Ceux qui croient que certains pays « perturbent la conversation publique » sur la politique américaine sont des idiots

Ceux qui croient que certains pays « perturbent la conversation publique » sur la politique américaine sont des idiots

Le 1 octobre 2020 – Source Caitlin Johnstone

Twitter affirme avoir suspendu 130 comptes iraniens qui « tentaient de perturber la conversation publique » pendant le débat présidentiel américain.

« Sur la base d’informations fournies par le FBI, nous avons retiré hier soir environ 130 comptes qui semblaient provenir d’Iran », peut-on lire dans un fil de discussion du compte Twitter Safety. « Ils tentaient de perturber la conversation publique lors du premier débat présidentiel américain de 2020. Nous avons rapidement identifié ces comptes, les avons retirés de Twitter et avons partagé tous les détails avec nos interlocuteurs, comme d’habitude. Ils étaient très peu suivis et n’ont pas eu d’impact sur la conversation publique. Notre capacité et notre vitesse continuent de croître, et nous resterons vigilants ».

Cette déclaration sans preuves est du même genre que la narrative, popularisée par la théorie du complot qu’est le Russiagate, disant que certains gouvernements étrangers cherchent à « semer la discorde » aux États-Unis en amplifiant les opinions politiques controversées des deux côtés du discours américain dominant. C’est complètement idiot, pour un certain nombre de raisons.

Tout d’abord, quiconque a regardé le naufrage qu’a été le premier débat présidentiel aux États-Unis se rend compte que l’argument selon lequel quelques comptes de médias sociaux pourraient rendre la conversation politique américaine plus polarisée, hostile et toxique que ne l’ont déjà rendu par les grands médias eux-mêmes et les élus, revient à dire qu’un tsunami a été amplifié par quelqu’un qui a jeté un dé à coudre plein d’eau dans l’océan.

L’ingérence des médias sociaux russes dans les élections de 2016, dont on a beaucoup parlé, s’est révélée être une plaisanterie consistant à verser quelques milliers de dollars pour des mèmes et des messages idiots touchant les deux côtés de la conversation politique, et dont la plupart se sont produits après les élections elles-mêmes. Les quelques exemples de tweets fournis par Twitter dans cette dernière soi-disant tentative de perturber la conversation publique en provenance d’Iran sont bien moins significatifs que cela, ne disant rien de particulièrement remarquable et semblant, bizarrement, se ranger du côté de Trump.

L’idée que tout cela puisse avoir un quelconque effet digne de mention sur le vortex de vitriol irrationnel qu’est le discours politique américain n’a aucun sens, et une fois de plus Twitter lui-même admet que ces tweets « n’ont pas eu d’impact sur la conversation publique ». La réponse de Twitter est une mélodramatique attaque contre des ombres qui ne fait qu’aider à donner de l’ampleur à la narrative du Département d’État américain disant que l’Iran s’efforce d’interférer dans la démocratie américaine.

Deuxièmement, le postulat est entièrement faux car les autres nations ont tout à fait le droit d’influencer le discours politique américain. Les États-Unis utilisent leur puissance militaire et économique pour intimider et manipuler le monde conformément à leurs programmes ; c’est en soi un scandale, et il semble logique que des gens du monde entier cherchent à exercer une influence sur la conversation politique de ceux qui, contrairement à eux, sont capables d’exprimer des votes qui influencent le gouvernement américain. N’importe qui, dans n’importe quelle nation du monde, se trouve bien à l’intérieur de ses frontières souveraines pour influencer le discours politique d’une nation dont le gouvernement n’honore la souveraineté nationale d’aucune autre nation.

Et ceci est particulièrement vrai pour des nations comme l’Iran, car il n’est pas exagéré de dire que la politique américaine affecte les Iraniens plus qu’elle n’affecte les Américains. La vie des Américains a été beaucoup moins touchée par l’administration Trump que celle du peuple iranien, par exemple, alors que de nouvelles sanctions qui entraînent une famine sont imposées pour que le prix des biens essentiels monte en flèche, que les Iraniens malades aient du mal à obtenir des médicaments vitaux et que la vie en général devienne beaucoup plus difficile pour les civils iraniens les plus pauvres et les plus fragiles.

Lorsque Trump a failli déclencher une guerre avec l’Iran au début de cette année, les Américains s’inquiétaient du prix du pétrole tandis que les Iraniens craignaient que leurs enfants ne soient déchiquetés par des explosifs largués du ciel. Ces dégâts ne sont pas équivalents, et ne sont même pas proches.

Il est absurde de prétendre que les Iraniens – ou même le gouvernement iranien – ne devraient pas être autorisés à exercer une quelconque influence sur la façon dont les gens parlent d’un gouvernement qui fait une telle chose. Un tel point de vue ne semble acceptable que dans le cadre de la vision du monde suprémaciste américaine qui considère les Américains comme meilleurs, plus dignes et plus importants que les gens qui vivent dans d’autres nations.

Troisièmement, il n’est pas légitime que des entreprises technologiques monopolistiques s’alignent sur le gouvernement américain et censurent ensuite les discours d’une manière qui profite toujours à ce gouvernement. Ces médias sociaux purgent systématiquement les comptes des nations qui ont résisté à l’absorption par l’alliance du pouvoir centralisé américain, tandis que des trolls connus, comme le faux compte Twitter « Heshmat Alavi » de la secte terroriste MEK, sont libres d’influencer le discours politique américain parce que leur orientation anti-Téhéran s’aligne sur celle du gouvernement américain.

Lorsque vous avez des géants technologiques monopolistiques qui s’allient à des agences gouvernementales comme le FBI pour mettre en place une censure qui s’aligne sur le gouvernement américain, cela devient une censure gouvernementale. Il n’y a pas d’autre manière de la nommer. Nous avons appris en août dernier que Twitter, Facebook, Google et d’autres plate-formes très influentes collaborent avec le gouvernement américain pour empêcher toute influence étrangère à l’approche des élections américaines, et il n’y a aucune raison de croire que cette relation entre l’entreprise et l’État sera moins confortable après le 3 novembre.

Dans un système de gouvernement corporatiste, où le pouvoir des entreprises est inséparablement lié au pouvoir de l’État, la censure des entreprises est une censure d’État. Chaque chose horrible que le gouvernement américain accuse les autres nations de faire est une chose qu’il fait lui-même de façon routinière. Le contrôle de plus en plus autoritaire sur l’information et la communication n’en est qu’un exemple de plus.

Caitlin Johnstone

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

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