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par Fiodor Loukianov
Tout le monde s’est pratiquement habitué aux événements au Kirghizistan, aussi tumultueux qu’ils soient. On pourrait dire que cela fait partie de la culture nationale. Une sorte de procédure de rotation des élites politiques. Cependant, les événements à Bichkek et dans d’autres villes font réfléchir à ce que représentent globalement en soi les mécanismes électoraux à l’issue de la deuxième décennie du XXIe siècle.
La démocratie représentative est l’un des acquis du développement sociopolitique de l’humanité, qui s’est propagé pratiquement à travers le monde à la fin du XXe siècle. La révolution démocratique de la fin des années 1980 fait penser avant tout à l’Europe de l’Est. Mais des changements radicaux, symbolisant la fin des régimes autoritaires ou franchement non démocratiques, se déroulaient en même temps dans le monde entier: l’Asie de l’Est (Corée du Sud, Mongolie, Taïwan), l’Amérique latine (plusieurs pays et notamment le Chili), l’Afrique (également plusieurs pays et notamment l’Afrique du Sud). Sans parler des pays qui ont fait leur apparition sur le territoire de l’ex-URSS. Au début du XXIe siècle il ne restait pratiquement plus de dictatures dans le monde, cette méthode de gouvernance n’était simplement plus à la mode. A l’exception peut-être des monarchies du Golfe personne n’insistait sur une gouvernance absolue, du moins sur la forme. Telle ou telle version de légitimation à travers les élections est devenue universelle.
Le thème de modèles autoritaires ou non libéraux est revenu au centre de la discussion internationale à la fin des années 2000. A mesure de la montée en puissance de phénomènes désagréables dans la vie internationale l’Occident a tiré la sonnette d’alarme en voyant que les systèmes qui n’acceptent pas les normes libérales (faisant avant tout allusion à la Chine, à la Russie, puis à la Turquie et même à la Hongrie) sont plus efficaces politiquement et sont capables de régler plus rapidement les différents problèmes, notamment économiques. C’est alors qu’a commencé la tentative d’organiser une nouvelle confrontation idéologique selon les méthodes de guerre froide. Ce qui ne fut pas une franche réussite car le rejet de l’organisation libérale de l’Etat, en général, était la seule caractéristique en commun, pour le reste ces pays étaient très différents les uns des autres.
Toutefois, les lignes de confrontation dans le monde sont un thème différent aujourd’hui. Dans notre contexte ce qui est important c’est que même ceux qui ont l’étiquette de « régime autoritaire » respectent les procédures démocratiques. Un pays qui s’oppose absolument aux élections semble aujourd’hui très à part. La Chine peut se permettre un modèle foncièrement différent parce que la puissance de ce pays ne permet pas de lui imposer quoi que ce soit d’autre, et la tradition est très différente. Les autres partent de la nécessité de mécanismes électoraux.
Mais ensuite commence une spécificité qui nivelle en grande partie l’idée initiale. L’exemple du début est très intéressant en ce sens – les élections jouent un rôle important pour le processus politique, mais en tant que prétexte pour lancer d’autres mécanismes d’établissement d’un nouvel équilibre. La sortie dans la rue de ceux qui contestent les résultats annoncés devient pratiquement une partie obligatoire de la procédure électorale, et c’est à l’issue que le résultat est fixé. Ce qui surprend au Kirghizistan ce n’est pas les protestations des vaincus, mais l’absence totale chez les vainqueurs (des partis qui ont remporté la majorité des voix selon le décompte officiel) de la volonté de défendre leur victoire. Il s’avère qu’eux-mêmes n’y croient pas.
En période de révolutions de couleur, à commencer par la Serbie en 2000, la position des forces extérieures jouait un rôle déterminant. Actuellement ce phénomène est bien moins présent (Biélorussie), voire plus du tout (Kirghizistan). Le conflit se déroule entre le pouvoir et la société, soit entre les différents groupes du pouvoir.
Admettons que de tels problèmes surviennent dans des pays sans tradition démocratique établie. En effet, là où les procédures électorales font partie de la culture politique, les élections sont un élément obligatoire du fonctionnement de la société. Et elles restent compétitives. Mais un autre phénomène y a lieu. Le vote culmine le processus d’une campagne médiatique très intense qui, dans la plupart des cas, d’un débat objectif entre les candidats se transforme en tentatives rusées de manipuler les électeurs.
A cela s’ajoute à présent un autre élément, lorsque le vote ouvre une grande marge de manœuvre pour différents changements, à tel point que les élections perdent pratiquement leur contenu. Leur fonction principale devient la prévention de surprises et d’un scénario incontrôlable. Et plus la démocratie est stable, plus important ce second point devient. Ce n’est certainement pas ce dont rêvaient les triomphateurs de la fin du XXe siècle qui ont proclamé la « fin de l’histoire ». Mais nous avons le résultat que nous avons.
Fiodor Loukianov, journaliste et analyste politique
source:http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=2066
Source: Lire l'article complet de Réseau International