Par Moon of Alabama – Le 19 novembre 2020
Voici quelques gros titres récents sur l’Afghanistan :
Tout le monde veut que les troupes quittent l’Afghanistan, sauf les hauts gradés du Pentagone et la CIA. Ils ont vaincu deux présidents et sont maintenant prêts à en manipuler un troisième pour intensifier la guerre.
Regardez cela :
Donald J. Trump @realDonaldTrump Pourquoi continuons-nous à former ces Afghans qui tirent ensuite dans le dos de nos soldats ? L'Afghanistan est un gâchis complet. Il est temps de rentrer à la maison ! 16h05 - 21 août 2012 Barack Obama @BarackObama Le vice-président Biden sur l'Afghanistan : "Nous quitterons ce pays en 2014...". 4h05 - 12 octobre 2012 Donald J. Trump @realDonaldTrump Je suis d'accord avec le président Obama sur l'Afghanistan. Nous devrions avoir un retrait rapide. Pourquoi devrions-nous continuer à gaspiller notre argent -- reconstruisons les États-Unis ! 21:59 - 14 janv. 2013 Barack Obama @BarackObama Le président Obama : "D'ici la fin de l'année prochaine, notre guerre en Afghanistan sera terminée." 3:58am - 13 Fev 2013 Donald J. Trump @realDonaldTrump Nous devrions quitter l'Afghanistan immédiatement. Plus de vies gâchées. Si nous devons y retourner, nous irons à fond et vite. Reconstruisons d'abord les États-Unis. 20h10 - 1er mars 2013 Donald J. Trump @realDonaldTrump Nous devrions avoir le petit nombre restant de nos BRAVES hommes et femmes servant en Afghanistan chez nous d'ici Noël ! 1:28 - 8 oct. 2020
M.K. Bhadrakumar explique pourquoi le Pentagone l’a emporté sur deux présidents :
Fondamentalement, c'est là que réside la contradiction : les hauts dirigeants du Pentagone sont loin d'avoir terminé la guerre de 19 ans en Afghanistan. Ils ne l'ont jamais vue comme Trump la voit - une "guerre sans fin" - parce qu'ils pensent encore qu'ils peuvent la gagner et réaliser leurs principaux objectifs. En fait, certains d'entre eux pensent encore qu'ils auraient pu gagner la guerre du Vietnam si seulement le Pentagone avait les coudées franches. Lorsque la présidence de George W Bush a pris fin et que Barack Obama a pris le relais en 2009, la guerre en Afghanistan aurait pu prendre fin. Le candidat Obama s'est montré très virulent quant à la futilité de cette guerre. Mais les commandants militaires pouvaient s'attendre à ce que le premier président noir des États-Unis soit un innocent dans les bois de la Beltway, comme le montrait haut et fort le fait qu’il ait gardé Robert Gates comme secrétaire à la défense. Ils ont compris qu'Obama était indécis et faible et qu'ils pourraient le faire changer d'avis. Et ils ont eu raison. Ils l'ont même amené à approuver "l’attaque éclair afghane", qui a bien sûr été présentée de manière convaincante comme l’ultime attaque pour vaincre les talibans de manière définitive. Du coup, cette attaque éclair s'est poursuivie pendant les sept années suivantes, sous Obama. ... Les commandants militaires ont de nouveau eu de la chance car Trump, bien qu'étant un Américain blanc, était un outsider de l'establishment américain. ... Trump n'a pas persévéré - il n'a jamais eu "les mains dans le cambouis" - en ce qui concerne la guerre en Afghanistan. Il n'a jamais téléphoné une seule fois au président afghan, Ashraf Ghani, ni ne l'a reçu au bureau ovale. Les commandants militaires pouvaient facilement court-circuiter Trump. Ils l'ont simplement eu à l’usure, jusqu'à la dernière ligne droite de son mandat de 4 ans. Maintenant, les commandants militaires se préparent pour un nouveau président qui leur tient probablement à cœur, autant que George Bush.
Comme Trump est trop timide pour ordonner au Pentagone de retirer TOUTES les troupes américaines d’Afghanistan, la guerre se poursuivra au-delà de sa présidence.
Bhadrakumar pense que Biden va laisser les militaires relancer la guerre :
Ce à quoi on peut s'attendre maintenant, c'est que les commandants militaires vont attendre, avec les 2500 soldats en Afghanistan, jusqu'au départ de Trump. Et ils recréeront alors une très bonne histoire pour justifier une nouvelle "attaque éclair". Rien de compliqué à cela.
C’est en effet très probable. Mais il n’y a pas que le Pentagone qui insiste pour que la guerre se poursuive. La CIA est historiquement connue pour son « intérêt » dans le commerce de la drogue. Que l’Afghanistan, pendant qu’il était sous occupation américaine, soit devenu le plus grand producteur d’opium n’est pas une coïncidence. Cela génère beaucoup d’argent qui peut être utilisé pour des opérations « couvertes » et à d’autres fins.
L’accord de Doha que Trump a négocié avec les talibans sera probablement violé par la partie américaine dès que Biden sera au pouvoir. Il accusera les talibans et, à partir de là, il intensifiera la guerre.
Il y a quand même une légère lueur d’espoir que la situation pourrait d’une manière ou d’une autre changer. Aujourd’hui, Imran Khan, le premier ministre du Pakistan, qui soutient les talibans, est venu à Kaboul pour une première visite « historique » :
"Vous venez avec une série de messages très importants ... mais le plus important est que la violence n'est pas une réponse, un règlement politique global pour une paix durable dans le cadre de nos valeurs, notre Constitution dans la République islamique est la voie de l'avenir", a déclaré Ghani [le président afghan Ashraf] à Khan au palais présidentiel. Khan a reconnu que le Pakistan avait joué un rôle clé pour amener les talibans à la table des négociations et qu'Islamabad reste préoccupé par le fait que "malgré les pourparlers au Qatar, le niveau de violence augmente". "Nous ferons tout ce qui est possible pour aider à réduire la violence et à faire avancer les discussions entre l'Afghanistan et les talibans vers un cessez-le-feu," a déclaré M. Khan. "L'objectif de cette visite est d'établir la confiance, de communiquer davantage. ... Nous vous aiderons".
Cela ne semble pas encore extraordinaire, mais une communication accrue entre Kaboul et Islamabad pourrait éventuellement conduire à un véritable compromis et à un gouvernement afghan avec lequel les deux pays pourraient vivre.
Mais il y a des forces extérieures, principalement l’Inde et les États-Unis, qui ne souhaitent pas un accord entre le Pakistan et l’Afghanistan car cela diminuerait leur rôle. Ils sont plus susceptibles d’en saboter un que de le laisser se produire.
Cette guerre vieille de dix-neuf ans va donc probablement se poursuivre. Plus de crimes de guerre seront commis en Afghanistan et plus de personnes innocentes y mourront. Dans quatre ans, d’autres candidats à la présidence promettront d’y mettre enfin un terme. Mais l’un d’entre eux pourra-t-il y parvenir ?
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par jj pour le Saker Francophone
Source: Lire l'article complet de Le Saker Francophone