Il y a 25 ans, le référendum de 1995. Loin d’être la fin de quelque chose, cet exercice démocratique vicié a plongé le Québec — et le Canada — dans les limbes constitutionnels.
Une tradition de Non!
Les fédéralistes et les Canadiens en général aiment bien couper les coins ronds quand ils évoquent le référendum de 1995: les Québécois ont tranché, le Non l’a emporté.
Bien sûr, on ne s’attardera pas trop aux tricheries du camp du Non, ni aux révélations troublantes de la commission Gomery ou encore aux témoignages d’affairistes canadiens qui, 25 ans plus tard, se félicitent d’avoir triché.
Ça ne compte pas, c’était pour «sauver l’pays», comme disait l’autre, avec ses balles de golf tatouées de l’unifolié devant le juge Gomery…
Ce que ces gens oublient, c’est que le référendum de 1995, c’est l’aboutissement d’une série de Non constitutionnels:
Par rapport à ces milliers de personnes qui auraient voté sans avoir la qualité d’électeur, l’éditorialiste du journal Le Droit Murray Maltais, le 27 mars 1998 (en lien avec l’analyse de l’ex DGEQ Pierre-F. Côté), écrivait ceci:
«Des milliers de personnes n’ayant pas qualité d’électeur votent. Selon le Directeur général des élections (DGE) du Québec, plus de 217 000 inscrits sur la liste électorale n’ont pu être recoupés par les listes des détenteurs de cartes d’assurance maladie. Au départ, on en dénombrait 322 000; des vérifications ultérieures ont permis d’en identifier 115 000.
«Qui sont donc ceux qui restent? Ni le DGE ni le gouvernement ne peuvent le dire. Des trépassés ou des absents votent; combien d’autres se retrouvent derrière l’isoloir en enfreignant la loi […]?
«Que 217 000 personnes aient pu exercer leur droit de vote sans qu’on puisse les retracer demeure fort troublant. Il se peut que certains n’aient rien à se reprocher. Affirmer que tous ont voté légalement ne relève pas de la naïveté, mais de la bêtise. Ou de la mauvaise foi.
«On songe, bien entendu, que les résultats du dernier référendum auraient pu basculer dans l’autre sens si les autorités politiques avaient manifesté plus de rigueur dans l’exercice du droit de vote.»
En effet, c’est absolument troublant. Plusieurs se demandent d’ailleurs pourquoi le gouvernement de l’époque ne s’est pas saisi de l’affaire, pour contester la fraude. Un tel résultat a glacé tout le monde, un baril de poudre que personne n’a voulu faire exploser.
Bref, rien n’a été réglé en 1995, bien au contraire. Et les conclusions simplistes disant que «les Québécois ont dit Non deux fois à l’indépendance» sont fallacieuses. La réalité, c’est que le Canada et le Québec se sont dit Non.
Et aujourd’hui, plus que jamais, ils se regardent en chiens de faïence.
Indépendance ou assimilation?
25 ans plus tard, le Québec a beaucoup changé. Sa métropole ressemble de plus en plus à Toronto, ou à Ottawa. Et elle est dirigée par une mairesse qui a plus en commun avec le fils de Pierre Elliott Trudeau que tout héritier politique de René Lévesque.
Montréal s’est détaché du Québec. Les «bouzeux» des régions ne s’y reconnaissent plus beaucoup (comme l’avait affirmé dans son langage coloré le maire de Québec devant quelques journalistes médusés), on y parle très souvent l’anglais. Et surtout, on y revendique de plus en plus le fait d’être canadien.
En bilingue, please!
La quinzaine d’années de pouvoir libéral où l’on a augmenté sensiblement l’immigration tout en négligeant la francisation, l’intégration et la régionalisation des nouveaux arrivants a eu l’effet escompté… Comme me le rappelait, y’a pas si longtemps, une ex-cadre du ministère de l’Immigration, «un nouvel arrivant qui ne s’intègre pas au Québec, nécessairement, se verra plutôt comme un Canadien».
Montréal est une ville canadienne. Et gare à ceux qui voudront y faire quelque chose. Il n’est pas loin ce jour où «franciser Montréal», entreprendre une politique robuste de langue française sera traité comme du racisme systémique.
«Poser la question de l’avenir démolinguistique, c’est s’interroger sur son avenir démographique tout court. Avec la fin de la “revanche des berceaux” et la croissance de l’immigration internationale, le Québec est passé d’un régime démographique qui favorisait la pérennité du fait français à un régime qui rend celle-ci de plus en plus problématique, non seulement en termes de poids démographique, mais également en termes d’effectifs. La question n’est en effet pas seulement de prévoir quel sera le pourcentage de Québécois qui dans une ou deux générations parleront le français, elle est aussi de savoir combien il y aura de Québécois. Que peut encore signifier un Québec majoritairement francophone si les Québécois francophones sont de moins en moins nombreux et de plus en plus vieux, et si de surcroît ils sont entourés d’une population 50 fois plus nombreuse, dont l’effectif est nettement plus jeune et croît rapidement?»
Nous avons un début de réponse, une douzaine d’années plus tard…
Cette situation, vue de l’angle des fédéralistes québécois, partisans du multiculturalisme canadien, est assez satisfaisante, en fait. Le statu quo les rassure quant à une «assimilation tranquille» de la nation québécoise.
Quand les fédéralistes du Québec tentent de vendre une image passéiste d’un Canada aux deux peuples fondateurs, où l’harmonie règne entre francophones et anglophones, et où la dualité linguistique compte pour une richesse au pays, ils vendent du mensonge.
Et ils le savent très bien. François Legault le sait très bien lui aussi. Quand il affirme avoir pris acte de ce que pensent les Québécois par rapport à la question constitutionnelle, il sait très bien que plus le temps file, moins la composition démographique de la société québécoise permettra l’accession à l’indépendance; car en démographie, le statu quo n’existe pas.
Et d’ailleurs, au lendemain du référendum de 1995, quand des ténors du camp du Non ont affirmé que «que si le Oui n’avait pas passé cette fois-ci, il ne passera jamais à cause de l’immigration et du vieillissement de la population», on n’était pas dupes de la situation démolinguistique du Québec.
Il est tout à fait légitime d’accepter que le Québec s’assimile à la nation canadienne et il est permis de le défendre. Mais que tombent les masques et qu’on l’admette une fois pour toutes! Car les études statistiques et démographiques sont claires et formelles. Le Québec dans le Canada, c’est l’assimilation à court ou à moyen terme. À Montréal, c’est déjà pas mal chose faite.
Que les fédéralistes au Québec s’assument et le disent franchement: nous sommes d’accord avec la canadianisation du Québec et le fait que dans cet ensemble, les Québécois deviendront une nation folklorique comme une autre, point.
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec