L’auteure est présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ)
Nous assistons ces derniers jours à un débat médiatique entourant le nouveau programme-cycle de l’éducation préscolaire qui vient d’être approuvé par le ministre. L’ajout de la mise en œuvre d’interventions préventives est l’épicentre du débat et semble opposer deux approches de l’éducation préscolaire : d’un côté, les tenants de l’approche développementale, de l’autre, ceux de l’approche préventive.
Nous croyons que ce n’est pas un débat à trancher. L’ajout d’un volet préventif pour favoriser la réussite scolaire n’est pas en opposition avec le développement global, loin de là. La prévention doit pouvoir se réaliser comme un complément équilibré, dans le respect de l’expertise enseignante et des besoins des enfants d’être actifs dans le jeu. Vous nous l’avez d’ailleurs confirmé dans nos consultations. De plus, le choix des approches pédagogiques doit revenir à chaque enseignante et enseignant dans l’exercice de son jugement professionnel.
Le programme prescrit le quoi enseigner, mais le comment appartient au personnel enseignant. Nous sommes des professionnels de l’enseignement, et le choix de nos approches pédagogiques s’appuie sur différentes considérations comme les besoins des enfants, notre personnalité, la composition de notre classe, les connaissances issues de la recherche dans les différents domaines concernés, etc. Il n’existe pas de voie unique, et l’état des connaissances scientifiques dans les différents domaines de développement évolue.
On ne peut faire fi de la réalité de plus en plus d’élèves qui arrivent en maternelle avec des difficultés complexes et pour lesquels il est difficile d’obtenir des services d’appui. Les enseignantes et enseignants se butent souvent aux mêmes réponses bêtes lorsqu’ils en demandent : les enfants sont trop jeunes et le problème va se résorber avec la maturité; il n’est pas urgent de leur offrir des services, puisque la maternelle n’est pas obligatoire; les ressources ne sont pas disponibles, alors il faut prioriser. À cet égard, le nouveau programme a le mérite de reconnaître les besoins des enfants qui présentent certaines difficultés et l’importance du recours au personnel des services professionnels nécessaires.
C’est pourquoi, bien que ce programme-cycle ne soit pas parfait, il est soutenu par la FSE-CSQ. Vous pourrez constater à son examen que le jeu est au cœur de l’apprentissage et que toutes les dimensions du développement global sont mises en valeur de manière égale. Les composantes du développement physique et moteur sont aussi importantes et étayées que celles du développement langagier. Idem pour le développement affectif, social et cognitif. Leur interrelation est également reconnue et soutenue.
Plusieurs enseignantes et enseignants de l’éducation préscolaire sont légitimement déçus d’avoir appris l’approbation du nouveau programme-cycle dans les médias avant d’avoir pu le consulter et de s’en être fait une tête. Nous avons cependant été consultés quant au contenu du nouveau programme‑cycle, dont le Ministère a exigé la confidentialité. Dans l’exercice du syndicalisme à caractère professionnel qui nous définit, nous sommes là pour faire valoir l’expertise des enseignantes et enseignants dans l’élaboration et l’implantation de tous les programmes. C’est au sein d’un comité mis sur pied par le ministre Roberge en décembre 2018, composé des représentants du personnel enseignant, de ceux de l’Association d’éducation préscolaire du Québec et du milieu universitaire, que nous avons pu faire nos représentations qui portaient la voix des enseignantes et enseignants que nous avons rencontrés en groupes de discussion pour valider nos positions.
L’ensemble de nos propositions n’ont pas été retenues, mais elles ont toutes été entendues et généralement débattues au sein du comité. À titre d’exemple, nous avons fait valoir que le contenu du programme devait partir de l’enfant plutôt que du comment enseigner. Pour accompagner et non imposer les pratiques pédagogiques, nous avons soutenu la conception d’un « guide pédagogique » complémentaire au programme. Nous avons aussi proposé d’établir le lien entre chaque domaine de développement. Ces idées ont toutes fait du chemin.
Par ailleurs, des universitaires possédant une expertise dans chacun des domaines de développement ont été appelés à valider les composantes du programme et à élaborer la description des caractéristiques et des besoins des enfants de 4 et 5 ans ainsi que les éléments d’observation de leur développement. Ces éléments enrichissent le programme et sont appréciables notamment pour soutenir celles et ceux qui débutent dans la profession ou à l’éducation préscolaire.
À l’heure actuelle, plutôt que d’entrer dans un débat sur le double mandat du nouveau programme et de sa démarche d’élaboration, la FSE-CSQ a choisi d’aller de l’avant en défendant l’expertise et le jugement professionnel des enseignantes et enseignants dans le choix éclairé de leur posture pédagogique. Elle continue aussi de mener les batailles pour les enjeux de l’éducation préscolaire, qui sont encore bien nombreux.
Ainsi, la FSE-CSQ fait actuellement pression sur le gouvernement pour qu’il vous donne rapidement accès au nouveau programme afin que vous puissiez vous faire votre propre idée sur son contenu et l’expérimenter, puis que des améliorations soient apportées au besoin.
La FSE-CSQ réclame des conditions pour soutenir l’appropriation du nouveau programme-cycle et son implantation. De plus, elle revendique un accès à une offre de formation continue de qualité et qui répond à la diversité des besoins, y compris ceux des enseignantes et enseignants à statut précaire. Pour y arriver, les budgets supplémentaires doivent être dégagés.
Elle choisit aussi de réitérer la nécessité de revoir le bulletin unique afin qu’il soit plus cohérent avec la spécificité de l’éducation préscolaire, tout comme elle réitère l’impact du ratio dans votre capacité d’offrir un service éducatif de qualité. Votre organisation syndicale se bat pour que soient respectées vos demandes et pour que soient donnés aux enfants vulnérables de l’éducation préscolaire les services professionnels et de soutien auxquels ils ont droit.
La FSE-CSQ travaille également à améliorer la formation initiale afin qu’elle prenne davantage en compte la spécificité de l’éducation préscolaire ainsi que l’impact de tous les domaines de développement dans les apprentissages ultérieurs. Par ailleurs, nous ne manquons aucune occasion de dénoncer des choix d’horaires, des modèles organisationnels ou des décisions administratives qui ne respectent pas les besoins des enfants et la réalité de l’éducation préscolaire.
Il est tout à fait louable qu’il y ait un débat serein sur les enjeux du préscolaire. Cependant, dans ce débat, au lieu de prendre parti, la FSE-CSQ choisit de défendre l’autonomie professionnelle des profs afin que personne n’oriente ou n’uniformise leurs approches pédagogiques. Les enseignantes et enseignants sont des professionnels de l’enseignement et leur jugement doit être respecté. La FSE‑CSQ compte bien continuer de le revendiquer.
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