Une escalade de violence
« Ce qui me fait terriblement peur, c’est la balle perdue. »
Nadia pleure au téléphone. Elle pleure depuis le début de notre entrevue, il y a une vingtaine de minutes. Nadia vit depuis cinq ans près de l’avenue Lapierre, à Montréal-Nord. Elle a plusieurs enfants. Et chaque soir, elle a peur de la balle perdue.
Pendant des années, les nuits de Nadia et de sa famille ont été troublées par le party perpétuel qui a cours sur l’avenue Lapierre, dès qu’il fait assez chaud pour être dehors. Mais depuis un an, les armes se sont ajoutées au traditionnel cocktail alcool-marijuana-musique rap que consomment ces grappes de jeunes qui s’y rassemblent à toute heure du jour et de la nuit.
Il y a un an, sa fille s’est réveillée le matin et a vu un corps, gisant sur le sol, à proximité de l’immeuble. Un jeune de 23 ans, abattu en fin de soirée, lors d’une fusillade. La famille a été marquée au fer rouge par cette vision. « C’était terrible », résume Nadia.
Nadia n’est pas la seule à vivre dans la peur. La Presse a recueilli les témoignages de cinq résidantes du secteur Pascal-Lapierre, toutes des mères de famille. Elles nous ont transmis une lettre touchante, endossée par 10 femmes du quartier, qui dénonce une situation qu’elles jugent inacceptable et dangereuse.
« Encore une soirée estivale où l’on verra les lumières des ambulances et on entendra les sirènes de police. Encore une soirée où je vais devoir expliquer à mes enfants que ce qu’ils entendent et voient n’est ni normal ni ordinaire », écrivent-elles, soulignant le « climat de terreur » dans lequel elles vivent.
Aucune de ces femmes n’a accepté de s’identifier, par peur de représailles.
Depuis un an, les citoyens du secteur nord-est de Montréal-Nord ont subi « une escalade de violence », convient Marc-André Desrochers, directeur de la mobilisation territoriale à la Société d’habitation populaire de l’Est de Montréal (SHAPEM), propriétaire de 16 immeubles dans le secteur. « Certains de nos locataires sont désespérés. »
En effet, après le meurtre d’octobre 2019, une nouvelle tentative de meurtre est survenue le 20 juillet dernier. Quatre jours plus tard, une autre agression par balle. Au tout début de septembre, une troisième tentative de meurtre. Trois personnes ont été blessées. Il y a deux semaines, un homme de 30 ans a été blessé par balle dans la rue de Jubinville. Et puis, dimanche dernier, les policiers ont ouvert le feu sur un homme armé d’un couteau. Certains de ces évènements sont survenus en plein jour.
Le 24 juillet dernier, l’organisme Parole d’ExcluEs avait organisé une activité dans l’espace Lapierre, formé des cours arrière de plusieurs immeubles. Il faisait beau. Il était 16 heures.
Les personnes sortaient de l’activité. Il y avait des familles, des enfants. Il y avait un groupe de jeunes devant les immeubles. La personne qui est arrivée avec une arme à feu a commencé à tirer dans le tas. Ils tirent n’importe comment : ce sont des gamins qui ont des armes. Tout le monde courait. On est à Montréal ! Pas à Kaboul ou à Johannesbourg !
Bochra Manaï, coordonnatrice générale de l’organisme Parole d’ExcluEs
Certains des travailleurs de l’organisme ont été traumatisés par l’évènement.
Les enfants d’Aya, une résidante de la rue Lapierre, sont encore sous le choc de cette fusillade de juillet. « Mon fils a tout vu. Tout d’un coup, ça s’est mis à tirer. Les balles, ça s’en allait partout », raconte-t-elle. Depuis, le petit de 10 ans a beaucoup de difficulté à dormir. Il a recommencé à mouiller son lit. La mère a dû consulter auprès du Centre d’aide aux victimes d’actes criminels.
Et il n’est pas le seul : une rencontre avec des intervenants du CLSC de Montréal-Nord, à la fin de l’été, a bien montré que certains enfants sont marqués par cet environnement violent. « Les témoignages… c’était poignant, raconte un participant à la rencontre. Un enfant a raconté qu’il avait tellement peur qu’il s’imaginait voir des gens dans sa maison. Sa mère était obligée de venir dormir avec lui toutes les nuits. »
« L’été 2020 a été le pire été de ma vie, dit Aya. On n’a carrément pas dormi. » Aya, comme toutes les femmes qui témoignent dans ce reportage, habite un appartement subventionné, puisque sa famille a un très faible revenu. Elle ne peut pas déménager à sa guise, puisque les listes d’attente pour ce type de logement sont très longues.
Je me sens prise au piège. Abandonnée. Personne n’intervient, parce que tout le monde a peur de ces jeunes.
Aya, résidante de l’avenue Lapierre, à Montréal-Nord
« Quand on appelle le propriétaire, il nous dit d’appeler la police. Quand on appelle la police, ils nous disent d’appeler l’arrondissement. Tout le monde se renvoie la balle », dit Lina, une autre résidante de la rue Lapierre. « C’est comme si le quartier leur appartenait, à ces jeunes », ajoute Nadia.
« Le secteur est en train de devenir une sorte de zone de non-droit », admet un acteur important du quartier, qui a réclamé l’anonymat pour cette citation. Lors de leurs interventions sur place, les policiers marchent sur des œufs, d’autant plus que les jeunes traînent la plupart du temps sur des terrains privés. Comme ici, sur cette étendue d’asphalte entre deux immeubles, surnommée « le trou ». La police n’a aucun levier pour les chasser.
« Ces jeunes-là connaissent leurs droits mieux que qui que ce soit : ça fait des années que la police leur court après ! », observe le militant Will Prosper, du groupe Hoodstock, qui déplore le manque criant de services de nature psychosociale dans le quartier. « Ce secteur-là, c’est un désert de services. »
Il y a trois semaines, les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ont mené une opération majeure, frappant à plus d’un millier de portes dans le quartier afin de recueillir des indices sur ces évènements survenus durant l’été. « Mes policiers ont été vraiment remués par ce qu’ils ont vu. Les gens ont peur », reconnaît l’inspecteur Patrick Lavallée, qui dirige le poste de quartier du SPVM.
Le nombre d’infractions impliquant des armes à feu est clairement à la hausse depuis trois ans, souligne-t-il. De 12 évènements en 2018, on est passé à 18 en 2019, puis à 29 infractions en 2020.
Depuis la mi-septembre, la présence policière a été fortement renforcée dans ce secteur. On a même eu recours à des effectifs provenant d’autres postes de quartier. La présence policière sur place est parfois impressionnante (voir autre texte).
« C’est du jamais-vu en termes d’intervention policière, dit la mairesse de l’arrondissement », Christine Black, qui a œuvré dans Montréal-Nord pendant 20 ans.
Quand les incidents se produisent chaque semaine, on a beau vouloir rassurer la population, on vient à manquer d’arguments…
Christine Black, mairesse de l’arrondissement de Montréal-Nord
Elle déplore le sous-financement historique de l’arrondissement et de ses groupes communautaires, qui sont, admet-elle, à bout de souffle.
« Ce qu’on vit dans le nord-est, c’est un bobo mal soigné et l’intervention policière, c’est un Band-Aid sur ce bobo », dit la députée provinciale de Bourassa-Sauvé, Paule Robitaille. « L’intervention policière, c’est la dernière chose qu’on souhaitait », acquiesce Marc-André Desrochers.
Car les enjeux sociaux dans le quartier ne datent pas d’hier. Le cadre bâti de Montréal-Nord – « style camp de concentration », lance un intervenant du quartier –, l’absence d’espaces verts, le manque d’activités pour les jeunes, c’est la toile de fond de ces problèmes. « C’est un mille-feuille de problématiques, résume Bochra Manaï. Des nœuds d’exclusion, pas faciles à défaire. Mais on n’investit pas dans ce secteur ! Les gens s’en foutent, les élus s’en foutent. »
« Ça fait 20 ans qu’on voit des problèmes sociaux importants à Montréal-Nord, dit Sabrina Mahotieres, intervenante sociale au CLSC de Montréal-Nord. Et les mêmes problèmes sont encore présents aujourd’hui. »
Ces jeunes vivent dans des appartements surpeuplés, dans des blocs en béton… Où veux-tu qu’ils aillent ?
Will Prosper, documentariste, militant et membre du groupe Hoodstock
« Ils sont nés à Montréal-Nord. Ils ont de la famille ici. Ils sont très attachés au quartier », plaide Slim Hammami, coordonnateur de Café jeunesse multiculturel, l’un des rares organismes à se consacrer aux jeunes du secteur, avec, d’ailleurs, très peu de moyens. M. Hammami déplore qu’on ne voie ces jeunes que sous l’angle de la criminalité ou de la délinquance. « Ils sont plus à plaindre qu’à accuser. Ils ont eu des parcours difficiles. On ne finit pas là par hasard ! »
Le cycle de violence s’est enclenché à partir du meurtre survenu l’an dernier, estime M. Hammami. La COVID-19 a joué un rôle majeur dans la dégradation de la situation, amenant dans le secteur une nouvelle clientèle, plus jeune et désœuvrée par la fermeture des écoles. Des contraventions COVID-19 ont aussi été distribuées aux groupes de jeunes par les policiers. « Certains en ont eu deux ! »
Mais Will Prosper et Slim Hammami ont beau tenter d’expliquer le vécu de ces jeunes, ils reconnaissent que la situation actuelle est particulièrement difficile. « Le côté pervers de tout cela, c’est que beaucoup de jeunes se sont armés. Pas parce qu’ils veulent faire de la violence, mais parce qu’ils sont entrés dans ce jeu-là », déplore M. Hammami. Will Prosper, lui, est très inquiet de ce qu’il voit. Le secteur, dit-il, est devenu « une poudrière ».
« Ça prendrait juste une petite étincelle pour que ça pète. C’est une question de temps avant que quelqu’un perde la vie. »
Montréal-Nord, un des quartiers les plus pauvres au Canada
84 200 habitants
Densité de 7623 habitants par kilomètre carré (4662/km2 dans l’île de Montréal)
42 % de familles monoparentales (32 % dans l’île de Montréal)
48,7 % de minorités visibles (32 % dans l’île de Montréal)
31 % de la population de 15 ans et plus sans diplôme (16 % à Montréal)
28 % de la population à faible revenu (21 % à Montréal)
Source : Centraide du Grand Montréal
À l’échelle de Montréal
Le nombre de crimes contre la personne est clairement à la hausse depuis cinq ans sur le territoire de la Ville de Montréal, montre le dernier rapport annuel du SVPM, publié la semaine dernière. En 2015, le SPVM recensait 19 434 crimes contre la personne. En 2019, ce chiffre avait bondi à 23 694, une hausse de près de 22 %. En un an seulement, donc de 2018 à 2019, la hausse se chiffre à 15 %. En décembre dernier, le SPVM a d’ailleurs créé une brigade spéciale, l’escouade Quiétude, dont le mandat est de prévenir les confrontations armées. On observe une tendance semblable à Laval. Récemment, le Service de police de Laval a effectué 60 arrestations et saisi 15 armes dans le but de juguler une vague de violence impliquant des adolescents. Un petit noyau dur de jeunes, âgés de 16 ou 17 ans, actifs dans les quartiers Pont-Viau et Chomedey, seraient liés à deux meurtres et plusieurs agressions survenus depuis six mois.
Le party perpétuel
« Il y a eu une fusillade tout près de chez toi. »
Au téléphone, c’est la députée de la circonscription de Bourassa-Sauvé, Paule Robitaille. Et « chez toi », c’est mon chez-moi temporaire, puisque j’ai élu domicile dans un appartement de Montréal-Nord, qu’on m’a prêté le temps d’un week-end.
Il est 19 h en ce vendredi soir et la rue de Jubinville est bloquée par les voitures de police. Un homme a été atteint par balle. Sa vie n’est pas en danger. Néanmoins, la rue est bloquée pendant plusieurs heures pour que les enquêteurs puissent faire leur travail.
Myrlande débarque d’un taxi. Son épicerie est dans le coffre. Elle arrive d’une résidence pour aînés où elle est préposée aux bénéficiaires. « Le véhicule ne peut pas passer », lui dit un policier. Elle hausse les épaules et transporte ses sacs, sans protester. Une rue bloquée par la police, c’est devenu monnaie courante ici, dans le secteur Pascal-Lapierre.
De mon appartement, j’ai une vue imprenable sur ces grappes de jeunes, dispersées tout le long de la rue. Ils « chillent », prennent une bière, fument un joint. Ça rit, ça parle fort, ça joue aux dés. À 19 h, ça ne pose pas vraiment de problème. Mais à minuit, 10 gars qui s’engueulent à cause d’une partie de dés qui a mal tourné, sur fond de musique gangsta rap qui joue à plein volume, c’est pas mal moins drôle.
C’est la vie dans le secteur Pascal-Lapierre. Le party perpétuel.
À son arrivée dans le quartier, en 2011, Lina habitait un demi-sous-sol. Les groupes de jeunes se réunissaient juste à côté de ses fenêtres : elle les avait pratiquement dans son salon. « Le bruit, les coups de feu, les pétards, la fumée qui entre chez moi, la musique forte… c’était insupportable. » Elle a déménagé, plus en hauteur. La proximité est moins gênante, mais la clameur permanente qui monte de l’avenue Lapierre se rend toujours chez elle.
En plus, Lina a vu tous ces vidéos sur YouTube, où des jeunes de Montréal-Nord ou de Pont-Viau s’improvisent rappeurs, friment avec des liasses d’argent, des filles à moitié nues et des sacs-bananes qui sont lourds, plastronnent-ils, parce qu’ils contiennent des armes. Lina a beau savoir que plusieurs de ces jeunes n’ont rien de vrais gangsters, « reste que ça fait peur », dit-elle.
Et ça inquiète bien des petites familles, qui doivent, pour pénétrer dans leur immeuble, passer à travers ces groupes de jeunes massés sur le trottoir ou sur le terrain. Ici, tiens, en plein après-midi, six jeunes, dont l’un tient une bouteille de cognac. Papa, maman et fiston, tout au plus 5 ans, demandent poliment qu’on se pousse pour pouvoir entrer chez eux.
« Ils nous empoisonnent la vie », résume Nadia.
Il y a 10 ans, les jeunes, ils se réunissaient dans les parcs. Ils se sont fait tasser des parcs. Ils sont allés dans le stationnement des bandes commerciales. On les a tassés de là. Alors ils sont allés où ils pouvaient !
Marc-André Desrochers, directeur de la mobilisation territoriale à la Société d’habitation populaire de l’Est de Montréal (SHAPEM)
Où ils pouvaient, ce sont dans les ruelles entre les immeubles, dans les cours arrière asphaltées, dans « l’espace Lapierre » formé des cours des immeubles de la SHAPEM. « Nos résidants attendent l’hiver avec impatience et appellent le mauvais temps », dit-il.
Douze ans après la mort de Fredy Villanueva, et la crise sociale qui a suivi, on a l’impression que les mêmes problèmes gangrènent toujours le secteur. Pourquoi ? « C’est une question, j’espère, qui hante les gens depuis douze ans, dont les autorités politiques. Si on fait partie du problème, on ne fait pas partie de la solution », lance Bochra Manaï.
Le lendemain, à 21 h, il y a cinq voitures de police stationnées sur l’avenue Lapierre. Des agents circulent dans la rue avec des lampes-torches. Des policiers discutent avec les jeunes. Il n’y a pas vraiment de tension dans l’air. On sent qu’il s’agit là d’une scène usuelle.
Un samedi soir bien ordinaire sur l’avenue Lapierre.
Thérapie de groupe pour un quartier
Yasmine a vécu pendant huit ans dans le secteur nord-est de Montréal-Nord. Chaque fois qu’elle sortait avec son enfant dans une poussette, elle faisait de longs détours pour éviter les groupes de jeunes agglutinés dans sa rue. Vêtue de son niqab, elle se faisait traiter de « ninja » par certains jeunes qui riaient d’elle. Elle avait peur d’eux.
Après avoir expérimenté une « thérapie sociale » à leurs côtés, à raison d’une fois par semaine pendant plusieurs mois, Yasmine n’a plus eu peur des jeunes. Avec sa poussette, elle traversait résolument le groupe en saluant ceux qu’elle connaissait. Et ceux qui se risquaient à lui lancer des insultes se faisaient reprendre par les autres. « Hé, c’est madame Yasmine. On la connaît. » Certains jeunes lui ont même donné leur numéro de cellulaire. « S’il se passe quelque chose, appelle-moi. »
« Je voulais rester sur la rue Lapierre. C’est pour ça que j’ai participé à la thérapie sociale. J’aime Montréal-Nord. On a quitté notre pays, et Montréal-Nord, c’est devenu notre pays d’adoption », dit Yasmine, qui a refusé d’être identifiée pour ce reportage.
D’abord, des rencontres séparées se sont tenues avec les résidants, et avec les jeunes. Et puis, progressivement, les deux groupes ont accepté l’idée de se rencontrer. « Il fallait que ce soit des personnes qui habitent le secteur, et qui ont des choses désagréables à se dire. Si on arrive à les faire discuter, c’est là qu’on fait avancer les choses », résume Slim Hammami, coordonnateur de Café jeunesse multiculturel. « Il y a eu des pleurs, des colères, des questions et, surtout, des gens qui ont appris à se connaître. »
Au fil des rencontres, Yasmine raconte que sa vision des jeunes qui traînaient dans sa rue, d’abord très négative, a été transformée. « Ils ne sont pas mauvais, ces jeunes. Mais on avait peur de parler avec eux », dit-elle.
Marc St-Félix a grandi à Montréal-Nord. Il a maintenant 30 ans. Plus jeune, il a participé à ce type d’exercice de médiation sociale. « Les rencontres portent leurs fruits, mais c’est sur le long terme, quand les gens apprennent à connaître l’autre. C’était désolant et triste de voir ce que les gens pensaient des jeunes, de vivre dans la peur, de penser que les autres sont dangereux. Les gens ne nous connaissaient pas. »
Michèle Coutu a aussi participé à ces rencontres. À 63 ans, elle vit depuis 25 ans dans ce secteur chaud de Montréal-Nord, dont huit ans dans la rue Pascal. « Dans ces rencontres, il y avait beaucoup de jeunes que je connaissais depuis qu’ils étaient à la maternelle. C’était une bonne occasion de parler avec eux de façon civilisée plutôt que de crier. De leur dire clairement ce qu’on attendait d’eux », dit-elle.
Ce sont souvent de bons jeunes et il faut apprendre à les connaître. C’est sûr que si on les traite comme des pourris, ils vont agir comme des pourris.
Michèle Coutu, résidante du secteur nord-est de Montréal-Nord depuis 25 ans
La thérapie sociale a incontestablement donné des résultats pacificateurs, confirme Roberson Berlus, travailleur de rue à l’organisme Café jeunesse multiculturel.
Au début, pour les résidants, les jeunes étaient le diable en personne. Et après, ils ont compris que ces jeunes, ils vivaient des problèmes. Et que si on les réglait, ils partiraient peut-être d’eux-mêmes !
Roberson Berlus, travailleur de rue à l’organisme Café jeunesse multiculturel
Le bruit a diminué, les jeunes ont laissé moins de détritus derrière eux, bref, ils étaient beaucoup plus réceptifs aux demandes.
À l’été 2019, les problèmes de cohabitation entre les deux groupes semblaient effectivement en voie d’être résolus. « L’été 2019 a été extraordinaire », résume Slim Hammami. Un barbecue a été organisé, pour les résidants et pour les jeunes, dans l’espace Lapierre. « C’était une forme de consécration. On avait créé ce qu’on voulait créer : une diversité de personnes qui habitent une même communauté », dit Marc-André Desrochers.
Cependant, le meurtre commis en 2019 tout près des immeubles de la SHAPEM a complètement cassé cet élan positif.
Le meurtre, ç’a été un traumatisme. Les gens ne sont plus à l’aise de dialoguer. Il faut surmonter la peur. C’est difficile.
Marc-André Desrochers, de la SHAPEM
Et puis, la pandémie est également venue complexifier la situation, note Slim Hammami. « La COVID-19 a joué un rôle majeur, ç’a été un petit séisme, qui a nui à la démarche », croit-il. Le désœuvrement a décuplé le nombre de jeunes et le groupe, devenu mouvant, s’est dispersé. De nouveaux acteurs sont apparus dans le décor, observe Marc St-Félix, des adolescents qui n’avaient pas participé à l’exercice de médiation avec les résidants ou qui n’en avaient même pas entendu parler. « C’est une nouvelle génération, qui ne respecte aucune règle », fait valoir un intervenant social qui œuvre dans le quartier.
Bref, tout est à refaire. Un nouvel exercice de médiation sociale devait débuter en octobre, mais COVID-19 oblige, il sera complexe à organiser.
Et Yasmine ? Elle a déménagé dans un autre quartier. « Quand j’ai vu ce jeune, décédé juste à côté de chez moi… c’est là que j’ai voulu partir. J’ai eu peur pour mes enfants. »
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec