L’auteur est professeur, Institut des sciences de l’environnement, UQAM, et membre du regroupement Des Universitaires (https://desuniversitaires.org/)
Dernier article d’une série de 13 sur les 101 idées pour la relance (https://bit.ly/3eIEURx) du Pacte pour la transition (https://www.lepacte.ca/)
Des Universitaires – Depuis maintenant plusieurs mois, des voix s’élèvent au Québec et au Canada, comme partout dans le monde, pour que la relance économique d’après COVID soit verte. Il faut profiter de la nécessité d’intervenir massivement dans l’économie pour stimuler un changement de cap dans notre mode de développement et se lancer dans la transition écologique.
L’argument des artisans et experts qui ont travaillé à formuler les 101 idées du Pacte pour la transition est que nous sommes ici, au Québec, comme ailleurs sur la planète, convoqués devant un choix historique comparable à celui qui mena au New Deal, l’ambitieux plan de réforme que proposa Roosevelt pour sortir les États-Unis de la grande crise des années 1930. Nous devons, comme Roosevelt, redéfinir nos rapports économiques par le biais de réformes radicales et importantes, et nous pouvons le faire parce que l’État doit intervenir massivement dans l’économie pour la relancer.
Certes, comme l’a souligné le gouvernement Trudeau dans son discours du trône, il est difficile de prévoir la trajectoire que prendra la reprise de l’activité économique dans un contexte sanitaire incertain, le gouvernement devant d’abord assurer la sécurité et la santé de sa population. Mais, tôt ou tard, Québec et Ottawa devront intervenir massivement. Ces interventions peuvent pousser l’économie plus loin dans sa trajectoire insoutenable actuelle ou, au contraire, la diriger ailleurs. L’objectif du Pacte et des 101 idées est de proposer un ailleurs compatible avec les engagements que le Canada et le Québec ont pris dans divers forums en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et de maintien de la biodiversité.
Les propositions pour une transition que l’on retrouve dans les 101 idées du Pacte (https://bit.ly/3eIEURx) réitèrent des solutions et réponses aux enjeux environnementaux qui sont déjà connues. Certes, elles sont radicales, dans le sens où elles heurtent de plein fouet cette conviction rassurante que tout peut changer sur le front environnemental – que nous pouvons sortir du pétrole, régler le problème des émissions de GES, restaurer la santé des écosystèmes et laisser foisonner la biodiversité – sans que rien ne change sur le plan économique et politique. Nos embouteillages seront électriques, les power centers seront des hubs de l’économie circulaire, notre croissance sera propre et le gaz naturel qui fournira nos usines en énergie sera vert. Ces illusions sont le premier frein à un changement économique et social profond. Tant que nous pensons que le business as usual est compatible avec la résolution de la crise environnementale, nous demeurerons prisonniers de la crise écologique et climatique.
Si tout doit changer, alors nous devons nous donner un espace pour discuter, planifier, accompagner et débattre des réformes importantes nécessaires pour enclencher cette transition profonde de notre économie. C’est une composante essentielle du deal qui doit accompagner la transition. Une composante sociale et démocratique plutôt qu’uniquement technologique. Car, ce qui doit changer, ce n’est pas uniquement telle technologie de chauffage ou de motorisation, l’usage de telle matière ou l’extraction de telle ressource, ce sont également les rapports sociaux, habitudes, attentes et aspirations économiques qui encadrent nos manières de produire, de consommer et de subsister. C’est peut-être là, l’innovation la plus importante que proposent les 101 idées du Pacte, une idée qui converge avec des revendications portées par plusieurs acteurs au Québec, dont les mouvements syndicaux et environnementaux: la transition écologique est plus qu’une simple question d’électrification ou de modernisation technologique. C’est une occasion de revoir le développement économique du Québec et de toutes ses régions en se donnant des espaces démocratiques capables d’orienter ce développement par le biais de la concertation, et ce, en vue d’une transition porteuse de justice sociale.
C’est en ce sens que Le Pacte demande que les investissements massifs que requièrent « la relance par la transition » soient un levier pour un développement économique orienté par des « chantiers régionaux de la transition » qui fonctionnent par la concertation. Ces chantiers sont un espace de planification et de délibération des options économiques qu’implique la transition. Ils accompagnent également les communautés dans une transition qui renforce l’autonomie et la résilience des régions et localités, tout en contribuant à une démocratisation de l’économie et à la lutte aux inégalités. Ces chantiers prioriseront des formes d’entreprises ancrées dans les communautés, comme les coopératives, les entreprises d’économie sociale, les petites entreprises familiales ou du secteur public, plutôt que les multinationales qui ne connaissent d’autre ancrage que les marchés financiers globalisés.
Le Québec a longtemps bénéficié de structures régionales et locales qui ont balisé son développement par le biais d’une concertation entre acteurs socio-économiques. Ce n‘est que récemment qu’elles ont été détruites et marginalisées par les réformes d’austérité du gouvernement Couillard. Nous croyons, avec d’autres, que la relance par la transition doit reposer sur la renaissance de telles instances et la concertation démocratique qui les anime et fonde leur légitimité publique. La COVID nous a appris que tout peut changer soudainement, et que l’État a la capacité de remodeler profondément nos modes de vie et attentes. Si tout doit changer profondément, et pour longtemps, mieux vaut que ce changement soit orienté et balisé par des institutions qui reposent sur une participation démocratique élargie. Pour que les débats se fassent, les points de vue se confrontent et les décisions se prennent de la manière la plus éclairée possible. Éclairée par la science et l’expertise, certes, mais également par l’expérience et les savoirs locaux et ancrés dans la vie des collectivités qui sont amenés à changer. Tel est le « Deal » que propose Le Pacte pour la transition.
Illustration : Brignaud
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