La reprise des hostilités dans le vieux conflit du Haut Kara Bagh* constitue l’une des premières tentative de mettre un terme à un conflit à sommes nulles de longue durée par la seule force militaire. La montée en puissance de l’Azerbaïdjan dans l’ombre de l’émergence de la Turquie et sa coopération technique avec Israël laissaient prévoir un tel scénario. En face, l’Arménie bénéficie toujours du double soutien russe et européen mais sur le terrain seul l’apport militaire russe pourrait probablement sauver la posture stratégique d’Erevan.
C’est l’aspect superficiel des choses. Une perspective à grand angle démontre que les stratégies suivies par les uns et les autres sont loin de fournir une narration intelligible d’un plan dépassant le cadre du conflit du Haut Kara Bagh mais englobant une manipulation stratégique suivant les nouvelles caractéristiques des conflits post-Syrie et significatif du conflit en Libye où les fronts sont aussi flous et ambiguës que la posture des intervenants et des protagonistes.
Cette impossibilité à identifier les enjeux supérieurs transcendant l’enjeu-purement territorial- de cet ancien conflit caucasien que même la rigueur soviétique n’a pas réussi à atténuer nous laisse dans le brouillard de la guerre mondiale hybride en cours. Encore une fois, quelle que soit l’issue à court terme de ce conflit, les flancs de la Russie demeureront menacés.
A un niveau plus bas, l’Azerbaïdjan vise cette fois la reprise « définitive » du Haut Kara Bagh par la seule force des armes et dans ce cas de figure ce pays dispose actuellement de la domination aérienne grâce non pas à des systèmes d’armes turcs et israéliens mais à l’adoption de nouvelles tactiques turques en matière de gestion des essaims de drones d’attaque, l’une des thématiques majeures des forces aériennes US pour les trente prochaines années. Cette capacité, couplé à un système cybernétique, en est encore à ses balbutiements mais parvient actuellement à neutraliser des colonnes blindées au sol avec une facilité parfois déconcertante.
Cet aspect de la guerre dans le Haut Kara Bagh est commun aux conflits syrien et libyen. Cela rappelle que tout mouvement sur l’échiquier compliqué davantage toute tentative d’identification des intentions réelles des joueurs.
Dans le cas du Haut Kara Bagh, l’escalade des hostilités et le pilonnage des villes d’Azerbaïdjan et d’Arménie augure d’une extension du domaine de la lutte fort risquée. La guerre des villes a démontré qu’elle est de nature a radicaliser des opinions chauffées à blanc par leurs systèmes de formatage respectifs (la propagande ne parvient à capter dans le meilleur des cas que 40 % de la population). C’est un chemin fort périlleux que la Russie et la Turquie devront déminer à tout prix. Dans ce schéma, la posture stratégique turque demeure incroyablement difficile à cerner: la ré-emergence de la Turquie en tant que puissance renforce t-il les capacités en guerre hybride de Washington, et dans ce cas le bras armé de la nouvelle stratégie impériale ou relève t-il d’une autre dynamique propre à un déterminisme historique assez spécifique relatif à la résurgence subite des vagues turco-mongoles à travers l’histoire?
On le saura dans les semaines à venir. Pour le moment, la multiplication des points de friction sur fond de crise biologique exploitée par l’ingénierie de la manipulation sociale laissé entendre que nous sommes milieu d’une guerre mondiale hybride à somme nulle et où les facteurs de déception et de tromperie ont atteint un coefficient très élevé.
Ce pandemonium stratégique et biologique cache mal une transformation d’un système d’exploitation économique universel au profit de nouvelles oligarchies qui met à mal des anciennes élites prêtes à tout pour sauvegarder le statu quo. D’où le muselement universel des individus réduits à de simples numéros lorsqu’ils existent. C’est désormais un système où le degré de désordre est en hausse proportionnelle à toutes les échelles et niveaux possibles.
*Le Karabagh ou pour être plus précis le Kara Bagh est formé des deux termes turc: Kara, signifiant noir; et persan Bagh, signifiant jardin. A titre d’exemple, Baghdad, dérive de Bagh ou jardin et renvoie à des réminiscences relatives aux jardins de Babylone, même si la capitale irakienne est bâtie sur l’ancien Ctesiphon, capitale de l’Empire Sassanide.
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