Dix-sept ans se sont écoulés depuis le refus historique à la guerre d’Irak de 2003, qui avait été formulé par la France, l’Allemagne et la Russie. Comme un écho du mot d’ordre aujourd’hui oublié de la secrétaire d’État américaine de l’époque, Condoleezza Rice (« Ignorer l’Allemagne, pardonner à la Russie, punir la France » [1]), ces dix-sept années ont vu s’opérer un retournement total des positions diplomatiques françaises.
Le retournement diplomatique de la France depuis 2003
Depuis 2007 et la présidence Sarkozy (2007-2012), promu par les États-Unis à l’époque de la fin de l’ère Bush Jr. puis Obama qui fut l’apogée de la subversion aux États-Unis, la France fut subtilement poussée par les Anglo-Américains à agir de façon totalement contraire aux intérêts stratégiques français. Ce fut le cas spécialement durant la guerre de Libye, où non content d’avoir fait assassiner feu le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, Sarkozy tenta également de faire exécuter son fils Saïf al-Islam Kadhafi, craignant sans doute quelques révélations ultérieures relatives au financement de ses campagnes présidentielles… Sarkozy discrédita également durablement la France en Syrie et au Levant, où la France du président Sarkozy prit l’exact contre-pied d’une vieille histoire remontant aux royaumes francs en Terre Sainte. En Syrie comme en Libye, la France devint en effet l’un des acteurs bellicistes les plus bruyants dans ces deux guerres qui servaient en fait les pires intérêts mondialistes. [2]
Le président Hollande à son tour (2012-2017) endossa ce narratif belliciste avec zèle, armant généreusement les djihadistes, tandis que son très équivoque ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius osait déclarer officiellement un an plus tôt (août 2012), au mépris de toute espèce d’usage diplomatique, que « Bachar al-Assad ne méritait pas d’être sur Terre ». Ce zèle de Hollande culmina dans le plus grand ridicule à l’été 2013, lorsqu’il fit assaut des pires mots contre la Syrie… Sans savoir que la France serait abandonnée en rase campagne par ses « alliés » Anglo-Américains, mieux informés qu’elle, lorsque l’héroïque Russie fit vertement comprendre à la mal nommée « communauté internationale », que toute attaque contre la Syrie serait assimilée à une attaque directe contre la Russie. C’est grâce à ce courage de la Russie, soutenue par la Chine et l’Iran, que put être modifié l’équilibre des forces au Moyen-Orient, tandis que l’élection de Donald Trump aux États-Unis (novembre 2016) amenait au pouvoir aux États-Unis un parti de serviteurs de l’État américain qui avait refusé l’hypocrisie orwellienne de cette guerre de Syrie : laquelle instrumentalisait les djihadistes d’Al-Qaïda que l’Armée américaine était supposée combattre partout ailleurs, avec notamment le point d’orgue étrange de l’affaire de Benghazi et l’assassinat de l’ambassadeur américain Christopher Stevens (septembre 2012)… [3]
À l’été 2013, donc, la France qui avait été poussée à la pire des rhétoriques contre la Syrie, et encouragée par un parti interne de traîtres anti-français, fut soudain abandonnée diplomatiquement, et se retrouva seule à regretter que les États-Unis aient pu faire machine arrière en ne frappant pas directement la Syrie. Depuis lors, comme en Libye, la diplomatie française n’a plus aucune espèce d’influence dans la question syrienne… Et elle sera tenue à l’écart de toute solution future qui sera nécessairement le produit d’une entente entre les grandes puissances.
Pourtant, l’élection largement manipulée du président Macron en 2017 (élu avec au mieux 18 % des voix du peuple français, le reste ne relevant que de l’« ingénierie démocratique ») a amené au pouvoir l’Agent d’une nouvelle étape dans ce qui doit constituer le retournement total de la diplomatie française : depuis 2017, en effet, il n’y a plus aucun doute que la France est devenue l’agent du pire des mondialismes.
Ceci fut visible dès septembre 2017, avec le discours du président Macron à l’Assemblée générale des Nations Unies : Macron y prit alors ostensiblement le contre-pied des nouvelles positions américaines du Président Trump, qui parlait soudain de souveraineté et de prévention des conflits. Mais le « retournement » de la France fut subtil, car Macron y parla alors soudain de « multipolarité », mais il utilisait en fait ce mot dans le sens du « mondialisme » anciennement vanté par les États-Unis. Tentant d’aiguillonner ainsi les États-Unis, il fustigeait indirectement ce qui constituait une reculade américaine, dans la promotion auparavant sans nuances de l’action des organisations internationales les plus mondialistes (notamment l’OMC, responsable des délocalisations partout en Occident à l’instigation de Wall Street et de la City).
Le président Macron continua par la suite ce lamentable activisme contre les États-Unis, prétendant perturber et influencer le retour historique à un certain bon sens grâce au président Trump et à l’Armée américaine, en poussant le vice jusqu’à faire chanter une activiste noire américaine notoirement anti-Trump au pied de la tribune présidentielle, devant le président américain (11 novembre 2018). [4] En d’autres temps, ce genre de camouflet diplomatique aurait pu avoir de bien plus grandes conséquences…
Macron, le fossoyeur de la diplomatie française
Depuis, c’est dans le contexte de plusieurs autres grandes crises géostratégiques que le président Macron a pu donner libre cours à ses talents, en continuant son œuvre de destruction totale de la crédibilité diplomatique française.
En ce sens, il pourrait rappeler aux initiés un surnom qui avait été donné durant la Seconde Guerre mondiale à Hitler lui-même, par le renseignement militaire français, du fait des soutiens anormaux dont ce dernier avait pu bénéficier : le « Grand provocateur ». [5] Bien que la comparaison avec Caligula ou Néron serait plus adéquate, cette volonté de grande provocation et les perturbations majeures dont la diplomatie française ainsi détournée, se rend coupable aujourd’hui sous nos yeux, vont laisser des tâches durables sur le blason de la France. Car c’est en effet sur plusieurs dossiers successifs, que le président Macron est en train de ruiner la crédibilité française.
En Libye, la France agit exactement à contre-pied d’une entente des grandes puissances, désireuses de pacifier enfin cette zone redevenue dangereusement instable depuis 2011. Non que son opposition à la Turquie soit illégitime, dans la mesure où la Turquie agit là-bas au soutien des djihadistes afin de se tailler une nouvelle Libye ottomane, sans tirer leçon de l’histoire… [6] Mais le problème est que la France a très peu de leçons à donner en Libye, dans la mesure où elle a été détournée en 2011 pour détruire ce pays martyr, pourtant son allié d’alors, et qu’elle a depuis elle aussi soutenu jusqu’en 2015 au moins les diverses factions djihadistes, au même titre que la Turquie… C’est surtout la rhétorique immature du président Macron contre la Turquie du président Erdogan en Méditerranée, qui rappelle furieusement la situation de l’été 2013 contre la Syrie : la France se comporte d’une façon qui n’est pas apaisante ni raisonnée, diplomatiquement, et ses alliés prennent eux-mêmes leurs distances, qu’il s’agisse de l’Union européenne où des Anglo-Américains…
Au Liban, ensuite, où par une opération multiforme, la France est subtilement poussée à s’impliquer dans un piège, en démolissant au passage toutes les anciennes positions diplomatiques françaises au Moyen-Orient. En ayant traité de façon lamentablement cavalière le président libanais Michel Aoun, comme s’il s’était agi d’un enfant turbulent, et pire, en ayant inversé la réalité des faits concernant l’action du Hezbollah au Liban comme en Syrie, Macron a montré aux yeux du monde et de tout le Moyen-Orient qu’il n’y avait qu’un seul enfant capricieux dans cette affaire : lui-même. Le drame étant que cet enfant capricieux entraîne avec lui la destruction de décennies de positions diplomatiques françaises équilibrées au Moyen-Orient, contre vents et marées…
Relativement à l’Arabie saoudite, ensuite : Macron agit à contre-courant de l’effort historique du président Trump, lui-même aux prises avec l’État profond américain belliciste. Trump soutient l’action courageuse du Prince héritier Mohammed ben Salmane dans l’abandon de décennies de pratiques délétère au sommet de l’État saoudien, et surtout dans l’abandon du wahhabisme pour faire entrer l’Arabie saoudite dans la modernité. Ce Wahhabisme fut d’ailleurs historiquement promu par les Britanniques, logique reprise par le mondialisme jusqu’à la promotion artificielle du mal-nommé « Etat islamique », [7] tandis qu’à notre époque l’Arabie se trouve toujours en lutte contre les Frères musulmans et leurs puissants soutiens occultes…
C’est dans ce contexte où l’Arabie saoudite devrait pourtant être soutenue, que Macron a commis un extraordinaire faux-pas qui n’est pas encore bien compris par l’opinion publique française : en traitant de façon pis que cavalière le Prince héritier saoudien, en le réprimandant comme un enfant turbulent dans le contexte de l’affaire dite « Khashoggi ». Alors que les ramifications anciennes de cette affaire, laissaient plutôt penser à une énième manipulation orchestrée par l’État profond américain, épaulé par la Turquie instrumentalisée, afin de torpiller subtilement cette évolution louable de l’Arabie Saoudite rendue possible par la nouvelle ère Trump. Ce camouflet diplomatique infligé par Macron à l’Arabie saoudite, ne sera pas oublié avant des années. [8]
Le public français ne peut pas le comprendre en l’état, s’il a oublié un autre fait historique : lorsque l’odieux spéculateur George Soros s’attaqua à la livre sterling puis au franc, en 1992-1993, ce fut l’Arabie saoudite qui vola au secours de la France, financièrement, à coups de milliards de dollars. Et lorsque la France voulut plus tard la rembourser, les Saoudiens refusèrent et considérèrent que leur acte avait été un acte qui devait sceller une fraternité avec la France. [9] À un moment d’évolution louable mais fragile en Arabie, soutenue par les États-Unis, qu’a donc fait le président Macron de cette « fraternité » ? Pour l’heure, bien des observateurs initiés remarquent l’absence d’ambassadeur saoudien en France depuis des mois, et en comprennent le sens sans ambiguïté pour les intérêts français au Moyen-Orient… Pire, la France embraye le pas des Britanniques qui viennent de créer une nouvelle opposition contrôlée artificielle contre l’Arabie saoudite…
Le « Grand provocateur » Macron contre la Russie en Biélorussie
Mais sur le plus grave des théâtres d’opérations actuelles, de façon toute aussi dramatique pour la crédibilité française et au mépris de ses alliances historiques, le président Macron se retrouve de nouveau dans la position du « Grand provocateur » : en jouant le boutefeu contre la Russie, dans le contexte d’une double crise dont les ramifications sont au-delà de sa propre compréhension.
Cette double crise, comme par hasard déclenchée de façon simultanée, concerne à la fois la Biélorussie, avec en toile de fond le projet énergétique stratégique Northstream II dans la Baltique, et dans le même temps le regain de tension subit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, concernant la question du Haut-Karabakh.
Dans cette double crise, ironiquement, la diplomatie française se mord elle-même la queue : en s’étant opposée par deux fois à la Turquie en Méditerranée (concernant la Libye et les enjeux énergétiques), et malgré son soutien garanti en mai et juillet 2018 à Ilham Aliev, président de la République d’Azerbaïdjan, la France s’oppose de nouveau à la Turquie concernant cette crise du Haut-Karabakh, en sachant bien que la Turquie y a inoculé les djihadistes qu’elle utilise en Syrie depuis 2011. Ce qui veut dire qu’en prenant parti à bon droit pour l’Arménie, la France se place aux côtés d’un allié notoire de la Russie (et de l’Iran ! [10]), un allié qui fut d’autant plus stratégique en tant que relais logistique dans le contexte de la guerre en Syrie. Mais dans le même temps, Macron annonce ceci depuis les pays Baltes, où il se trouve en visite officielle, visitant au passage une base de l’OTAN, dans un contexte où la France endosse le narratif belliciste de l’OTAN contre la Russie en Europe de l’Est. Et c’est dans ce contexte que Macron prend ouvertement parti contre la Russie dans le dossier biélorusse, en brodant sur le thème d’une « opposition démocratique injustement réprimée par un odieux dictateur biélorusse allié de la très méchante Russie ». La diplomatie française est donc alliée de fait à la Russie dans le Caucase, mais opposée à la Russie en Europe de l’Est. Cette diplomatie illisible et incohérent, ne peut aboutir qu’à l’effacement de la voie diplomatique française, faute d’une quelconque crédibilité, mais il est nécessaire de clarifier plusieurs points pour le comprendre.
Ce qui est au-delà de la compréhension du regrettable président français Macron, c’est la « pince géostratégique » synchronisée que le mondialisme tente d’imposer à la Russie sous nos yeux : en frappant simultanément l’influence russe en Biélorussie et dans la Baltique d’une part, dans le Caucase autre part. Plusieurs aspects doivent être clarifiés ici pour comprendre notre sujet, impliquant une brève évocation d’une double continuité historique : concernant le mondialisme d’une part, et les enjeux pétroliers du Caucase d’autre part.
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