Avant-propos
Le 27 octobre dernier, le Conseil de sécurité présidé par le représentant de la Fédération de Russie a tenu une réunion pour examiner en même temps les situations politique et humanitaire en Syrie, ce qui n’est généralement pas le cas, les deux situations étant habituellement examinées séparément. Le délégué permanent de la Syrie auprès des Nations Unies en avait profité pour annoncer la tenue d’une « Conférence internationale sur le retour des réfugiés et des déplacés » les 11 et 12 novembre courant, à Damas, en ces termes :
« L’Administration américaine et ses partenaires de l’Union Européenne poursuivent leurs politiques de terrorisme économique et de punition collective des peuples par des mesures coercitives unilatérales, qu’ils imposent à mon pays. Ces mesures visent à étrangler les civils en les privant de nourriture, de médicaments, de matériel médical de base et de carburant, comme elles empêchent la reconstruction et le retour des personnes déplacées, au mépris du droit international, de la Charte de notre organisation, des appels lancés par le Secrétaire général, par de hauts fonctionnaires des Nations Unies et par le Conseil des droits de l’homme sur la nécessité de lever ces mesures, notamment face aux défis posés par la « pandémie » COVID-19 et à l’obligation d’y répondre.
J’aimerais vous informer de la décision du gouvernement syrien de tenir une conférence internationale sur les réfugiés, à Damas, les 11 et 12 novembre [2020]. Conférence ouverte à la participation, en personne ou virtuellement, de représentants d’États Membres des Nations Unies et de leurs institutions spécialisées. Elle vise à donner suite à l’appel lancé par mon gouvernement, en 2017, pour le retour des réfugiés syriens et des personnes déplacées, avec une demande adressée à la communauté internationale et à l’ONU pour soutenir le processus du retour, lui créer l’environnement adéquat et fournir les services élémentaires aux rapatriés. Un appel auquel certains gouvernements ont cherché à faire obstruction en s’opposant à la reconstruction et en imposant des conditions injustes et politisées au travail humanitaire et de développement dans mon pays.
Nous espérons vivement la participation de pays qui croient et respectent le droit international et les dispositions de la Charte à cette conférence, ainsi que leur soutien aux efforts de l’État syrien et de ses alliés cherchant à améliorer la situation humanitaire et les moyens de subsistance, afin de faciliter un retour digne et sécurisé des Syriens vers leur patrie et leurs foyers. » [1].
Le représentant de la Fédération de Russie avait confirmé cette annonce, tout en « déplorant qu’un certain nombre de collègues aient immédiatement discrédité cette initiative humanitaire, affirmant avoir reçu des signaux clairs sur le refus de plusieurs États occidentaux, alors que la question du retour des réfugiés syriens est inscrite dans la résolution 2254 (2015). » [2].
Ci-joint la traduction intégrale de la réponse du président syrien à l’appel du président russe au sujet de cette conférence, lors d’une visioconférence retransmise ce 9 novembre par le site de la Présidence syrienne. Nous soulignons que les propos de M. Vladimir Poutine sont traduits à partir de la traduction simultanée du russe vers l’arabe. D’où une double traduction qui pourrait se révéler imprécise. [NdT].
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Président Vladimir Poutine :
La Russie poursuit ses efforts en faveur d’un « règlement politique durable » en République arabe syrienne et du rétablissement de son indépendance et de sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire. À cet effet, il est important de souligner le travail efficace mené dans le cadre du processus d’Astana où, grâce aux efforts conjoints de nos partenaires, nous avons pu obtenir beaucoup de choses ; les foyers du terrorisme international ayant été presque éliminés avec un retour progressif vers une vie normale, en coordination avec les Nations Unies.
À ce stade, nous nous trouvons devant l’obligation de concrétiser ce règlement [politique], y compris le retour des réfugiés et des déplacés, en accord avec les dispositions de la résolution 2254 (2015). En effet, nous savons qu’il y a environ 6,5 millions de réfugiés en dehors du territoire syrien dont la majorité est en capacité de travailler et devrait, par conséquent, contribuer à la reconstruction du pays. Et ce, d’autant plus que le retour de ces réfugiés est dans l’intérêt des pays voisins sur lesquels ils pèsent lourdement, en plus du fait que les jeunes gens y sont souvent soumis à des influences néfastes les disposant à rejoindre les terroristes.
Suite à notre invitation à joindre nos efforts pour le retour des réfugiés en territoire syrien, nous avions convenu de former deux équipes issues de nos deux pays pour collaborer dans ce sens. Aujourd’hui, ces deux équipes appliquent diverses dispositions afin de faciliter moralement et socialement ce retour, si bien que plus de 850 000 réfugiés sont déjà revenus en Syrie et plus de 1,3 millions de déplacés ont regagné leurs foyers, grâce à vos efforts. Mais il nous reste beaucoup à faire et, maintenant que la paix est revenue dans la majorité des territoires syriens, il est impératif de poursuivre ces efforts sans jamais contraindre au retour ; tout Syrien devant disposer de toutes les informations nécessaires sur la situation en Syrie et sur les mesures prises par les autorités syriennes afin d’assurer un retour sécurisé.
Tel est le but principal de la « Conférence internationale sur le retour des réfugiés et des délacés » prévue le 11 et le 12 novembre courant, à Damas. La Russie aidera à la tenue de cette conférence avec le concours de l’Organisation des Nations Unies et de la Croix Rouge internationale.
La délégation russe comptera des représentants de 35 institutions, lesquels pourront consulter leurs partenaires syriens en ce qui concerne les sujets entrant dans le cadre de la coopération bilatérale entre nos deux pays. Et cette conférence coïncidera avec l’octroi de 65 tonnes d’aide humanitaire.
Je pense qu’il nous faut soutenir cette initiative afin de ramener la stabilité dans le pays. J’espère que nous réussirons. En tout cas, nous faisons notre possible pour cela.
Je vous remercie.
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Président Bachar al-Assad :
Merci Monsieur le Président,
Je suis heureux de votre appel d’autant plus qu’il arrive avant la prochaine tenue de la Conférence sur les réfugiés et je vous remercie pour l’intérêt que vous portez à cette question. Une question humanitaire pour nous, pour vous et pour de nombreux pays en ce monde mais qui, pour nous, revêt une importance nationale vu que chaque foyer syrien est concerné.
Il est donc normal qu’en tant que gouvernement, cette question soit devenue la première de nos priorités pour la prochaine étape, vu la libération d’une grande partie de nos territoires et la réduction des champs de bataille, en dépit de la persistance du terrorisme.
Il est normal que cette question soit devenue la première de nos priorités, ce qui n’exclut pas la nécessité qu’au cours de cette conférence, nous comme vous et d’autres pays concernés, nous traitions cette question en partant de ses causes.
Comme vous le savez, la majeure partie des réfugiés se compose de ceux qui ont fui le terrorisme, le meurtre et la peur ; le reste ayant fui une vie devenue impossible dans les villes, les villages ou les quartiers à cause de la destruction des infrastructures. Or, nous savons grâce à nos contacts continus avec un grand nombre de ces réfugiés, directement ou via les pays d’accueil qui cherchent à les ramener en Syrie, que la plupart d’entre eux souhaitent vivement rentrer au pays, surtout depuis que l’État syrien a grandement facilité les formalités de ce retour, en partie au niveau législatif et en partie au niveau des procédures.
Mais, mis à part le terrorisme qui sévit encore dans certaines régions d’où ils sont issus et où ils sont censés revenir, le plus grand obstacle est le blocus imposé par l’Occident à la Syrie, à son État et à son peuple. Par conséquent, le retour de ces réfugiés implique de leur assurer les besoins élémentaires, tels que l’eau, l’électricité, les écoles pour leurs enfants et d’autres services de base, en plus de régler la question du redémarrage de l’économie afin qu’ils reviennent parce qu’une vie normale se profile à l’horizon. Et donc, le problème est que le blocus occidental imposé par les États-Unis est un obstacle majeur à ce retour.
Quant à nous, en Syrie, nous avons de grands espoirs en cette conférence et les résultats pratiques qu’elle pourrait engendrer. Naturellement, le gouvernement syrien est non seulement prêt mais plutôt enthousiaste dans l’attente des résultats qui pourraient donner à voir le plus grand nombre de réfugiés revenir dans les prochains mois en dehors du cadre de la « Réconciliation », étant donné que le plus grand nombre soutient le gouvernement syrien et que ce sont les circonstances actuelles qui empêchent leur retour.
Nous avons aussi un grand espoir en vos efforts et les efforts d’autres pays participants, lesquels pourraient alléger, voire lever ou supprimer le blocus illégal et injuste afin que l’État syrien puisse s’acquitter de ses devoirs envers les rapatriés, ceux qui sont déjà rentrés et d’autres qui le souhaitent.
Une fois de plus, Monsieur le Président, je saisis cette occasion pour vous remercier des immenses efforts que vous avez personnellement déployés, en plus des efforts des responsables russes qui n’ont eu de cesse de travailler à la tenue de cette conférence malgré les obstacles internationaux dressés sur son chemin. Mais la conférence aura lieu et nous lui souhaitons de réussir.
Je crois qu’avec notre coopération bilatérale et celle des pays participants, cette conférence ne sera que le début de la résolution d’un problème humanitaire probablement sans précédent depuis la Seconde Guerre Mondiale. Nous espérons pouvoir jeter les bases de la prochaine étape devant aboutir au retour de ces réfugiés.
Encore une fois, je vous remercie de l’intérêt que vous portez à cette question et de votre soutien au gouvernement syrien dans ses efforts, que ce soit pour la lutte contre le terrorisme, la reconstruction ou le retour des réfugiés.
Merci à vous.
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Source : Vidéo du 9 novembre 2011 / Site de la Présidence syrienne
Traduction de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
[1] Vidéo de l’allocution du Dr Bachar al-Jaafari devant le Conseil de sécurité du 27 octobre 2020 (vers la 9ème minute)
https://www.youtube.com/watch?v=3_jmy3ryfoo
[2] Le Conseil de sécurité examine en même temps les situations politique et humanitaire en Syrie
https://www.un.org/press/fr/2020/sc14337.doc.htm
Source : Lire l'article complet par Réseau International
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