Par Sabtain Ahmed Dar − Le 11 septembre 2020 − Source Oriental Review
Le 4 septembre 2020, Macron a prononcé une déclaration publique, au cours de laquelle il a affirmé ne pas être en position de porter un jugement quant à la décision prise par Charlie Hebdo de publier une caricature du prophète Mahomet — que la paix soit avec lui. Cependant, il n’a pas manqué d’affirmer que : « Au début du procès jugeant des attaques de janvier 2015, j’affirme qu’être français, c’est défendre le droit de rire, de railler, de se moquer et de caricaturer, dont Voltaire tenait qu’il s’agissait du premier de tous les droits ».
Macron a vanté la moralité de la démocratie et de la liberté d’expression en affirmant : « Ce n’est jamais le rôle d’un président de la République d’émettre un jugement sur les choix éditoriaux d’un journaliste ou d’une salle de rédaction, jamais. Nous avons la liberté de la presse ». [Sans doute Macron est-il le seul à ne voir aucune contradiction entre ce propos et la mise sur liste noire par les propres services de l’Élysée du média Russia Today, NdT]. « Il existe en France une liberté de blasphémer qui est attachée à la liberté de conscience. Je suis là pour protéger toutes ces libertés. En France, on peut critiquer un président, des dirigeants, on peut blasphémer », a-t-il affirmé.
Ce qu’a explicitement dit Macron ici, c’est que le droit de se moquer et de caricaturer, y compris en matière de religion, est un composant essentiel de l’identité française, quelles que soient les implications pour la société comportant une majorité de croyants. Aussi, la question qui se pose est : quelle idéologie Macron représente-t-il ? Pour répondre de manière franche et directe, il s’agit de l’idéologie de l’humanisme laïc. Depuis ce qu’on a appelé l’âge des lumières, cette idéologie prend une forme de religion, avec des vagues progressives, et désormais, elle atteint un stade où elle n’a plus aucune considération pour le Dieu unique de Moïse, de David, de Jésus et de Mahomet — que la paix soit avec eux. Afin de comprendre la nature du sujet, nous devons comprendre quels sont les mérites de la liberté d’expression, et comment, si cette liberté n’est pas contrôlée, elle peut amener à des affrontements mutuels.
Qu’est-ce que la règle de la liberté d’expression ? La liberté d’expression est le droit d’exprimer son idéologie et ses vues politiques, sans crainte de représailles politiques ou légales. Le principe de base de la liberté d’expression est d’empêcher la coercition, ce qui implique qu’il ne s’agit pas d’un permis légal de diffamer, calomnier, ou de médire. La règle universelle du « Droit » est qu’avec chaque droit vient un devoir, ou une responsabilité, car tout est relié dans l’intégrité de notre univers. Comme l’indique explicitement la Déclaration de Liberté religieuse : « Dans l’usage de toute liberté, chacun doit respecter le principe moral de la responsabilité personnelle et sociale : en exerçant leurs droits, les individus et les groupes sociaux sont liés par cette loi morale à respecter les droits des autres, par leurs propres obligations envers les autres, et par le bien commun. Chacun doit être traité avec justice et humanité. » De nos jours, dans ce système d’État-nation moderne, chaque nation qui défend la liberté d’expression positionne des limites légales autour d’elle, selon l’idéologie principale de chaque pays. Les États qui autorisent la pornographie interdisent la pédopornographie. Cependant, dans tous les cas, la pornographie et ses impacts sur la conscience humaine restent les mêmes. De même les États qui autorisent la liberté d’expression interdisent la propagande vicieuse et les incitations à la violence.
Il existe une différence codifiée entre l’agression et l’agression aggravée. La loi établit une différence entre les meurtres au premier et au second degré. Charlie Hebdo n’est pas innocent. Ce journal a volontairement offensé les sensibilités des mondes chrétien et musulman. Cependant, il est intéressant de noter que le journal n’a jamais provoqué les Juifs. Cette publication blasphématoire n’est pas étrangère aux controverses précédentes. Avant cela, Charlie Hebdo, alors publié sous le nom Hara-Kiri, avait été interdit durant une brève période en 1961, puis de nouveau en 1966, pour une durée de six mois. Après s’être moqué de la mort de Charles de Gaulle en 1970, le journal avait été interdit définitivement, ce qui avait contraint ses rédacteurs et refonder un journal sous le nom de Charlie Hebdo. Le journal avait arrêté toute publication en 1981, et n’était réapparu que par vengeance en 1991. Bien qu’il proclame défendre la liberté d’expression, Charlie Hebdo a mis à la porte Mona Chollet en 2000, après qu’elle avait protesté contre un article de Philippe Val décrivant les Palestiniens comme « incivilisés ». En 2008, le journal a également mis à la porte le dessinateur de caricatures politiques Maurice Sinet, connu sous le nom de Siné, pour avoir suggéré que Jean Sarkozy envisageait de se convertir au Judaïsme. Le journal ne soutient la liberté d’expression que lorsque celle-ci sert les intérêts laïcs et athées. En France, par exemple, il est interdit de fomenter la haine contre une nation, une race ou une religion, si cela encourage à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence envers un groupe spécifique. L’État français ne fait preuve d’aucune tolérance envers quiconque réfute l’Holocauste juif ou arménien. Il agit alors avec célérité et avec volonté contre tout ce qu’il peut percevoir comme une expression d’antisémitisme.
Mais aux yeux du monde musulman, l’hypocrisie de la France est scandaleuse. La France est [était… NdT] prête à interdire Hara-Kiri pour s’être moqué de Charles de Gaulle ; mais elle soutient la publication lorsque celle-ci humilie le prophète Mahomet et provoque évidemment la rancœur des Musulmans. La France fait des procès aux auteurs et aux comédiens français, pour cause de discours de haine, lorsque qu’ils critiquent les sionistes et Israël ; mais les haineux qui pratiquent la diffamation contre l’Islam conservent une liberté sans limite. Malgré des actions en justice répétées contre Charlie Hebdo, le journal a volontairement choisi de poursuivre sa campagne de propagande anti-Coran, ciblant intentionnellement ce que les Musulmans ont de plus sacré. Le journal a affirmé qu’il ne se moquait pas du Prophète ; qu’il tournait plutôt en ridicule les Musulmans. La majorité écrasante des Musulmans ne verrait aucune objection à ce qu’on tourne en ridicule les psychopathes et terroriste pseudo-musulmans. Les Musulmans le font sans arrêt à la télévision, à la radio et dans la presse écrite. Mais ce n’est pas Oussama Ben Laden ou Khalid Shaykh Mohammed que Charlie Hebdo a décidé de représenter sous des traits provocants. Au contraire, ils ont ciblé le prophète Mahomet, le dirigeant aimé de 1,5 milliards de Musulmans. Ce faisant, c’est une communauté toute entière qu’ils ont prise pour cible.
La France, comme le plus gros pays du monde occidental laïc, s’est clairement positionnée comme dar al-kufr ou Résidence de la non-croyance, et comme kuffar al-harbi, les infidèles en guerre contre l’Islam. Mais depuis des siècles, les Français ont de fait appartenu au dar al-‘ahd, la Résidence des croyants et, loin de kuffar al-harbi, ils se catégorisaient plutôt comme ahl al-kitab et ahl al-dhimmah, le Peuple du Livre, et le Peuple de la protection. Une telle coexistence entre Chrétiens et Musulmans fut rendue possible par les Croyants du Prophète Mahomet, qui représente le socle des droits en Islam. Les principes proclamés par les Croyants protégeaient tous les citoyens, nonobstant leur religion. Ces principes sont différents de la conception moderne des « droits de l’homme » et de la « laïcité », au sens que la souveraineté divine y restait suprême. Le système fondé sur les Croyants accordait les mêmes bénéfices sociaux que la laïcité, au travers d’un système à racine religieuse, décrété par le divin. Les Croyants du Prophète considèrent les droits de l’homme au niveau des droits divins. C’est Dieu qui accorde ces droits ; pas l’Homme. Ce fut un tel système qui permit au Royaume chrétien de France et au Califat ottoman de s’allier de manière stratégique au XVIème siècle, lorsque Français et Musulmans étaient amis. Mais depuis la montée de la franc-maçonnerie en Occident, depuis l’âge des lumières, la séparation de l’Église et de l’État, la chute du Royaume chrétien à l’Ouest, l’autorité suprême de Dieu et de ses lois a été prise pour cible par les soi-disant hommes des lumières. L’un d’entre eux s’appelait Voltaire, un homme qui joua un rôle de premier plan dans la chute de la chrétienté en France, un homme que Macron a récemment cité en défense de Charlie Hebdo. C’est pour cela que l’auteur a toujours affirmé que l’humanisme laïque est un chemin satanique visant à dévier le peuple de la foi loin du chemin de la lumière.
En conclusion, il est évident que tuer quelqu’un parce qu’il a diffamé, dénigré, ou calomnié ne constitue un acte ni juste, ni équitable. Il va de soi que Charlie Hebdo est l’une des armes utilisée dans la guerre de l’information par des éléments anti-chrétiens et anti-musulmans. Les outils de propagande contemporains utilisés pour la subversion sont plus mortels et bien plus dangereux qu’une armée prête au combat. Les soi-disant terroristes islamistes ne se battent pas pour l’Islam. Ils sont une armée par procuration, une cinquième colonne, au service du nouvel ordre mondial laïc. Les fondamentalistes laïcs utilisent des extrémistes religieux afin de détruire la religion et de discréditer le choix de l’Islam. Les terroristes takfiris sont utilisés comme prétexte pour l’intervention militaire, la guerre, et l’occupation. La finalité n’est pas le changement de régime, la démocratie, les droits de l’homme et la liberté d’expression. L’objectif stratégique est l’acquisition et la prise de contrôle des ressources naturelles.
Comme Dalil Boubakeur, l’Imam de Paris, l’a dit simplement : « Les terroristes takfiris/wahabites ne peuvent absolument pas parler du Mahomet historique, car le seul « Prophète » qu’ils suivent est Satan ». Dans le système légal en vigueur, sous l’humanisme laïc qui fait la loi en France, on laisse les gens cibler la Vierge Marie, Jésus, et Mahomet ; mais cela ne leur donne aucun droit moral de le faire. Dans un tel système légal, chacun a également le droit de coucher avec des prostituées transsexuelles droguées et infectées par des maladies sexuellement transmissibles ; mais cela n’implique pas qu’il s’agit là d’une chose moralement ou éthiquement acceptable. La loi établit les mérites du comportement considéré comme acceptable dans toute société. Pour utiliser des mots simples, elles établissent une norme. La morale et les valeurs, quant à elles, nous montrent comment nous devrions aspirer à nous comporter dans l’évolution de la civilisation. Les caricatures publiées par Charlie Hebdo peuvent bien être légales sous un système législatif fabriqué par l’homme ; cela ne change en rien le fait qu’elles sont blasphématoires, immorales, et contraires à l’éthique.
Sabtain Ahmed Dar
Note du Saker Francophone Un texte évidemment écrit par un religieux, mais hors de France : cela peut contribuer à comprendre l'image que projette notre pays à l'étranger. Et à chacun d'apprécier une certaine portée universelle de cet article, qui est tout sauf extrémiste. On a trouvé que ce texte, tout à fait décent, avait toute sa place dans un média comme le Saker Francophone.
Traduit par José Martí, relu par Wayan pour le Saker Francophone
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