Campagne de dons – Septembre-Octobre 2020
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par Christelle Néant
Après une journée de calme relatif dans le Haut-Karabakh grâce à de mauvaises conditions météo qui empêchaient les drones et avions azerbaïdjanais de voler, les bombardements intensifs contre la capitale, Stepanakert, ont repris, et une église située à Chouchi a été bombardée à deux reprises. Trois journalistes sont blessés, dont deux journalistes russes.
Poursuite des bombardements intensifs et de la guerre de l’information
Suite aux bombardements des 1er et 2 octobre, qui avaient fait plusieurs blessés parmi les journalistes et les civils dans le Haut-Karabakh, l’armée azerbaïdjanaise avait continué de bombarder lourdement la capitale, Stepanakert, y compris avec des bombes à sous-munitions, comme le montre une vidéo prise par la dashcam d’une voiture stationnée dans la ville le 4 octobre 2020.
Pour rappel les bombes à sous-munitions sont interdites, mais l’Azerbaïdjan, comme l’Arménie, n’a pas signé la convention d’interdiction de ces armes.
Puis le 5 octobre fut une journée relativement calme, le mauvais temps empêchant les drones et avions azerbaïdjanais de voler, comme on peut le voir au début du reportage d’ANNA-NEWS à Stepanakert.
Malheureusement, la météo n’est restée favorable au Haut-Karabakh que peu de temps. Dès le 6 octobre, les bombardements aériens ont repris contre la capitale, en plus des tirs de lance-roquettes multiples (surtout des Smerch d’un calibre de 300 mm), faisant de nouvelles victimes parmi les civils, ainsi que de nombreuses destructions d’habitations. Résultat, près de 40 % des habitants de Stepanakert ont quitté la ville à cause des bombardements. Des tirs de roquettes ont aussi visé la ville de Chouchi, la deuxième plus grande ville du Haut-Karabakh.
Le même jour, l’Arménie annonçait que l’Azerbaïdjan avait lancé une grande offensive dans la partie sud du front, près de la frontière avec l’Iran.
Sur fond d’aggravation de la situation sur le terrain, le directeur du renseignement extérieur russe, Sergueï Narichkine, a déclaré que des milliers de terroristes venant du Moyen Orient, y compris des membres de Jabhat al-Nusra étaient transférés vers la zone de conflit dans le Haut-Karabakh, confirmant les déclarations précédentes d’Emmanuel Macron.
L’Azerbaïdjan a démenti cette information ce lendemain, avant d’accuser l’Arménie d’avoir recours à des mercenaires venant de Syrie et du Liban.
Dans la foulée, l’Azerbaïdjan a déclaré que l’Arménie avait bombardé trois régions de son territoire, et a accusé Erevan de tenter de bombarder l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan. Une accusation immédiatement démentie par l’Arménie, et par les faits, comme le montre les photos publiées par l’Azerbaïdjan.
Bizarre spectacle from Azerbaijan:
First an evidently staged “Armenian rocket attack” on a powerplant.
Then “an Armenian attack” on an oil pipeline with Israeli cluster bombs that only Azerbaijan has.
Now they shoot down “an Armenian suicide drone” – turns out it’s Azerbaijani pic.twitter.com/uFxDwxqNJ2
— Murad Gazdiev (@MuradGazdiev) October 8, 2020
Sur ces dernières on voit clairement des sous-munitions israéliennes, or dans ce conflit, seul l’Azerbaïdjan est armé par Israël. Amnesty International a d’ailleurs confirmé l’utilisation par l’Azerbaïdjan de bombes à sous-munitions israéliennes M095 DPICM.
Dans le conflit du Haut-Karabakh, l’Azerbaïdjan fait preuve d’un manque de transparence totale, ne communiquant absolument pas sur ses pertes parmi ses soldats, et censurant massivement les réseaux sociaux comme YouTube, Facebook, ou Whatsapp depuis le début de la reprise des hostilités, comme le montre ce graphique du trafic YouTube depuis l’Azerbaïdjan.
#Azerbaijan has kept its population in an information blackout for 10 days now.
Social media – youtube, facebook, whatsapp – all censored and restricted by the government. Mobile internet also restricted.
Pic: youtube traffic from Azerbaijan for the last month pic.twitter.com/ptfbzTVt8j
— Murad Gazdiev (@MuradGazdiev) October 7, 2020
Hier, 7 octobre, le Premier-ministre arménien, Nikol Pachinian, s’est dit prêt à trouver un compromis avec l’Azerbaïdjan afin de résoudre pacifiquement le conflit. Le même jour, l’Azerbaïdjan a déclaré qu’il n’était pas pour le fait de déployer des casques bleus dans le Haut-Karabakh, une mesure que certains avaient envisagée comme solution pour calmer la situation.
Le même jour, l’Arménie a annoncé une contre-offensive des forces armées du Haut-Karabakh, qui aurait permis de reprendre à l’armée azerbaïdjanaise certaines hauteurs situées dans le nord.
De son côté, le Président russe, Vladimir Poutine a qualifié les affrontements dans le Haut-Karabakh de tragédie et appelé à un cessez-le-feu rapide dans la région. Pour la première fois depuis l’éclatement des hostilités dans le Haut-Karabakh, le Président russe s’est entretenu par téléphone avec Ilham Aliyev, le Président azerbaïdjanais, afin de discuter de la situation. Suite à cette discussion, la situation s’est calmée à Stepanakert.
Puis il s’est entretenu avec Nikol Pachinian, le Premier-ministre arménien, confirmant le rôle de médiateur que joue la Russie dans le conflit du Haut-Karabakh.
D’ailleurs des négociations ont été lancées aujourd’hui à Genèvre pour résoudre le conflit, et les ministres des Affaires étrangères de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan ont été invités en Russie, demain 9 octobre pour consultation au sujet du Haut-Karabakh.
L’occasion pour l’Arménie de demander à la communauté internationale de reconnaître l’indépendance du Haut-Karabakh afin « d’arrêter la catastrophe humanitaire et l’escalade de ce conflit ».
Implication de la Turquie dans le conflit
Et pendant que certains pays essayent de rétablir la paix dans le Haut-Karabakh, d’autres continuent d’alimenter le conflit, comme la Turquie, qui semble bel et bien directement impliquée dans les hostilités, comme l’a déclaré le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
Malgré les dénégations de l’Azerbaïdjan sur l’implication de la Turquie, les découvertes du journaliste d’investigation Christiaan Triebert, semblent montrer que les accusations de l’Arménie concernant le fait qu’un de ses SU-25 aurait été abattu par un F-16 turc seraient vraies.
There are at least two F-16s at Ganja International Airport in Azerbaijan, our analysis of an Oct. 3 @planetlabs satellite image shows. The fighter jets are likely operated by the Turkish Air Force, alongside a possible CN-235 cargo aircraft. Here’s a short thread why. pic.twitter.com/de1XsmXXZr
— Christiaan Triebert (@trbrtc) October 7, 2020
Le journaliste du New York Times a en effet publié sur son mur Twitter une photo satellite datée du 3 octobre 2020, montrant la présence de deux F-16 stationnés à l’aéroport international de Ganja, en Azerbaïdjan (celui que l’Arménie aurait bombardé d’après les autorités azerbaïdjanaises).
Or, comme l’avait déclaré Bakou lorsque le SU-25 arménien avait été abattu, l’Azerbaïdjan ne dispose pas de F-16, contrairement à la Turquie. Et Ankara ayant officiellement poussé Bakou à l’offensive contre le Haut-Karabakh et soutenant officiellement l’Azerbaïdjan, il y a toutes les chances pour que ces F-16 soient turcs et pilotés par des soldats des forces armées turques.
Une église bombardée à Chouchi, plusieurs journalistes blessés
Cette nuit et ce matin, les sirènes d’alerte ont de nouveau retenti dans Stepanakert alors que la capitale du Haut-Karabakh était de nouveau bombardée par l’Azerbaïdjan, qui a quant à elle accusé l’Arménie d’avoir bombardé Barda avec des Tochka-U.
Puis ce matin, après que des soldats du Haut-Karabakh se soient rendus dans l’église principale de Chouchi pour y prier avant de partir au combat, l’édifice religieux a subi un bombardement qui l’a gravement endommagé, comme on peut le voir sur ces photos du Centre d’Information Unifié Arménien.
Et alors que les journalistes, dont de nombreux journalistes russes, s’étaient rendus sur place pour filmer les conséquences du bombardement, un nouveau bombardement a frappé l’église, blessant deux journalistes russes : Iouri Kotenok (rédacteur en chef du portail segodnia.ru) et Levon Arzanov, correspondant du portail « Officiers de Russie ». Un journaliste local, Grant Badalian, serait aussi blessé. Au total 10 personnes auraient été blessées lors de ce deuxième bombardement de l’église de Chouchi par l’Azerbaïdjan.
Iouri Kotenok est grièvement blessé, et se trouve entre la vie et la mort. Il est actuellement opéré à Stepanakert, où les meilleurs chirurgiens font le maximum pour le sauver. Levon Azranov aurait reçu des blessures par éclat.
Le journaliste Alexandre Kots a filmé l’intérieur de l’église de Chouchi après le deuxième bombardement, montrant que la coupole qui était légèrement endommagée après la première frappe aérienne, était complètement détruite après la deuxième.
L’Azerbaïdjan a bien sûr démenti l’information, en disant que contrairement à l’Arménie, l’armée azerbaïdjanaise ne visait pas les édifices religieux et culturels. Ce qui est à la fois vrai et faux.
En effet, les journalistes d’ANNA-NEWS ont trouvé à l’église de Chouchi un morceau de bombe aérienne dont le numéro de série indique qu’il s’agit d’une munition de l’OTAN.
Or, l’Azerbaïdjan dispose d’armes russes et non d’armes de l’OTAN. Ce qui indiquerait que ce n’est pas l’armée azerbaïdjanaise qui a frappé l’église. Par contre, la Turquie est membre de l’OTAN, et comme l’indique la photo satellite publiée par Christiaan Triebert, des F-16 turcs se trouvent à Ganja, en Azerbaïdjan. Cela semble indiquer que c’est l’armée de l’air turque qui aurait bombardé l’église de Chouchi.
Sauf que l’armée turque est là en soutien de l’armée azerbaïdjanaise dans ce conflit. Donc si de manière littérale ce n’est par l’armée azerbaïdjanaise qui a bombardé l’église de Chouchi, Bakou est néanmoins responsable des crimes de guerre de l’armée turque, puisque cette dernière est là dans le Haut-Karabakh avec son aval et à sa demande.
L’utilisation par Bakou du pseudo-argument déjà éculé, utilisé depuis six ans par l’Ukraine dans le conflit du Donbass, consistant à dire que ce n’est pas eux, mais l’ennemi (ici le Haut-Karabakh) qui se tire dessus tout seul, va avoir du mal à passer niveau crédibilité.
De plus, les journalistes d’ANNA-NEWS ont indiqué qu’un drone de reconnaissance volait au-dessus de l’église de Chouchi pendant que les journalistes filmaient les conséquences du premier bombardement, que ces derniers sont arrivés en masse sur place avec des voitures marquées « PRESSE », et que le deuxième bombardement était donc bien délibéré et visait clairement les journalistes.
Une technique qui rappelle là aussi celles de l’armée ukrainienne dans le Donbass, qui a visé à plusieurs reprises des journalistes venus filmer les conséquences de ses bombardements sur le front, en tirant à nouveau sur une zone bombardée la veille ou quelques heures plus tôt.
Plus tard dans l’après-midi un drone a largué une autre bombe sur la ville de Chouchi, tandis que d’autres attaquaient Stepanakert et sa périphérie, provoquant de nouvelles destructions.
Pour l’instant aucun accord de cessez-le-feu n’a pu être conclu suite aux négociations qui ont eu lieu à Genève, mais il est à espérer qu’une solution sera vite trouvée, avant que le bilan humain et matériel ne s’alourdisse à nouveau.
À l’heure où j’écris ces lignes, le bilan parmi les civils est de 31 Azerbaïdjanais et 21 Arméniens tués, 154 Azerbaïdjanais et plus de 90 Arméniens blessés, sans compter les quatre journalistes étrangers blessés (deux Français et deux Russes).
illustration: Centre d’Information Unifié Arménien
Source: Lire l'article complet de Réseau International