Au Québec, le secteur des déchets et des matières résiduelles est officiellement responsable de 5,8 % des émissions de gaz à effet de serre (GES). Ils sont issus de « la décomposition des déchets solides après leur enfouissement, le traitement biologique des déchets, le traitement des eaux usées et l’incinération des déchets », tel que décrit dans l’Inventaire québécois des émissions de GES.
Ces pourcentages ne tiennent donc pas compte des émissions générées en aval, dans le cas des matières qui sont envoyées au recyclage ou exportées. C’est le cas des gaz réfrigérants contenus dans les réfrigérateurs, les congélateurs et les climatiseurs dont on se départit. Ces halocarbures sont de puissants GES. Leur effet varie de quelques centaines à près de quinze mille fois celui du CO2. Ils sont officiellement comptabilisés dans le secteur de l’industrie, bien que leur pire effet sur le climat soit en fin de vie. Nombreux sont les vieux appareils abandonnés dans les sous-sols, les garages et les granges.
Les pourcentages d’émissions attribuées au secteur des déchets ne tiennent pas compte non plus des émissions générées en amont, c’est-à-dire lors de l’extraction, la production, la transformation, le transport et la consommation de toutes ces matières dont on cherche ultimement à se débarrasser. Afin de véritablement réduire nos émissions de GES, il serait nécessaire d’adopter une vision plus systémique portant sur le cycle de vie complet des produits et services que l’on consomme, et ainsi limiter au maximum la production de déchets et de GES à chaque étape. Voilà pourquoi le mot-clé ici est « réduire », le premier R au sommet de la bien connue hiérarchie des 3RV : Réduire, Réutiliser, Recycler et Valoriser.
La vaste majorité des émissions de GES officiellement comptabilisée pour ce secteur, soit 94 %, est composée de méthane (CH4). Celui-ci est principalement généré par la décomposition des résidus organiques dans les lieux d’enfouissement, mais aussi lors du traitement d’autres déchets, dont des eaux usées. Le méthane est un GES encore plus nuisible au climat qu’on ne le pensait jusqu’à récemment, soit 84 fois plus que le C02 sur un horizon de vingt ans. Dès lors, il devient prioritaire de prendre les mesures nécessaires pour réduire drastiquement et rapidement la quantité de méthane relâchée dans l’atmosphère. Le secteur des déchets et des matières résiduelles joue donc un rôle plus important qu’il n’y paraît à première vue, à la lecture des inventaires officiels.
Passer à l’action
Si l’on s’en tient aux émissions de GES attribuées directement au secteur des déchets et matières résiduelles dans les inventaires officiels, la priorité devrait être accordée au méthane généré par la décomposition des résidus organiques dans les lieux d’enfouissement et lors du traitement d’autres déchets, dont les eaux usées. Réduire l’enfouissement des matières putrescibles, capter les biogaz émanant des sites d’enfouissement et de traitement des eaux, valoriser les matières résiduelles par le compostage et la biométhanisation des matières putrescibles devraient être priorisées, de même que le développement d’alternatives à l’incinération.
Mais pour s’attaquer à ces enjeux de manière plus systémique, il est nécessaire de réfléchir à la mise en place de solutions en amont. Une réflexion de fond sur notre mode de vie et notre rapport à la consommation est nécessaire afin de sortir du modèle économique qui encourage la surconsommation et le gaspillage. Plusieurs mouvements allant du « zéro déchet » à la décroissance, en passant par la simplicité volontaire ou l’austérité joyeuse, nous invitent à le faire.
Réduire la consommation et le gaspillage
Ce ne sont pas les solutions qui manquent pour réduire la consommation et le gaspillage. Valoriser des activités qui renforcent les liens sociaux, le bien-être et la culture plutôt que la consommation de biens matériels en est un exemple.
On peut aussi mettre en place des mesures qui encouragent le partage et la location de biens plutôt que la possession individuelle, de même que valoriser la réparation, le réemploi et la consigne. Limiter la capacité d’endettement de la population et le crédit à la consommation de même qu’interdire la publicité de certains produits sont d’autres exemples de mesures concrètes qui pourraient être appliquées pour freiner la surconsommation.
Quant au gaspillage, particulièrement alimentaire, du champ à l’assiette, là aussi les solutions sont nombreuses. On pourrait s’inspirer de la France qui s’est dotée d’une loi contre le gaspillage alimentaire. Celle-ci prévoit que des actions doivent être mises en œuvre dans l’ordre de priorités suivant : la prévention du gaspillage alimentaire, l’utilisation des invendus propres à la consommation humaine (par le don ou la transformation), la valorisation destinée à l’alimentation animale et ultimement l’utilisation à des fins de compost pour l’agriculture ou la valorisation énergétique, notamment par la biométhanisation. La mesure phare de cette loi est d’obliger chaque supermarché de plus de 400 m² à établir un partenariat avec une association d’aide alimentaire afin de lui céder ses invendus plutôt que de les jeter ou de les détruire. En cas de refus, les supermarchés sont passibles d’amendes.
Interdire l’obsolescence programmée, imposer l’écoconception, mettre en place une économie circulaire, appliquer le principe de pollueur-payeur, interdire l’utilisation des gaz réfrigérants les plus polluants tout en assurant la récupération de ceux qui sont en circulation et ultimement mettre en œuvre l’approche « zéro déchet » sont tout autant d’autres mesures qui contribueraient de manière significative à la protection du climat.
On a déjà les solutions ! Qu’est-ce qu’on attend pour passer à l’action et les appliquer ?
Anne-Céline Guyon est membre Des Universitaires (desuniversitaires.org)
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