par Aaron Maté.
Bellingcat a affirmé avoir découvert une lettre qui contredit les inspecteurs de l’OIAC (Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques) et les journalistes qui ont contesté la censure de l’enquête sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie. Mais, parmi de nombreux mensonges, la « lettre » de Bellingcat n’était en fait qu’un brouillon qui n’a jamais été envoyé – et qui ne fait qu’exposer davantage la tentative de dissimulation.
Bellingcat, le site internet financé par les États membres de l’OTAN qui a participé à l’effort de propagande visant à accuser la Syrie d’une attaque à l’arme chimique en avril 2018 et à justifier le bombardement dirigé par les États-Unis qui s’en est suivi, a publié une nouvelle attaque truffée de mensonges contre un lanceur d’alerte de l’OIAC dont les conclusions supprimées ont révélé la tromperie pro-guerre.
Selon Bellingcat, un document qu’il a obtenu via une fuite « prouve non seulement qu’une attaque chimique a eu lieu » dans la ville syrienne de Douma en avril 2018, mais aussi, « montre que toute notion de dissimulation au sein de l’OIAC est fausse ».
Contrairement au récit de Bellingcat, le site internet n’a fait qu’ajouter un nouveau chapitre au scandale de dissimulation de l’OIAC en publiant un article truffé de multiples mensonges faciles à démontrer et d’affirmations farfelues ou sans fondement. Il présente également une tentative malveillante de ternir la réputation et de discréditer un inspecteur chevronné et très respecté de l’OIAC qui a contesté la censure de l’enquête de son équipe.
Les problèmes de l’article de Bellingcat, rédigé de manière anonyme, commencent par son postulat de départ, qui s’avère être un mensonge flagrant. L’article est basé sur des extraits d’un brouillon de lettre qui, selon Bellingcat, a été envoyé en juin 2019 par le directeur général de l’OIAC Fernando Arias à Brendan Whelan, un membre de l’équipe de l’OIAC envoyée à Douma.
Cependant, The Grayzone peut révéler que le texte que Bellingcat a publié n’a jamais été envoyé à Whelan. En effet, le texte de la lettre présenté par Bellingcat était en fait un brouillon non envoyé que Whelan n’a jamais reçu. Ce fait démolit le cœur de l’argument du site internet soutenu par l’OTAN.
Le Dr Whelan, un vétéran de l’OIAC qui y a travaillé pendant 16 ans, a contesté pour la première fois la censure de l’enquête de son équipe en juin 2018, quelques semaines après le retour de l’équipe de l’OIAC de Syrie. Une série de fuites montre que M. Whelan et les autres inspecteurs de l’OIAC qui ont été déployés en Syrie ont trouvé des preuves qui ont permis de réfuter les allégations d’une attaque chimique à Douma. Pourtant, leurs données ont été supprimées et, lorsque la censure a été contestée, les inspecteurs ont été écartés de leur propre enquête.
Cette dissimulation a coïncidé avec les pressions exercées sur l’OIAC par le gouvernement américain, qui avait bombardé la Syrie, avec le Royaume-Uni et la France, en avril 2018 sous prétexte que le gouvernement syrien était coupable. Le rapport final de l’OIAC, en mars 2019, a omis les conclusions supprimées et a fortement insinué la culpabilité du gouvernement syrien.
Selon Bellingcat, la prétendue lettre du directeur général Arias à M. Whelan est une balle d’argent qui a absous ses conclusions initiales et a résolu toutes les questions entourant l’enquête concernant Douma d’un seul coup. La lettre « prouve qu’une attaque chimique a bien eu lieu », affirme Bellingcat, et « montre également que toute notion de dissimulation à l’OIAC est fausse et confirme que l’organisation a agi exactement comme elle en avait le mandat ».
En outre, Bellingcat tente de suggérer que Whelan, Wikileaks et plusieurs médias, dont The Grayzone, se sont livrés à une malversation imprudente, voire à une conspiration, en dissimulant la lettre accablante que la bande de sherlocks numériques financée par les pays de l’OTAN a réussi à divulguer.
Ce serait un exploit extraordinaire pour n’importe quelle fuite, sans parler de celles qui ne comptent que cinq paragraphes au total. Mais les déclarations radicales de Bellingcat sont, en réalité, basées sur une série de mensonges – à commencer par le postulat de départ de l’article lui-même.
La « lettre » de Bellingcat est en fait un brouillon non envoyé
Selon Bellingcat, la lettre a été « rédigée par plusieurs membres de l’OIAC en juin 2019, puis envoyée par le directeur général de l’organisation, Fernando Arias, en réponse au » Dr Whelan.
Bellingcat affirme à tort que le directeur général de l’OIAC a envoyé son brouillon de lettre à Whelan, et insinue que Wikileaks pourrait avoir dissimulé une lettre qu’il n’aurait potentiellement pas pu recevoir.
Cette affirmation est totalement fausse. Arias a bien envoyé une lettre à Whelan en juin 2019, mais ce n’est pas celle que Bellingcat a publiée. La lettre d’Arias ne contient aucun morceau du texte de Bellingcat, pas même une seule phrase. The Grayzone a obtenu la lettre réelle qu’Arias a envoyée à Whelan et l’a publiée dans son intégralité ici.
La vraie lettre envoyée par le directeur général de l’OIAC Fernando Arias à l’inspecteur de l’OIAC Brendan Whelan en juin 2019.
La vraie lettre qu’Arias a envoyée à Whelan se distingue facilement de la capture d’écran que Bellingcat a publiée – et prétendu à tort avoir été envoyée par Arias.
Texte du brouillon de lettre que Bellingcat prétend faussement avoir été envoyé par le directeur général de l’OIAC, Fernando Arias, à l’inspecteur de l’OIAC, Brendan Whelan, en juin 2019. Cette lettre n’a pas été envoyée.
Bellingcat n’a pas publié l’intégralité du brouillon de la lettre. Dans un courriel, et dans plusieurs messages Twitter après que le courriel soit resté sans réponse, The Grayzone a demandé à Bellingcat s’il avait ou non tenté de vérifier auprès de l’OIAC que le contenu de la lettre qu’il avait publiée avait bien été envoyé par Arias à Whelan. Bellingcat n’a pas répondu (il a cependant corrigé discrètement une erreur que The Grayzone a signalée dans une autre allégation qui caractérisait faussement les opinions exprimées par Whelan). Le bureau des affaires publiques de l’OIAC n’a pas non plus répondu aux demandes répétées de commentaires.
Ironiquement, après la publication initiale de son article, les membres de Bellingcat se sont mis à tweeter pour proclamer avec vantardise que les journalistes qui ont parlé des fuites de l’OIAC étaient soit « manipulés » par leurs sources, soit, pire encore, qu’ils avaient délibérément choisi de ne pas divulguer le prétendu brouillon de lettre de l’OIAC sur lequel Bellingcat a mis la main.
« La réponse du Directeur Général de l’OIAC n’a jamais été publiée : soit Whelan n’a jamais divulgué l’information, soit ceux qui ont publié ces fuites, comme @Wikileaks, ont choisi de ne pas le faire », a écrit Bellingcat. « Dans les deux cas, cette décision a délibérément exclu une partie essentielle de l’histoire qui démontre clairement que les affirmations de Whelan étaient fausses ».
« Cette lettre montre qu’il y a eu une tentative évidente de dissimuler la vérité sur ce qui s’est passé à Douma le 7 avril 2018. La seule question qui reste est de savoir si @wikileaks, @couragefound, @ClarkeMicah, @aaronjmate et compagnie ont été trompés, ou s’ils ont participé à la dissimulation de cette vérité », a ajouté Bellingcat.
« Aaron Maté de @TheGrayzoneNews confirme qu’il n’a PAS reçu l’échange de courriels crucial de sa source concernant les fuites de l’OIAC de Douma qui aurait complètement démenti les affirmations qu’il fait depuis deux ans, et dont il a parlé à l’ONU », a écrit le fondateur de Bellingcat, Eliot Higgins, dans un tweet qu’il a épinglé sur sa page de profil. Les journalistes de The Grayzone, selon Higgins, « ne publient pas les éléments clés de la correspondance qui vont à l’encontre du récit qu’ils essaient de faire passer, c’est tout ».
« Les personnes et les organisations mentionnées dans l’article, Peter Hitchens, Aaron Maté, Robert Fisk, Wikileaks, la Fondation Courage et d’autres, ont été prises en flagrant délit soit en train de pratiquer un « journalisme » de mauvaise qualité, soit en train de participer à la dissimulation d’une attaque chimique », a écrit Nick Waters de Bellingcat dans un tweet depuis supprimé (voici l’archive). « M. Maté s’est fait avoir par sa source parce qu’il n’a pas fait une vérification préalable correcte », a ajouté M. Waters.
En fin de compte, la tentative de raillerie des membres de Bellingcat s’est retournée contre eux de façon embarrassante. Le site internet a prétendu à tort que la lettre qu’il a publiée avait été envoyée à Whelan, puis a tenté de blâmer Whelan et les journalistes sur base de ce faux postulat. L’article de Bellingcat note que le texte qu’ils ont publié est basé sur la « version préliminaire d’une lettre ». Bellingcat a cru à tort que le « brouillon » qu’il avait obtenu avait été envoyé.
En d’autres termes, Bellingcat a été manipulé par sa source, et n’a pas fait la vérification préalable qui était requise, ou les deux.
Une nouvelle tentative de dissimuler la dissimulation
Le fait qu’Arias n’ait pas réellement envoyé à Whelan le brouillon que Bellingcat a publié ouvre une série de possibilités. Étant donné qu’il a été rédigé mais jamais envoyé, l’une d’entre elles est que le bureau d’Arias n’avait pas confiance dans les affirmations du bouillon concernant l’enquête à propos de Douma.
Cependant, bien que le Directeur Général ait décidé de ne pas envoyer le texte à Whelan, on peut au moins supposer qu’il a le soutien de « plusieurs membres de l’OIAC » qui, selon Bellingcat, l’ont rédigé, ainsi que des « scientifiques de l’OIAC » qui ont apporté leur « contribution ».
Quoi qu’il en soit, le brouillon ne soutient aucunement les conclusions grandioses que Bellingcat en tire.
Selon Bellingcat, le texte « prouve qu’une attaque chimique a eu lieu » à Douma, et aussi « montre que toute notion de dissimulation à l’OIAC est fausse et confirme que l’organisation a agi exactement comme elle en avait le mandat ». Même si toutes les nouvelles affirmations du brouillon étaient plus ou moins correctes, elles ne pourraient pas soutenir une interprétation aussi radicale.
En ce qui concerne la dissimulation, le brouillon de Bellingcat ne répond pas, et encore moins ne remet en cause, une seule des préoccupations que les inspecteurs ont soulevées concernant la manipulation de leur enquête.
D’après les inspecteurs, et comme le montrent les fuites venant de l’OIAC, le rapport initial de l’équipe de Douma a été falsifié et caché au public ; des preuves clés ont été supprimées ; des conclusions clés ont été réécrites pour suggérer que la Syrie était coupable d’une attaque ; une délégation américaine a essayé de les influencer ; et – après que la censure ait été contestée – tous les membres de la mission d’enquête (FFM) qui ont mené l’investigation en Syrie (sauf un auxiliaire médical) ont été mis sur la touche et remplacés par une soi-disant « équipe principale ».
L’extrait du brouillon de lettre de Bellingcat n’aborde aucune de ces révélations. Il est donc illogique pour Bellingcat de prétendre que le brouillon « montre que toute notion de dissimulation à l’OIAC est fausse et confirme que l’organisation a agi exactement comme elle en avait le mandat ». Non seulement le brouillon n’a jamais été envoyé, mais il n’aborde pas une seule allégation sur les nombreuses façons dont l’enquête a été compromise.
M. Whelan a fait part de ses inquiétudes concernant la compromission de son enquête et les lacunes du rapport final de l’OIAC dans deux lettres, envoyées en mars et avril 2019. C’est à ces lettres que la lettre d’Arias à M. Whelan a répondu. Les lettres de Whelan sont presque identiques, la lettre d’avril excluant certaines informations sans rapport avec les préoccupations scientifiques. The Grayzone publie pour la première fois la lettre de Whelan d’avril 2019. Elle peut être consultée ici.
La comparaison de la réponse de l’OIAC à Whelan – à la fois dans la lettre qu’Arias a effectivement envoyée à Whelan et dans le brouillon que Bellingcat a prétendu à tort qu’Arias avait envoyé à Whelan – montre qu’aucune des préoccupations de Whelan concernant la manipulation de son enquête n’a été prise en compte.
Publication désespérée d’informations personnelles
En fait, le brouillon de Bellingcat ne fait qu’ajouter du poids aux allégations de dissimulation officielle. De plus, les tactiques malveillantes déployées par un site fondé par un expert en jeux vidéo autoproclamé amateur d’insultes obscènes reflètent un sentiment de désespoir croissant.
Dans une violation explicite et délibérée de la vie privée et de la confidentialité de Whelan, Bellingcat l’a non seulement nommé mais identifié comme étant « Alex », le lanceur d’alerte qui a partagé en privé ses inquiétudes sur la dissimulation avec des experts convoqués par la Fondation Courage en octobre 2019.
Durant son mandat, M. Whelan était considéré comme le meilleur expert de l’OIAC en matière de chimie des armes chimiques. Il a joué un rôle tellement important dans l’enquête sur Douma qu’il en a dirigé la composante scientifique et rédigé son rapport initial. The Grayzone peut révéler que lors d’une présentation au Partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive à l’OIAC peu après son retour de Syrie, c’est Whelan – et non le chef d’équipe officiel de Douma – qui a informé les États membres sur la mission.
Bellingcat a non seulement violé la vie privée de Whelan en publiant son nom, mais il a également porté une accusation manifestement fausse selon laquelle il aurait pu dissimuler des « preuves ». Comme le montre cet article, Whelan n’a jamais reçu le brouillon que Bellingcat a publié.
Étant donné que la source de Bellingcat était clairement une personne ayant accès aux brouillons de documents de l’OIAC, il est juste de conclure qu’un fonctionnaire de l’organisation a utilisé Bellingcat comme outil de relations publiques pour diffamer Whelan et intimider d’autres inspecteurs de l’OIAC.
Condamner l’inspecteur dissident et invalider le rapport final
Bien que le brouillon publié par Bellingcat ne traite pas de la dissimulation de l’OIAC, il répond à quelques préoccupations scientifiques que M. Whelan a exprimées au sujet du rapport final de l’enquête sur Douma – bien que brièvement, en trois paragraphes seulement.
Sur cette base, Bellingcat a tiré la conclusion risible que ce bref extrait d’un brouillon de lettre non envoyé « prouve qu’une attaque chimique a bien eu lieu » et « établit qu’une arme chimique a été utilisée ».
Cette affirmation est scandaleuse pour un certain nombre de raisons. Tout d’abord, le brouillon de lettre non envoyé ne répondait qu’à une fraction des préoccupations scientifiques des inspecteurs dissidents. Deuxièmement, si la preuve d’une attaque chimique existait, elle ne serait pas apparue pour la première fois dans un brouillon de lettre non envoyée du Directeur Général à un inspecteur dissident, et des mois après la publication du rapport final. Elle aurait été ou aurait dû être consignée dans le rapport final lui-même – et en fait, elle ne l’a pas été.
En outre, les allégations scientifiques du brouillon de lettre contiennent un raisonnement illogique et incohérent.
D’après le brouillon, après que Whelan ait quitté définitivement l’OIAC en septembre 2018, un laboratoire désigné par l’OIAC a développé « des techniques qui ont permis à l’OIAC de conclure que du chlore gazeux avait été libéré dans le bâtiment dans lequel les civils syriens sont morts ».
Bien qu’aucun détail ne soit donné sur la nature de ces prétendues nouvelles techniques, la lettre affirme qu’elles sont basées sur la détection de ce qu’on appelle des « composés de pinène chloré dont il a été démontré qu’ils se forment dans certains types de bois qui ont été exposés au chlore gazeux ». En conséquence, « l’analyse par ce laboratoire d’échantillons de bois prélevés à Douma a indiqué que le bois avait effectivement été exposé au chlore gazeux ».
Ce qui rend cet argument si confus et absurde, c’est qu’aucun échantillon de bois n’a jamais été analysé après que M. Whelan a quitté l’OIAC – ou, d’ailleurs, après la publication du rapport intérimaire en juillet 2018 (Ceci peut être vérifié, pour quiconque souhaite le faire, en comparant l’annexe 3 du rapport intérimaire avec l’annexe 5 du rapport final, entrées 6,8, 9, 12,18 et 7,12, 14, 22, 30 respectivement).
Par conséquent, indépendamment du fait qu’une nouvelle technique ait été mise au point après le départ de M. Whelan, elle n’a jamais été utilisée pour analyser d’autres échantillons de bois et n’aurait rien pu ajouter de nouveau aux éléments de preuve depuis le rapport intermédiaire.
En réalité, une technique de détection des composés de pinène chloré (en particulier le chlorure de bornyle) dans le bois avait déjà été développée en mai 2018, lorsque l’OIAC a reçu le premier lot de résultats d’analyse, et avant que Whelan ne soit mis sur la touche. Le rapport initial supprimé, dont Whelan est l’auteur, et le rapport initial publié en juillet 2018 le démontrent. Les rapports montrent également que du chlorure de bornyle a été détecté dans un échantillon de bois provenant du sous-sol de l’emplacement 2 (un appartement où l’une des bouteilles de gaz a été trouvée, et où des dizaines de cadavres ont été filmés) par l’un des laboratoires désignés (source : rapport original supprimé, annexe 5, entrée 8 ; rapport intermédiaire, annexe 3, entrée 8).
Dans aucun de ces rapports, la présence de pinène chloré (chlorure de bornyle) n’est considérée comme un indicateur certain de l’exposition du bois au chlore gazeux. Selon le rapport original, il indique simplement que le bois a été exposé au chlorure d’hydrogène, qui peut provenir du chlore gazeux mais aussi d’autres sources inoffensives.
Le rapport final n’a pas pris en considération les autres sources possibles de chlorure d’hydrogène en dehors du chlore gazeux. L’absence de prise en compte d’hypothèses alternatives est l’une des nombreuses préoccupations que la lettre de M. Whelan a soulevées auprès d’Arias au sujet de méthodes scientifiquement erronées, voire frauduleuses, qui apparaissent clairement dans le rapport final. C’est également la raison même pour laquelle le rapport original affirme cela : « La nature exacte du composé chloré actif n’a pas été déterminée », et c’est la raison pour laquelle le rapport intérimaire publié conclut que les travaux visant à établir la signification de la découverte de divers produits chimiques chlorés aux emplacements 2 et 4 « sont en cours ».
En fait, le rapport final a également reconnu l’incertitude quant à l’exposition des échantillons de bois : « Sur la base de ces seules conclusions, on ne peut pas affirmer sans équivoque que le bois a été exposé au chlore gazeux, plutôt qu’au chlorure d’hydrogène ou à l’acide chlorhydrique ». (paragraphe 8.10) Ceci est en contradiction avec l’affirmation faite dans le brouillon de l’OIAC publié par Bellingcat selon laquelle « les échantillons de bois prélevés à Douma indiquaient que le bois avait effectivement été exposé au chlore gazeux ».
The Grayzone peut également révéler que Whelan, bien qu’il ait été mis à l’écart de l’enquête, a entrepris des travaux supplémentaires sur la source des produits chimiques chlorés après la publication du rapport intérimaire.
M. Whelan a fait part de ses conclusions lors d’une présentation ouverte au personnel du département d’Inspection et de Vérification de l’OIAC, y compris au directeur de l’inspection, en juillet 2018. Dans sa présentation, M. Whelan a démontré que les composés chlorés trouvés dans les échantillons de Douma sont couramment présents dans l’environnement dans des milieux tels que l’eau chlorée et les produits de préservation du bois. L’un des principaux produits chimiques, le trichlorophénol, qui était considéré comme un produit chimique pouvant servir de « preuve irréfutable » et qui avait été détecté dans certains échantillons de bois, s’est maintenant révélé être un produit chimique courant que l’on trouve dans des produits tels que ceux servant à protéger le bois (le trichlorophénol entre autre est un fongicide bien connu – note de la traductrice).
L’équipe « principale » de la FFM a ignoré cette information et a continué à affirmer qu’il s’agissait d’un produit chimique utilisable comme « signature » dans son rapport final. « La présence de substances réactives chlorées est basée principalement sur la détection du chlorure de bornyle et/ou du trichlorophénol », indique le rapport final. (paragraphe 8.9) Whelan a protesté contre ce point dans sa lettre au Directeur Général en avril 2019.
Fait remarquable, le brouillon publié par Bellingcat reconnaît que l’objection de Whelan était correcte. Le brouillon indiquait « Votre lettre mentionne en outre que le 2,4,6-trichlorophénol est utilisé à tort comme indicateur d’exposition au chlore, et vous soulignez à juste titre que ce produit chimique peut être présent pour diverses raisons qui ne nécessitent pas une exposition au chlore gazeux ». En supposant que le directeur général de l’OIAC soutienne cette affirmation non communiquée, l’OIAC a maintenant concédé l’une des objections de M. Whelan au rapport final.
Le brouillon de l’OIAC de Bellingcat contient une autre déclaration révélatrice. Dans sa lettre d’avril 2019, M. Whelan a souligné « qu’aucun échantillon venant de l’environnement n’a été analysé pour mettre en contexte la détection des composés contenant du chlore ». Le projet de texte tente de réfuter Whelan en déclarant que « le fait que des échantillons venant de l’environnement aient été analysés ou non n’a aucune incidence sur cette preuve flagrante ».
Cette affirmation étonnante est basée sur le faux postulat selon lequel on peut présumer qu’il n’y avait pas de produits chimiques organiques chlorés dans l’environnement à Douma. Et ce, malgré le fait que le rapport final lui-même reconnaisse explicitement que de nombreux produits chimiques organiques chlorés étaient présents dans le milieu naturel, « il était important de prélever des échantillons de contrôle ». (Annexe 4, paragraphe 7) S’il était si important de prélever des échantillons de contrôle, pourquoi ne pas se donner la peine de les analyser ?
Une confession russo-syrienne imaginaire
Après avoir mal interprété le brouillon et en avoir tiré une interprétation catégorique sans la soumettre à un examen scientifique (ou rationnel), Bellingcat a poursuivi en suggérant une conclusion tout aussi absurde. Selon Bellingcat, la fuite de l’OIAC « révèle également qu’au niveau diplomatique, à huis clos, les gouvernements russe et syrien ont tous deux approuvé les conclusions du rapport de l’OIAC ».
Il convient d’examiner les implications de cette déclaration. Est-ce que Bellingcat – qui a vigoureusement contesté les dénégations de la Russie et de la Syrie quant à la culpabilité du gouvernement syrien à Douma – affirme maintenant que ces mêmes gouvernements se sont secrètement déclarés coupables d’une attaque chimique meurtrière ? Pourquoi alors, pourrait-on se demander, personne n’a-t-il révélé ce choquant aveu de culpabilité depuis plus de deux ans que la prétendue attaque de Douma a été combattue en public ?
Pour appuyer cette affirmation farfelue, Bellingcat a partagé les deux derniers des cinq paragraphes du brouillon qu’il a obtenu. Le brouillon – écrit au nom d’Arias, mais jamais réellement envoyé par lui à Whelan – indiquait :
« Je voudrais en outre souligner que la conclusion du rapport final sur Douma n’est pas remise en question. Aucun État partie n’a remis en question la conclusion selon laquelle il existe des motifs raisonnables de croire qu’un produit chimique toxique a été utilisé comme arme à Douma.
Cela inclut la République arabe syrienne et la fédération de Russie qui, au cours des dernières semaines, nous ont chacune envoyé des commentaires et des questions sur le rapport final de Douma dans des notes verbales dans lesquelles elles ont elles-mêmes indiqué leur accord avec la conclusion du rapport final. Ces notes verbales, ainsi que nos réponses à celles-ci, ont été mises à la disposition des États parties. »
En se convainquant que ce texte vague et non envoyé prouve en quelque sorte un aveu de culpabilité de la part de la Russie et de la Syrie, Bellingcat n’a pas non plus compris que les vues des deux gouvernements ne se sont pas limitées à « un niveau diplomatique à huis clos », mais ont été rendues publiques dans les notes verbales (une communication diplomatique officielle) auxquelles le brouillon fait référence, et auxquelles tout le monde peut avoir accès.
Les notes verbales de la Russie et de la Syrie, disponibles sur le site de l’OIAC, ne remettent pas en cause l’affirmation selon laquelle il y aurait une potentielle présence de chlore moléculaire dans les cylindres trouvés à Douma. Mais les documents soulèvent également un certain nombre d’autres objections, notamment sur un point que Bellingcat pense que la Russie a admis. Selon la note verbale, la Russie a déclaré à l’OIAC que « les éléments factuels contenus dans le rapport ne nous permettent pas de tirer une conclusion quant à l’utilisation d’un produit chimique toxique comme arme ».
De plus, supposons dans le monde imaginaire de Bellingcat que la Russie et la Syrie se soient soudainement déclarées coupables d’une attaque chimique à Douma : quel rapport avec les affirmations des inspecteurs selon lesquelles leurs allégations ont été dissimulées ? Les inspecteurs ont rédigé leur rapport initial, et ont protesté contre sa censure, bien avant les notes verbales et le brouillon non envoyé que Bellingcat a ridiculement tourné en un aveu de culpabilité des gouvernements russe et syrien.
Croyant qu’ils ont attrapé la Russie et la Syrie en train d’admettre un crime, Bellingcat a ensuite suggéré que leurs aveux imaginaires soulevaient des doutes sur une récente session du Conseil de Sécurité de l’ONU où j’ai moi-même témoigné. Les deux paragraphes du brouillon cités ci-dessus, selon Bellingcat, « présentent en outre l’événement de l’ONU, au cours duquel [Aaron] Maté a parlé, comme une mascarade de relations publiques conçue par les Russes comme un exercice de désinformation ».
Avec une telle série d’erreurs stupéfiantes en un seul article – commençant par un faux postulat et culminant avec une affirmation délirante selon laquelle la Syrie et la Russie ont émis des aveux secrets de culpabilité – c’est le réseau Bellingcat, financé par l’OTAN, qui a commis l’un de ses plus grands exercices de désinformation à ce jour.
Bellingcat a été passablement discrédité
Le fait que Bellingcat ait publié des mensonges et des affirmations non étayées et farfelues n’est pas inhabituel. Bien qu’il se présente comme un site d’investigation basé sur des « sources publiques », Bellingcat est en fait un groupe soutenu par les gouvernements occidentaux qui publie fréquemment des articles douteux sur des adversaires désignés de l’OTAN, dont la Russie et la Syrie.
Parmi les bailleurs de fonds de Bellingcat figure la National Endowment for Democracy (NED – ou Fondation nationale pour la démocratie, en français), une organisation gouvernementale américaine fondée par Bill Casey, le chef de la CIA de Ronald Reagan. (« Une grande partie de ce que nous faisons aujourd’hui était fait secrètement il y a vingt-cinq ans par la CIA », a déclaré le premier directeur de la NED, Allen Weinstein, au Washington Post en 1991). On ne sait pas très bien combien d’argent Bellingcat a reçu de la NED, car les deux organisations refusent de le divulguer. Bellingcat reçoit une somme encore plus importante d’autres gouvernements occidentaux et des fonds supplémentaires, notamment de la loterie de la poste néerlandaise. Bellingcat se décrit comme un partenaire au sein du Partenariat pour une Information Ouverte (Open Information Partnership – OIP), un programme du Bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth (Foreign and Commonwealth Office – FCO) du gouvernement britannique. On ne sait pas très bien ce que ce partenariat implique, ni s’il s’agit d’un financement.
Même les propres partenaires de Bellingcat ont émis en privé des doutes sur sa crédibilité. Un document de l’Initiative pour l’Intégrité (Integrity Initiative), une opération de renseignement également sous l’égide du FCO, qui a fait l’objet d’une fuite, a conclu que « Bellingcat a été passablement discrédité, à la fois en diffusant lui-même de la désinformation et en étant prêt à produire des rapports pour quiconque est prêt à payer ».
Le fondateur de Bellingcat, Eliot Higgins, a également été attrapé dans un mensonge potentiel concernant un autre partenariat avec l’OIAC elle-même. Dès septembre 2019 au moins, Bellingcat a affirmé sur son site internet que l’OIAC était l’un de ses « partenaires ». Cependant, en février 2020, Higgins a soudainement annoncé sur Twitter que l’affirmation de Bellingcat concernant un partenariat avec l’OIAC était fausse, et le résultat d’une erreur de « copier-coller ». Bellingcat, selon Higgins, avait par erreur « copié et collé la liste de noms d’un autre document et ne voulait pas le laisser dedans… Nous n’avons pas collaboré avec l’OIAC, excusez la confusion, c’est totalement ma faute ».
Pourtant, lorsque Bellingcat a publié la liste « corrigée », il ne manquait plus qu’une seule organisation : l’OIAC.
Higgins n’a jamais expliqué ce qu’était ce supposé « autre document », ni comment il était possible que chacun des groupes que Bellingcat disait être un « partenaire » en septembre 2019 le soit encore en février 2020 – à l’exception d’une organisation, l’OIAC. La « correction » de Higgins est survenue un jour après que Bellingcat ait publié une attaque contre les lanceurs d’alerte de l’OIAC dans laquelle l’identité de Whelan a été révélée.
Maintenant, Bellingcat a une fois de plus attaqué Whelan, avec une épître criblée d’erreurs qui ne se distingue que par l’ampleur de ses mensonges et de son embarras.
Note de la traductrice : cet article confirme un autre que nous avions publié il y a quelques mois en arrière sur les méthodes douteuses de Bellingcat concernant le MH17 et d’autres « enquêtes » de l’organisation. Il y a désormais trop de preuves concernant les falsifications répétées de la part de Bellingcat pour accorder encore le moindre crédit à ces pseudo-experts de canapé, que la presse grand public a abondamment utilisés comme source concernant le MH17 et la Syrie.
source : The Grayzone
traduction par Christelle Néant pour Donbass Insider
via http://www.donbass-insider.com/fr
Source: Lire l'article complet sur Réseau International
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