RENÉ NABA — Ce texte est publié en partenariat avec www.madaniya.info.
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LA RÉPONSE MÉPRISANTE DES ÉTATS UNIS AUX AMBITIONS NUCLÉAIRES DE LA JORDANIE
La Jordanie, qui dispose d’un gisement d’uranium dans le centre du Royaume, ambitionne de devenir un «centre régional de traitement de l’énergie atomique», mais se heurte à l’opposition résolue des États Unis, lesquels ont rejeté sa requête en des termes méprisants: «Bullshit» – Foutaise), a cinglé la réponse américaine.
Outré, le négociateur jordanien, Khaled Toukane, président de la Commission Jordanienne de l’Énergie Atomique, a prié son interlocuteur, Thomas Canterman, assistant du secrétaire à la sécurité internationale chargé de la non prolifération atomique, de quitter la salle où se tenait la négociation.
La scène s’est produite le 19 avril 2018 à Amman. Cette révélation est contenue dans une note du Commissariat à l’Énergie Atomique jordanien adressé au ministère jordanien des Affaires étrangères rendant compte d’une réunion de travail entre l’organisme jordanien et des responsables américains chargés de la lutte contre la prolifération nucléaire.
La totalité de la correspondance sur cette affaire est publiée par le journal libanais «Al Akhbar» le 8 Mai 2019, soit un an après, sous un dossier intitulé «Nucléaire Jordanie».
«Les États Unis ont invité la Jordanie à porter son attention sur les énergies renouvelables, notamment l’énergie solaire, laquelle est en mesure de satisfaire les besoins à court et moyen terme du Royaume. Sur les énergies renouvelables et non sur l’énergie atomique», révèle la note adressée au ministère jordanien des Affaires étrangères.
CI JOINT L’INTÉGRALITÉ DU VIF ÉCHANGE ENTRE JORDANIENS ET AMÉRICAINS.
A l’injonction américaine de se tourner vers l’énergie solaire, les Jordaniens ont répondu en ces termes: «La capacité nucléaire est un impératif stratégique pour la Jordanie et il lui incombe d’envisager toutes les options qui s’offrent à elle pour satisfaire ses besoins».
La Jordanie est dépourvue de ressources énergétiques. Sa survie économique est tributaire des subventions des pétromonarchies qui les conditionnent à l’alignement du Royaume à leur politique, notamment en ce qui concerne la transaction du siècle: la renonciation de la tutelle de la dynastie hachémite à la gestion des Lieux Saints musulmans de Jérusalem notamment la Moquée Al Aqsa, et à leur soutien à leur politique anti-iranienne.
Pour contrer l’argumentation américaine, le négociateur jordanien a fait valoir que «dans le groupe de travail jordanien figurent trois experts américains parmi les huit membres qui constituent le «Haut Comité International chargé de superviser le programmé nucléaire jordanien». Une manière subtile de suggérer que tous les experts américains ne partagent pas les vues de l’administration américaine et qu’il est loisible à cette dernière de s’informer de l’état des recherches nucléaires de la Jordanie via ses nationaux opérant au sein du Haut Comité Jordanien.
Comme pour réduire la tension, le négociateur américain, Thomas Casterman, a alors fait part de sa «satisfaction des étapes parcourus par le programme jordanien notamment en ce qui concerne les réacteurs affectés à la recherche et à la formation scientifique».
Khaled Toukane: «Plusieurs sociétés américaines ont fait part de leur intérêt à coopérer dans le domaine de la radio activité et du traitement du combustible nucléaire, notamment la firme CENTRAS. La nécessité s’impose de parvenir à un accord pour ratifier la convention 123 américaine (prohibant la prolifération nucléaire) afin de dégager la voie à une coopération des entreprises américaines et la Jordanie dans le domaine de l’énergie atomique», a surenchéri le jordanien.
LE CLASH
Thomas Canterman: «Le moment n’est pas opportun de soumettre un projet d’accord au Congrès pour approbation. Il ne le sera pas non plus lors de la mandature du prochain congrès américain, dont la position ne va pas différer de celle de l’actuel congrès….(…) La convention 123 américaine signifie clairement une «non prolifération nucléaire», un sujet fondamental pour les États-Unis. L’accord international conclu avec l’Iran, le 14 juillet 2017, va réduire la prolifération et garantir la sécurité nucléaire régionale. La Jordanie doit s’inspirer de cette règle, adoptée par les Émirats Arabes Unis, qui ont fait preuve de leur souci de refréner le changement climatique. La Jordanie doit prendre exemple sur les Émirats Arabes Unis».
Khaled Toukane: «La Jordanie ne s’engagera pas dans le processus de l’enrichissement de l’Uranium ni dans le recyclage des combustibles. Toutefois, a fait valoir le jordanien, la Jordanie n’est pas le seul pays arabe dans ce cas.
Deux grands pays arabes -l’Arabie saoudite et l’Égypte-, n’ont pas souscrit à la convention 123 américaine. La Jordanie, en revanche, a adhéré à des traités internationaux confirmant son engagement à préserver la sécurité nucléaire et la non prolifération.
Thomas Canterman: «La tournure que prend la conversation n’est pas dans l’intérêt de nos négociations». Puis, d’un ton méprisant, avise son interlocuteur en ces termes: «Je ne suis pas venu discuter des orientations des autres pays arabes, mais de régler un problème technique précis».
Le relayant, l’ambassadrice des États-Unis à Amman, réitère la position américaine à l’intention des négociateurs jordaniens: «La prolifération est une source d’inquiétude pour l’ambassade américaine», a-t-elle dit.
Khaled Toukane: «La Jordanie ambitionne de devenir un «Centre Régional de Traitement du Combustible nucléaire» de manière à pourvoir aux besoins de tous les états de la région désireux d’édifier des centrales nucléaires».
Thomas Canterman l’interrompt abruptement: «Bullshit» Foutaise.
Piqué sur le vif, Khaled Toukane met fin brutalement à la négociation, sommant l’américain de quitter les lieux, à défaut de quitter lui même la salle. Aussitôt après cet incident, l’ambassadrice, alertée, prend contact avec le Jordanien, lui demandant de bien vouloir la recevoir le lendemain pour lui présenter les excuses de l’ambassade.
Foutaise…. Une réponse méprisante, d’une rare violence. S’agissant d’un diplomate, une expression d’une grossièreté exorbitante, symptomatique des dérives de la grande démocratie américaine et du délire de ses servants.
Mais au delà de l’interdit américain, la Jordanie se heurte aux convoitises de l’Arabie Saoudite, désireuse de profiter de l’opposition américaine au programme nucléaire jordanien pour s’y insérer en tant que partenaire paritaire. Pour ce faire, le prince héritier saoudien Mohamad Ben Salmane soumettra la Jordanie au chantage.
Devant tant de mépris, alors que les États-Unis envisagent de confier la gestion des Lieux saints musulmans notamment la Mosquée al Aqsa de Jérusalem, à l’Arabie saoudite, dans le cadre de la «transaction du siècle», la Jordanie a décidé d’abroger l’accord conclu avec les Israéliens, en 1994, permettant aux agriculteurs israéliens d’exploiter les terres jordaniennes de l’enclave frontalière de Naharim.
Le Roi Abdallah II de Jordanie, chef de la dynastie hachémite, rivale ancestrale de la dynastie wahhabite, a ainsi mis fin au statut temporaire gérant ses terres et le retour des enclaves frontalières en Jordanie, Bakoura et Al Ghomra.
ÉPILOGUE
Au terme de trois ans de vacance de poste, consécutive au rappel à Washington de l’encombrante ambassadrice américaine, Alice Wells, la détente est intervenue entre les États Unis et la Jordanie sous forme d’un cadeau de Noêl anticipé: A une semaine du Sommet du G20 à Ryad, –qui devait refermer diplomatiquement la hideuse parenthèse du feuilleton Jamal Kashoggi, le journaliste saoudien découpé à au Consulat saoudien à Istanbul, le 2 octobre 2018–, Donald Trump, a dépêché à Amman un nouvel «Ambassadeur extraordinaire», avec en prime un don de 745 millions de dollars portant le total de la subvention américaine pour 2019 à 1,5 milliards de dollars.
Cauda : Le volet deux du dossier portera sur «le chantage saoudien».
ILLUSTRATION
Atlas of Jordan – Figure I.11 — Jordan Mineral Resources : https://books.openedition.org/ifpo/4863
Source: Lire l'article complet de Les 7 du Québec