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par Karine Bechet-Golovko.
Il aurait pu l’écrire avec son sang sur la paroi des WC de l’avion, « Poutine m’a tuer », mais comme il est vivant et sans séquelles, Navalny s’est contenté d’une déclaration tonitruante à la presse allemande. Et puisqu’il le dit, puisqu’il suit à la lettre le discours des politiciens occidentaux qui ont tant besoin d’une victime sacrificielle – mais bien vivante pour faire durer le plaisir, puisque du coup la presse le reprend en chœur sans même émettre de doute, ça veut dire que c’est « vrai ». C’est Poutine, le grand, le méchant, l’horrible Poutine. De toute manière, tout ce beau monde ne semble connaître personne d’autre en Russie. Le tribunal politico-médiatique a tranché, maintenant l’UE demande une enquête « indépendante » à la Russie, c’est-à-dire une enquête qui doit confirmer que c’est bien Poutine le coupable. Sinon, l’enquête ne serait pas indépendante. Bref, le feuilleton est fait pour durer et la Russie dénonce avec justesse une attaque coordonnées menée par les États étrangers.
Grande interview de « l’opposant N°1 » à Poutine, l’opposant à 2% (il fait concurrence à Tikhanovskaya en Biélorussie, qui ouvre la voie) : je me suis senti mourir, j’ai mis de l’eau sur le visage aux toilettes, j’ai crié en agonisant et les pilotes ainsi que le personnel médical m’a sauvé. Mais ils ont été sous pression du Kremlin (What else ?) et ont retardé mon transfert en Allemagne (où, au passage, il a reçu le même traitement). Mais je suis bel et bien vivant grâce aux médecins allemands (no comment) et je suis certain que c’est Poutine qui a voulu ma mort :
« Poutine est derrière ce crime. Je n’ai pas d’autres explications pour ce qui s’est passé ».
Difficile de faire plus pitoyable dans le pathos et le ridicule, mais passons. Ce besoin d’exister en Russie, alors qu’il est depuis longtemps un cadavre politique relève plus de Freud que de l’analyse politico-juridique. Mais si Choupinet ne voit pas d’autres explications, on peut l’aider.
Comme nous l’avions dit, son côté grand opposant est surtout réel dans les médias occidentaux. Dans le pays, il ne représente aucune force politique, c’est un activiste. Et il est payé pour ça. Donc, même quand il s’est présenté aux élections du Maire de Moscou contre Sobianine en 2013, il a eu besoin de l’aide de Russie Unie, aide qu’il a accepté. En la dénigrant, en la critiquant, en faisant la fine gueule, mais en la prenant des deux mains (voir notre texte ici).
Autrement dit, politiquement, Navalny ne présente pas plus de danger que la mouche du coche.
En revanche, cet épisode, particulièrement bien mis en scène et médiatisé dans les règles de l’art, permet de faire oublier la chute vertigineuse de son influence en Russie, le ridicule des petites soirées progressistes et tolérantes de son alliée Sobol fêtant l’opération de comm aux élections locales (voir ici), la difficulté à mettre dans la rue des personnes en âge de voter. Bref, faire oublier que c’était un projet perdant. Et son aura politique doit reprendre des couleurs (voir notre analyse ici). Il annonce donc son retour en Russie … prochainement. Enfin, plus tard. Bref, un jour, il rentrera, fantasmant manifestement un voyage à la Lénine. Sans avoir à faire le travail, sans projet constructif pour le pays. Juste le voyage, la gloire et le pouvoir, sans les obligations ou les contraintes.
Très justement, Viacheslav Volodine, président de Douma, a remis les points sur les i, dans un style assez fleuri, rare chez lui, qui souligne l’exaspération extrême que provoque ce roman-photo en Russie :
« Navalny est une canaille qui n’a honte de rien. Poutine lui a sauvé la vie. Si tout ce qui s’est passé a été organisé par les services secrets occidentaux, alors ses déclarations prennent tout son sens. Tous ont sincèrement tenté de le sauver, des pilotes, aux médecins, au Président. Le Bundestag allemand ne veut pas constituer un groupe d’expertise avec la Douma russe pour faire la lumière sur ce qui s’est passé. La Russie, malgré les demandes officielles envoyées, n’a rien reçu, ni échantillons, ni compte-rendus des médecins qui ont examiné Navalny à l’hôpital. Cela démontre une fois de plus que tout cela a été organisé de l’étranger, pour mettre la Russie sous pression au moment de l’annonce des résultats des élections présidentielles en Biélorussie, pour bloquer notre pays et nous empêcher de défendre la souveraineté de cet État allié. Ceux qui voulaient prendre le contrôle de la Biélorussie ont échoué. Ce sont les maillons d’une même chaîne. Il est absolument évident que Navalny travaille pour les services spéciaux et les gouvernements étrangers. Qu’il travaille dans leur intérêt ».
Et en effet, la question se pose depuis longtemps, mais avec cette affaire, il devient difficile d’avoir des doutes. Posons cette simple question : à qui profite le crime ? En l’occurrence, quel intérêt pour « Poutine » de se débarrasser de quelqu’un, qui ne présente aucun danger ? Aucun. En revanche, les gouvernements atlantistes relancent un projet, qui coûte cher et rapport peu, car Navalny n’arrive pas à déstabiliser la situation intérieure du pays. Activer Navalny sous forme de « victime du régime », avec une mise en scène chimique encore plus ciblée qu’avec les Skripal, autrement dit faire de la Russie un État criminel gouverné par un monstre, au moment où la Biélorussie est sous attaque, avec la réactivation du Karabakh (qui peut couper le dernier lien entre l’Arménie et la Russie si elle n’est plus ce pays apte à les protéger), là, ça a un sens.
Et l’UE va faire durer le plaisir. Elle demande une enquête « indépendante », c’est-à-dire une enquête qui confirme les accusations politico-médiatiques portées. Et elle promet de revenir sur le sujet mi-octobre au prochain sommet.
L’on sent bien une accélération de l’offensive, une offensive stratégique lancée parallèlement sur différents fronts contre la Russie, pour faire tomber les dernières bribes de résistance politique au monde global.
source : http://russiepolitics.blogspot.com
Source: Lire l'article complet de Réseau International