Emmanuel Macron et la France s’enfoncent dans une sorte de guerre avec l’Islam et le monde musulman où politique intérieure et extérieure ne font qu’un. Et une frange québécoise veut s’enfoncer avec eux, dont le premier ministre Legault.
Le 22 octobre, au lendemain de la décapitation immonde de Samuel Paty, Macron a déclaré : « Nous défendrons la liberté […] et nous porterons la laïcité, nous ne renoncerons pas aux caricatures, aux dessins, même si d’autres reculent ». En gros, il dit que la France ne renoncera pas aux caricatures du prophète Mahomet.
Précisons d’emblée que l’attaque immonde à Conflans-Sainte-Honorine tout comme celle à Nice doivent être condamnées sans équivoque.
Ceci dit, la réaction d’Emmanuel Macron comme celle de la classe politique et médiatique française manque totalement le coche. Ils campent leur position en invoquant la république et la liberté d’expression.
Tout d’abord, l’idée républicaine ne se résume pas au seul mot « liberté » ou au vocable « liberté d’expression ». Laisser entendre cela, c’est comme faire un trépied qui n’a qu’un seul pied.
Il y a trois colonnes indissociables dans une république à la française : liberté, égalité et fraternité. Or, dans la conception macronienne, « égalité » et « fraternité » sont évacuées.
« Égalité ». Tout le monde sait qu’il n’y en a pas en France. Il suffit de visiter les cités de banlieue de Paris et de d’autres grandes villes françaises comme Marseille ou Nice pour s’en convaincre. Ou se rappeler les « gilets jaunes » et les manifestations contre la réforme des retraites. Ou regarder le film Les misérables de Ladj Ly (2019).
Qui fait semblant de l’ignorer court à sa perte.
« Fraternité ». Respecter cet élément de la république exigerait qu’on respecte les croyances et des rituels de tous les citoyens, qu’on cherche promouvoir ce qui rassemble, non pas ce qui divise.
Or Emmanuel Macron, en disant que la France ne renoncera pas aux caricatures du prophète Mahomet, comme celles de Charlie Hebdo, transforme le droit de faire de telles caricatures en un devoir de le faire. Bref, au lieu de dire, « Tu as le droit de le faire », il dit essentiellement, « Tu dois le faire ».
Il s’avère pour beaucoup de musulmans représenter le prophète de quelque façon que ce soit, est sacrilège, à plus forte raison quand on le caricature de façon insultante somme l’a fait Charlie Hebdo.
En transformant le « tu as le droit » en « tu dois », Macron invite les Français à insulter des millions de concitoyens de confession musulmane. Donc, pour la fraternité, cette 3e colonne qui sous-tend la république, il faudrait repasser.
À la question à savoir si on a le droit de caricaturer le prophète, Macron aurait eu respecter les principes républicains en répondant :
Vous en avez le droit. Mais j’y suis vivement opposé personnellement et dans notre volonté bien républicaine de bâtir sur la fraternité et sur ce qui nous rassemble et non sur ce qui nous divise, je vous invite fortement à ne pas le faire.
Mais il n’a pas dit cela, même quand il a reculé un peu à la lumière de la réaction viscérale contre ses propos, mais surtout à voir la campagne de boycottage actuelle de produits français.
Cette gue-guerre française contre l’Islam et le monde musulman cache des squelettes dans le placard de l’histoire française, notamment la guerre d’indépendance de l’Algérie après une colonisation de 130 ans. Mais elle cache aussi une politique étrangère qui leur pète dans la face – le fameux « blowback »–, soit celle du soutien des djihadistes par la France, et d’autres pays, dont le Canada et les États-Unis, dans la guerre contre la Syrie. Laurent Fabius n’a-t-il pas dit du Front Al-Nosra (Al Qaeda en Syrie) « Ils font du bon boulot sur le terrain [Syrie] » (Le Monde, 13 déc. 2012).
Idem dans la guerre non déclarée contre la Russie par djihadistes tchétchènes interposés – le terroriste qui a décapité Samuel Paty est un réfugié tchétchène.
Tout ce beau monde faisait des attaques terroristes avec la bénédiction de la France et de ses alliés occidentaux. Ils ont perdu ces guerres et ils sont revenus. Quand ça leur pète dans la face, au lieu de reconnaître l’iniquité de leur propre politique, ils cherchent à trouver des bouc-émissaires pour mieux la cacher et cacher la destruction qu’elle a laissée.
Robin Philpot
Source : Lire l'article complet par Mondialisation.ca
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