Suite du travail réalisé par ma camarade sur les origines de la dette grecque et les actions de prédations qui en ont découlé.
Articles déjà parus sur les Sept
Chapitres I à III
IV
Le mécanisme du système-dette en Grèce :
Les accords ont fourni des instruments destinés à générer une grande quantité de dette envers les créanciers bilatéraux et le FESF ; ils ont permis de verser la majorité des fonds empruntés aux institutions financières, tout en accélérant les privatisations.
1 – Mécanisme prévu par la convention de prêt et l’accord entre créanciers :
La dette bilatérale n’a pas bénéficié à la Grèce, mais aux banques qui détenaient des titres de créances bien au-dessous de leurs valeurs nominales.
2 – Mécanismes liés à l’accord-cadre d’assistance financière :
Mécanisme 1 : a été appliqué dans le cadre de la recapitalisation des institutions financières et a bénéficié exclusivement aux banques privées grecques. Il a généré une nouvelle dette vis-à-vis du FESF.
Mécanisme 2 : a été appliqué dans le cadre de la restructuration de 2012 (PSI) ; il a causé un préjudice important. La décote a touché surtout les petits porteurs.
Mécanisme 3 : a été appliqué sur le programme d’opération de rachat de dette. Les nouvelles obligations grecques ont été recyclées et échangées et ont entrainé de nouvelles dettes vis-à-vis du FESF.
3 – Accélération du processus de privatisations :
Acquisition d’actifs stratégiques et d’entreprises publiques (obligation pour l’État de vendre des biens publics pour rembourser ses dettes au bénéfice du FESF).
4 – Conséquences :
Au total, ces mécanismes ont généré une dette courante de 183,9 M d’euros vis-à-vis des créanciers bilatéraux et du FESF. Ils ont été un outil pour accélérer les privatisations comme moyen de rembourser la dette.
V
Les conditionnalités ennemies de la soutenabilité :
Les mémorandums ont conduit à une profonde récession. Le PIB a chuté de 22% entre 2009 et 2014.
1 – Le dogmatisme économique rencontre la volonté politique :
En 2010, il s’appuie sur la théorie de « l’ajustement budgétaire expansionniste » (Alesina). Il prévoyait une chute du PIB de 1,5% ; elle a été en fait de 22%. Même les responsables du FMI étaient réticents. L’accord a été adopté sous la pression des USA et des représentants européens. La restructuration a été écartée, sous le prétexte que le secteur privé grec soutenait le programme (!).
2 – Dégradation des performances économiques :
Le volume de la formation brute de capital fixe a chuté de 65% entre 2008 et 2014.
La productivité du travail a diminué de 7% ; la rentabilité a baissé beaucoup plus en Grèce que dans la zone euro.
La croissance, le développement, la transition écologique ont été entravées.
3 – La compétitivité n’a pas été restaurée :
La baisse des importations est le produit de la récession.
La baisse des salaires n’a pas été répercutée sur les prix à l’exportation.
4 – La mise en œuvre des conditionnalités a fait augmenter le ratio Dette/PIB :
Sans l’austérité le PIB aurait stagné.
Avec une augmentation des impôts et sans réduction des dépenses, ce ratio aurait été inférieur de 37,1 points.
Une aide de l’UE de 19,8 Md€ avec moratoire sur les intérêts aurait permis de créer 300.000 emplois.
5 – Les dommages humanitaires des conditionnalités ont rendu la dette insoutenable :
Entre 2009 et 2014, les salaires réels ont diminué en moyenne de 17,2%.
La part des salaires dans le revenu national est passée de 60 à 55,1% de 2010 à 2013, avec des effets sur la croissance, les recettes fiscales, etc.
Selon les méthodes de calcul de l’Observatoire International du Travail, une baisse des salaires de 1% entraîne une baisse du PIB de 0,92% et une augmentation de 7,8% du ratio Dette/PIB.
Les inégalités se sont creusées ; les conditionnalités ont été improductives.
6 – Les scénarios actuels du FMI et de la Commission Européenne sont fondés sur les mêmes hypothèses irréalistes :
Tout d’abord ils postulent le retour du ratio dette/PIB de 177,1% à 139,4% en 2019, scénario incohérent reposant sur quatre hypothèses erronées : écart de production comblé dans les 5 ans, reprise tirée par la demande intérieure, augmentation de la demande publique (alors qu’aucune augmentation des dépenses n’est prévue !), et baisse des importations.
Ensuite, les remboursements sont concentrés en 2015 et 2016, ainsi qu’en 2019 et 2022, années électorales.
7 – Les politiques d’ajustement ont conduit à un changement fondamental dans les circonstances économiques :
Impacts sur le PIB, l’investissement, la productivité du travail, l’efficacité du capital, l’emploi, etc.
VI
Impact du « Plan de sauvetage » sur les droits humains :
Le « Plan de sauvetage » a sapé la cohésion sociale et la démocratie. Il frappe les plus vulnérables : pauvres, retraités, femmes et enfants, etc.
1 – Mesures affectant le droit au travail :
- Réduction des salaires, des allocations, des indemnités chômage, du salaire minimum, du nombre d’emplois, augmentation de la durée du travail ;
- Le contrat individuel réapparaît comme primordial et hyperflexible, chez les femmes et les jeunes en particulier. Le SMIC est en dessous du seuil de pauvreté ;
- Le chômage est passé de 7,3% à 27,9% entre 2008 et 2013. L’emploi public a diminué de 25% et les salaires idem. Le chômage des jeunes était de 64,9% en mai 2013 ! Le secteur informel sans protection sociale emploie 470.000 migrants sans papiers.
Ces mesures violent l’article 22.1 de la Constitution grecque, ainsi que divers textes internationaux.
2 – Mesures affectant le droit à la santé :
- En 2010, les dépenses pour la santé ont été limitées à 6% du PIB, puis les dépenses hospitalières réduites de 8%, ainsi que les dépenses de pharmacie plafonnées à 1% du PIB.
- Les soins de qualité ont été réduits pour les plus pauvres.
- En 2015, 25% de la population n’a plus de couverture maladie (!)
Ces mesures violent les articles 21.2 et 21.3 de la Constitution qui garantissent les normes de santé les plus élevées, ainsi que différents textes internationaux.
3 – Mesures affectant le droit à l’éducation :
- Réduction du nombre des enseignants et diminution de 40% de leurs salaires.
- Entre 2008 et 2012, 1053 écoles ont été fermées et 1933 ont fusionné.
- Les dépenses ont baissé dans les écoles ; certaines sont sans chauffage. Le réseau de transport scolaire est inadéquat.
Ces mesures violent l’article 16.2 de la Constitution ainsi que divers textes internationaux.
4 – Mesures affectant le droit à la Sécurité Sociale :
- Les prestations de retraites, chômage, allocations familiales ont été diminuées ;
- Les cotisations et limites d’âge ont été relevées ;
- Les retraites ont baissé en moyenne de 40%. 45% des retraités vivent en-dessous du seuil de pauvreté.
Ces mesures violent l’article 22.5 de la Constitution et différents textes internationaux.
5 – Mesures affectant le droit au logement :
Le logement social a été supprimé en 2012, ainsi que l’aide pour 120.000 ménages et personnes âgées. Les expulsions ont été facilitées. Les loyers sont inabordables. En 2014, 500.000 personnes vivaient dehors ou dans des logements insalubres.
Ces mesures violent les articles 4 et 21.4 de la Constitution ainsi que divers textes internationaux.
6 – Mesures violant le droit à la souveraineté nationale :
Les ventes massives de propriétés publiques de l’État violent les articles 12 et 13 de la Constitution, s’opposent à l’intérêt général, violent l’article 18 (droit de propriété) et l’article 24 (protection de l’environnement).
7 – Mesures affectant le droit à la justice :
Le système judiciaire est « réformé », en augmentant substantiellement les frais de justice. Les délais de jugement augmentent, les tribunaux sont surchargés. Ces mesures violent l’article 20.1 de la Constitution.
8 – Pauvreté et exclusion sociale :
Le déclassement et l’exclusion sociale se généralisent : 23,1% sous le seuil de pauvreté. 63,3% de la population se sont appauvris. Les inégalités se sont aggravées : les 10% les + pauvres ont perdu 56,5% de leurs ressources.
9 – Mesures affectant la liberté d’expression et d’assemblée :
Ces libertés ont été remises en cause et limitées, la répression s’est accrue. La Grèce est passée de la 35ème place à la 91ème dans l’Index mondial de la liberté de la presse. Ces mesures violent les articles 11 et 14 de la Constitution.
10 – Mesures affectant la protection contre les discriminations :
Les jeunes de moins de 25 ans sont exclus du salaire minimum. La libre négociation d’accords collectifs et individuels a régressé. La discrimination vis-à-vis des Roms, des malades du Sida, des personnes âgées a augmenté. Les crimes haineux augmentent, ainsi que les agressions sur les femmes (+47%).
Ces mesures violent les articles 4 et 21.1 de la Constitution, ainsi que divers textes internationaux.
À suivre…
FIN
Source: Lire l'article complet de Les 7 du Québec