Le hasard nous offre parfois de ces raccourcis historiques…
Ceux qui ont lu le livre de votre serviteur se rappelleront peut-être ce passage. Les autres le découvriront :
Boulevard de Sébastopol, Pont de l’Alma, Malakoff, rue d’Odessa… Ces noms sont familiers aux Français, qui ignorent cependant souvent à quoi ils se réfèrent. Tombée dans les limbes de l’oubli, la Guerre de Crimée, qui oppose de 1853 à 1856 la Russie à une improbable coalition anglo-franco-turque, est pourtant d’une incroyable modernité. La déliquescence au XIXe siècle de l’empire ottoman, « l’homme malade de l’Europe », attise la convoitise de la Russie qui y voit un moyen d’accéder aux mers chaudes, son rêve de toujours. Pour l’Angleterre, c’est un casus belli. Maîtresse de l’océan depuis Trafalgar, très sourcilleuse sur la « sécurité internationale des détroits » (traduire : son propre contrôle sur les détroits), elle ne peut accepter que la Russie acquière trop d’influence en Méditerranée et en Orient. Londres vole donc logiquement au secours du sultan, embarquant au passage la France de Napoléon III.
Cette guerre extrêmement meurtrière – 700 000 morts dont 95 000 soldats français – se solde par la défaite russe et devient un archétype pour les siècles à venir. La thalassocratie anglo-saxonne entrave la Russie sur son flanc, manœuvre dans son ventre mou méridional, y joue contre elle la carte de l’Islam et use de ses alliés, véritables idiots utiles qui ne savent en réalité même pas pourquoi ils combattent… Un chef-d’œuvre stratégique dont les Américains reprendront ensuite bien des éléments, en Afghanistan, en Ukraine ou ailleurs.
On ne pouvait mieux dire…
4 octobre 2020, même endroit. Au cimetière militaire français de Sébastopol, les Russes rendent hommage aux soldats de l’héxagone tombés en Crimée, lors d’une cérémonie au cours de laquelle sont inhumés les restes de 155 combattants. Gerbes, drapeaux tricolores, Marseillaise, soprano… mais aucun représentant officiel français.
En bons successeurs de Napoléon III, les dirigeants actuels continuent de se tirer une balle dans le pied pour les beaux yeux de l’empire anglo-saxon, américain cette fois. Au-delà du symbole cérémonial, assez lamentable d’ailleurs, il y a bien sûr les suicidaires sanctions, qui ont certes coûté à la Russie, mais presque autant à l’euronouillerie. Nous l’avons évoqué à maintes reprises, dès 2015 :
Quasiment passé sous silence dans notre presse « libre », le d’un institut autrichien qui montre que les sanctions et contre-sanctions sont susceptibles de faire perdre à la France 150 000 emplois et deux millions d’emplois à l’Europe !
Le Figaro, qui était l’un des commanditaires du rapport, n’a pu le cacher. Mal à l’aise, de dédouaner la politique suicidaire de l’UE en blâmant la « crise économique russe » alors que c’est évidemment le régime de sanctions et contre-sanctions, et lui seul, qui est responsable de ce désastre.
Cinq ans après, les sanctions coûtent encore un milliard et demi d’euros par mois à l’UE, bonne poire dans cette affaire. Car parmi les pays occidentaux les ayant introduit, on ne sera évidemment pas surpris d’apprendre que 92% du manque à gagner frappe d’abord et avant tout les euronouilles, éternels dindons de la farce américaine.
De Napoléon III au capitaine de pédalo, de la Crimée du XIXe siècle à celle du XXIe, d’un Grand jeu à l’autre, l’idiotie utile dans toute sa splendeur…
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