Par JEAN-LOUIS ROCHE. Octobre 2020
Je peux reprendre un commentaire du mois de mars «Sauvetage ou effondrement du capitalisme», que je ne renie en rien, et que je développerai dans un prochain article : De quoi la décadence est-elle le nom ?
« En survolant ces contributions à un état des lieux, et en laissant de côté diverses informations et réflexions qu’elles apportent, et bien que sur un court laps de temps de deux mois, elles m’apparaissent comme mettant en évidence la gabegie et l’impuissance des principaux États, non à juguler complètement la pandémie, mais à freiner la marche à l’effondrement économique et avec un discours politique vide, non crédible pour la population. Les comparaisons que j’effectue dans ma recherche du passé – la peste au Moyen âge, 1914, la grippe espagnole de 1918, 1929, 1945 et enfin le Titanic – ne donnent que de faibles indications et ne sont pas toujours appropriées avec la gravité de la pandémie mondiale actuelle, surtout au sens où tout semble remis en cause, déstabilisée, paralysante, incompréhensible. Nouveauté inédite historiquement, pas seulement parce que ce virus se répand beaucoup plus vite que ceux qui avaient été identifiés auparavant, parce qu’il tue plus sûrement, mais parce que la « science médicale » étale son incompétence et sa fébrilité. Au sens de la globalité enfin, car, à la différence des drames lointains d’autrefois, le monde entier est touché, pas un pays ne sera épargné, pas une population. On frissonne déjà pour l’Afrique et les favelas du Brésil. Si effondrement il y a, il ne se produira pas dans un seul pays, comme dans le cas de la Russie en 1917, mais PARTOUT ».
LA CONTINUITÉ DE LA GABEGIE GOUVERNEMENTALE
Personne n’a oublié que pendant les premières semaines un croque-mort gouvernemental ressassait tous les soirs que les masques ne servaient à rien (parce que les gouvernements précédents les avaient fait détruire). Actuellement ce sont les lits d’hôpitaux qui ne servent à rien, parce que depuis mars rien n’a changé : les hôpitaux sont laissés à l’abandon, le personnel soignant ne voudra plus qu’on se paye sa tête par des chansons au balcon, plus personne ne veut être soignant avec un salaire de merde et des horaires de torture. Complément : https://les7duquebec.net/archives/259667
Une grande partie de la population, soutenue par nombre d’irresponsables a cru que le Covid était derrière nous, et certains croyaient que le marché capitaliste allait retrouver des couleurs. Vacances d’été et débordements de distractions sans protection de la jeunesse, sans oublier les ouvriers je m’enfoutistes qui ont continué à travailler sans se soucier de se protéger sur le lieu de travail comme aux mariages et enterrements.
Pour faire face dans l’urgence à une nouvelle invasion des hôpitaux (et un personnel soignant « en rupture de stock »), expérimentant une méthode de guerre (le couvre-feu) pour plusieurs semaines, Macron veut gagner du temps sur l’invention d’un hypothétique vaccin, tout en essayant de maintenir la production, qui va inévitablement s’effondrer, et en décuplant la dette, qui va inévitablement exploser. Il n’y aura pas plus de nouveau vaccin efficace, même comparable à celui contre la grippe (pourtant clairement inefficace), comme il n’y aura pas d’échappatoire à l’effondrement ; il est peu probable que la bourgeoisie puisse éviter de se suicider en lançant la dernière des dernières. Le CCI est le seul groupe à avoir noté que le capitalisme ne peut pas et ne pourra pas guérir du Covid.
Mais parallèlement à cette impuissance économique et politique, il y a plus grande pour le règne du capitalisme c’est le chaos qu’on le nomme comme on voudra, séparatiste, communautariste, anti-centralisation, qui gagne les hautes sphères de l’État à peu près partout, aux États-Unis, en Angleterre, en Allemagne, etc. Cette sorte de contestation locale, régionale ou même banlieusarde qui conchie systématiquement ce que je nomme l’État secouriste et antiraciste est carrément stupéfiante. Cela a commencé avec le lâchage de l’institution policière : tout policier est ainsi soupçonné automatiquement et mis en examen comme les racailles qui l’ont agressé ; les médias se répandent en conjectures, mais pour mieux faire le buzz avec les attaques de commissariat.
Stupéfiante l’incroyable accusation de la magistrature française qui a subitement mis en cause dans une enquête pour leur gestion de la crise du coronavirus, l’actuel ministre de la Santé Olivier Véran, mais aussi l’ancien Premier ministre Édouard Philippe et les ex-membres du gouvernement Agnès Buzyn, Sibeth Ndiaye qui ont vu leurs domiciles et bureaux perquisitionnés jeudi matin comme de vulgaires dealers ou assassins. Cette judiciarisation de la vie politique bourgeoise, à laquelle on ne s’habitue jamais, personnalise à outrance, dépolitise au fond les questions, voire peut servir à victimiser les hommes du pouvoir, car les Philippe, Buzyn et compagnie personne ne peut les soupçonner d’avoir machiavéliquement voulu laisser se développer le virus ; au contraire, chacun à leur niveau ont eu la confiance de l’opinion, sauf que cette mise en accusation ridicule fait passer à la trappe les vraies responsabilités celles de l’État tout entier et de Macron en premier lieu. Le fond de l’affaire est certainement très étroit et mesquin, ces messieurs les magistrats, si suivistes d’ordinaire ont voulu se venger de la nomination d’un ministre de la justice gauchiste et arrogant.
La mise en examen concomitante de Sarkozy pour « association de malfaiteurs » qui a pour but de crucifier définitivement la droite bourgeoise va-t-elle sauver le système de foutage de gueule d’une révolte de classe, ou poser la nécessité d’une dictature pour se passer de toutes ces institutions de « malfaiteurs démocratiques »?
On observe et on observera d’autres scandales de ce type en Allemagne (länders qui prennent des décisions cacophoniques) et ailleurs. Un des aspects de la décadence de l’antiquité et de la féodalité était la querelle des héritiers, fils de roi ou ces rivalités inextinguibles entre factions en compétition, le tout avec la chute économique, avait naturellement mené à l’effondrement. L’effondrement aujourd’hui sera bien plus énorme comme je le démontrerai.
Enfin le pouvoir erratique va se heurter à la classe ouvrière, même si on ne sait pas encore la forme que cela prendra. Un dernier élément (pour aujourd’hui) un couac qui montre les limites de l’État secouriste. Ce dernier avait cru bien faire en annonçant des primes pour la partie la plus démunie de la classe ouvrière, une prime de 150 euros pour ceux du RSA, déclenchant d’ailleurs la colère de celles et ceux qui travaillent (« nous on bosse pour 1500 euros par mois, mais on file du fric à ceux qui ne foutent rien », témoignage d’une aide-soignante).
Face aux journalistes, Macron avait promis une «aide exceptionnelle de 150 euros plus 100 euros par enfant serait versée» à toutes les personnes bénéficiaires du Revenu minimum de solidarité active (RSA) et des APL (aides personnalisées au logement). Le coup de pouce semblait directement calibré pour bénéficier aux plus jeunes, en particulier aux 18-25 ans, durement touchés par la crise économique qui réduit les possibilités de premier emploi et de jobs étudiants. Mais au lendemain de l’interview, Matignon a finalement fait volte-face en indiquant que la mesure d’aide de 150 euros serait destinée aux seuls bénéficiaires du RSA et de l’ASS (Allocation de solidarité spécifique – réservée aux chômeurs en fin de droit). Les allocataires des APL n’auront pas accès à la prime spécifique de 150 euros, mais ils pourront recevoir 100 euros par enfant, s’ils sont parents.
La rectification du cabinet du premier ministre passe mal auprès des acteurs de la solidarité, pour qui de nombreux jeunes seront exclus de mesures de soutien. «On est particulièrement surpris de voir qu’un jour on nous annonce un coup de pouce et le lendemain on nous le retire», réagit la présidente de l’Unef Mélanie Luce, sur Franceinfo. «C’est une promesse non tenue parce que quand le président s’exprime, normalement, ses propos font loi. Cela montre qu’il y a un délaissement des jeunes», s’indigne-t-elle. Non c’est simplement le début de la fin de l’argent roi de la planche à billets. Christine Lagarde a d’ailleurs lancé l’alerte: «allez-y mollo, ne supprimez pas trop brusquement les aides, sinon ce sera la falaise»! Ce n’est pas « une confusion totale au plus haut sommet », c’est le début du freinage dans la marche à la catastrophe.
APPRÉCIATION PROVISOIRE
Au tout début, le 26 février, j’avais écrit mon premier article en utilisant la métaphore de la guerre mondiale, mais avec un humour grinçant, et en rappelant la destructivité inédite dont a été capable de capitalisme moderne avec en particulier le « virus » (inventé industriellement) des gaz pour tuer le maximum d’humains. J’y évoque aussi la fake new d’une possible fabrication perverse, qui n’est pas une idée complètement infondée si on sait quels types d’armes ont été utilisées pendant les guerres coloniales ou impérialistes actuelles; même si le Covid-19 apparaît surtout finalement comme un des nouveaux virus que l’humanité devra toujours affronter de par ses négligences, viols de la nature, ou pas, et qu’elle ne pourra jamais complètement éradiquer même, probablement au long terme, dans une société humaine débarrassée de l’exploitation, si cette perspective dépasse son caractère utopiste.
Début mars je me suis efforcé d’écarter un marxisme simpliste où le capitalisme serait responsable de tout et de rien, mais en estimant ses ressources dites « modernes », « progressistes » ou « scientifiques » comme presque aussi dérisoires que celles du Moyen âge face à la peste (le confinement comme seule bouée de sauvetage après dieu). Il n’est plus question syndicalement que de la banale histoire des retraites, mais c’est la mort à ma porte qui fait sa réapparition.
J’avais insisté sur les dommages irréparables qui seront causés à l’économie mondiale, et dont les experts minimisent encore l’impact. Il se confirme que, bien que la classe dominante ne semble pas débordée, mais continue à naviguer à vue et à s’affoler, sans parvenir à diminuer le nombre de morts un peu partout et en laissant croire, par dépit et servilité, que la Chine dictatoriale a vraiment trouvé la bonne solution.
Dès le mois de mars, j’avais souligné le durcissement autoritaire qui devait automatiquement succéder à la câlinothérapie macronienne avec le radotage des formules ringardes sur union et solidarité «nationale».
En filigrane j’ai abordé la question de la confrontation des classes malgré la pression exercée par le confinement idéologique étroit du « tous ensemble » gouvernemental et oecuménique. Les incriminations de l’État contre «l’individualisme narcissique» ont clairement pour but de culpabiliser, c’est-à-dire de soumettre à la doxa sécuritaire sanitaire une population rétive à se laisser confiner quand en même temps une partie est obligée de s’exposer au travail. On assiste au contraire à des failles dans la «mobilisation nationale» et même à des débuts de désertion (mise en retrait, arrêts maladie) qui valent analogie (modeste) avec les mutineries au front en 1917-1918.
Dans l’ensemble, en toute modestie, j’ai analysé les problèmes politiques et sociaux sous-jacents que pose et ne va pas tarder de poser ce Coronakrach. Tous les États capitalistes ont agi avec un retard coupable parce que la santé des masses ne peut passer avant le profit économique, vieille quadrature du cercle capitaliste néo-malthusien. Ils n’ont pensé à généraliser le confinement qu’à la mi-mars ! Et de s’étonner de l’hécatombe à l’heure présente pour le deuxième post estival qui a bel et bien lieu !
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Source: Lire l'article complet de Les 7 du Québec