour une telle démarche de « rupture », en plus d’étendre notre champ des possibles en matière de choix de rédaction et de libre expression. La grille de lecture quant à elle est similaire à celle de Mithra ! Templezine, un éclectisme « cohérent » (pour nous du moins), avec des genres qui vont du Black Metal, à la Musique Industrielle / Noise en passant par le Néofolk et les Musiques Experimentales, en incorporant des graphismes et des créations visuelles d’artistes proches de notre nébuleuse. Ça rejoint aussi cette idée déjà expliquée plus haut de revenir à une échelle de taille humaine, c’est important pour nous et ça fait parti d’une vision clanique d’un futur que l’on partage.
Comment soutenir ta démarche ? As tu de prochains projets ?
On peux trouver tous ces projets et structures musicales sur une large partie des réseaux, de Facebook à Bandcamp (pour écouter les productions et commander en ligne) ! Exception faite pour le fanzine Hymnes & Sacrifices que l’on peut se procurer seulement par mail ou en fonction de la disponibilité des stocks, sur les distributions en ligne Steelwork Machine, Solar Asceticists Productions et Corde Raide Productions (Québec). On a une adresse Paypal pour ceux qui souhaitent faire des dons également ! (solarasceticists.productions@yahoo.com)
A l’heure actuelle nous préparons le deuxième volet du fanzine Hymnes & Sacrifices, la prochaine production d’Apotheosis sortira fin Septembre comme renseigné plus haut, on prépare le prochain album de K.L.L.K ainsi que des concerts pour la fin de l’année 2019 et nous sommes aux aguets avec Solar Asceticists Productions quant à nos prochaines sorties, à savoir Pale Roses (Dark Folk, Bretagne) et Maquerelle (Experimental Black Metal, Châlon-sur-Saone). Nous sommes en train de mettre en place un collectif pour rassembler tous nos projets et de mon côté je prépare une sorte de « artzine » avec des œuvres d’artistes indépendants et quelques articles culturels.
Encore une fois merci pour cette interview et à très bientôt !
Merci à Carl-Hugo Pinto-Sendra pour ses réponses.
Entretien réalisé par Louis Alexandre
Pour suivre et soutenir ce label :
https://solar-asceticists-productions.bandcamp.com
Note : *Red and Anarchist Skinheads
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