Par Andrew Korybko − Le 13 octobre 2020 − Source oneworld.press
Le peuple syrien, qui a déjà subi les frais d’une guerre hybride lancée contre lui depuis près d’une décennie, est à présent contraint d’affronter le désastre environnemental découlant des 156 feux de forêt qui ont récemment ravagé la République arabe. Pourtant, la plupart des activistes occidentaux, et parmi eux Greta Thunberg, s’en moquent éperdument, alors qu’ils déclenchent des actions lorsque des événements similaires se produisent en Amazonie, en Europe du Sud ou sur la côte Ouest des États-Unis.
Dimanche dernier, les Syriens ont eu le soulagement d’apprendre par la voix de leur ministre de l’agriculture et de la réforme agraire que les 156 feux de forêt qui ont récemment ravagé leur pays ont pu finalement être éteints. Mis à part quelques journaux du Moyen-Orient, le reste du monde a tout à fait ignoré cette catastrophe environnementale et les conséquences qu’elle aura pour le peuple syrien, qui a déjà subi les frais d’une guerre hybride lancée contre lui depuis près d’une décennie. Ces feux de forêt ont dévasté une partie de la région agricole la plus importante de Syrie, et pourraient avoir des conséquences en matière d’insécurité, de chômage, et de niveau de vie.
Si l’on se souvient de la fierté qu’ont les activistes à faire part de leurs préoccupations lorsque des événements similaires se produisent en Amazonie, en Europe du Sud ou sur la côte Ouest des États-Unis, on peut penser naïvement qu’on aurait pu s’attendre à voir les activistes occidentaux prendre au moins la peine de commenter cette tragédie ; mais la plupart d’entre eux n’ont rien trouvé à dire. Cela soulève la question de savoir s’ils ont cure de ce qui s’est produit, et plusieurs théories peuvent apporter des éléments de réponse à cette question. La première théorie est qu’ils restent centrés sur l’occident, consciemment ou non, bien que nombre d’entre eux professent une rhétorique anti-impérialiste de gauche. À leurs yeux, le « grand sud » ne compte pas autant que le « centre de l’empire » où se déroulent leurs vies.
Seconde théorie, le chevauchement est visible entre les activistes environnementaux d’occident et ceux qui compatissent avec les causes libérales à l’étranger. La Syrie constitue la cible d’une guerre de l’information menée par la mouvance libérale, qui affirme qu’elle « mérite » le changement de régime fomenté contre elle depuis longtemps, parce que son dirigeant est un « dictateur », nonobstant le fait que le président Assad est bel et bien le dirigeant légitime élu démocratiquement dans son pays. Compatir avec les Syriens qui vivent actuellement sous l’administration de Damas serait considéré à tort par ces activistes comme un soutien au même État que nombre de ces activistes condamnent, et non comme un acte de solidarité humanitaire.
La troisième théorie combine les deux premières, et prend pour hypothèse que certains activistes occidentaux pourraient en leur for intérieur trouver tout à fait bienvenus ces feux de forêt, en estimant que le durcissement des conditions de vie qu’auront à subir les victimes pourraient les rendre plus susceptibles de prendre une position anti-gouvernementale. Cet état d’esprit machiavélique est fondé sur la croyance que les victimes pourraient être plus faciles à manipuler comme des « idiots utiles » pour soutenir la cause du changement de régime que des acteurs extérieurs soutiennent au même titre que ces activistes occidentaux. Cela n’a guère à voir avec la réalité, mais c’est néanmoins ce qui peut animer les pensées d’au moins quelques-uns des plus radicaux de ces activistes.
Il est également possible que toutes ces hypothèses soient fausses, mais il faut reconnaître, si l’on veut s’en tenir à l’objectivité, que ce type de conjecture continuera d’être levé à chaque fois que la communauté d’activistes fera preuve d’incohérence comme c’est le cas actuellement. Il faut s’attendre à ce que quiconque prendra la peine de suivre de près certains sujets, comme ceux de la dévastation de l’environnement, aura conscience d’événements majeurs qui se produisent, comme les feux de forêts en Syrie, et ce d’autant plus que les médias du Moyen-Orient ont couvert ces événements : le silence de ces activistes est donc tout à fait assourdissant, et provoque immanquablement des interrogations quant à savoir s’il est motivé par des objectifs qui ne sont pas exprimés. La très célèbre Greta Thunberg elle-même reste étrangement silencieuse quant à cette tragédie.
Qu’elle n’ait aucun commentaire à faire en public sur les feux de forêt qui ont dévasté la Syrie est d’autant plus hypocrite de sa part que le mois dernier encore, elle a affirmé à la face du monde que la tragédie identique qui se déroulait sur la côte Ouest des États-Unis « doit constituer le sujet principal traité par les médias. Tout le temps. » On ne sait pas pourquoi elle fait fi d’événements exactement similaires lorsqu’ils se produisent en Syrie. Nous encourageons tous les lecteurs qui s’intéressent authentiquement à l’environnement à partager le présent article en commentaire de ses posts sur les médias sociaux, pour attirer l’attention de ses adeptes, et en espérant qu’elle finira par trouver quelque chose à dire à ce sujet.
Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.
Traduit par José Martí, relu par Wayan pour le Saker Francophone
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