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À première vue tout porte à croire que la presse nationale est tombée sur la tête, et son enthousiasme fébrile suite aux événements de Biélorussie a pu dérouter certains d’entre nous. « Des dizaines de milliers de personnes réunies pour une ‘Marche de la liberté’ », lit-on avec effarement dans Le Parisien du 16/08/2020, qui parle même de « marée humaine dans les rues de Minsk », sans avoir l’air de s’en alarmer le moins du monde. Nos médias auraient-ils perdu subitement toute déontologie ?
Déjà, on se demande à quoi sert qu’il y ait une épidémie, si c’est pour que les gens défilent quand même dans les rues. Mais à voir qu’en plus, chacun se balade à visage découvert et sans la moindre distance physique de précaution, difficile de ne pas comprendre qu’une catastrophe sanitaire est en marche, à laquelle les forces de l’ordre biélorusses essaient tant bien que mal de faire face mais comment verbaliser autant de contrevenants à la fois ? « La réaction des autorités n’a fait qu’augmenter le nombre des manifestations », se réjouit le Huffington Post du 17/08/2020. Ces prétendus « manifestants » (vraisemblablement d’extrême-droite et/ou adeptes de théories du complot) se croient peut-être invincibles ? ont-ils seulement pensé aux autres, aux hospitaliers, aux infirmières ? n’ont-ils pas, dans leur entourage, des personnes vulnérables ?
Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises puisque bizarrement, Emmanuel Macron tient le même discours que l’ensemble des médias : « L’Union Européenne doit continuer de se mobiliser aux côtés des centaines de milliers de Biélorusses qui manifestent pacifiquement pour le respect de leurs droits », tweete-t-il dès le 16/08/2020. Comment le chef de l’État Français peut-il soutenir des égoïstes criminels ? Que lui est-il arrivé ?
La Croix du 09/08/2020 nous livre quelques pistes de compréhension : en Biélorussie, « les revenus stagnent depuis dix ans, l’économie en crise limite la redistribution des richesses, et le chômage réel est en progression ». Nous avons du mal à imaginer qu’un tel pays puisse exister, mais quoi qu’il en soit, n’y a-t-il pas moyen d’exprimer sa frustration sans contaminer tout le monde ? N’ont-ils pas, là-bas, des réseaux sociaux par exemple ? Selon BFMTV, il faut également prendre en compte « la sclérose et la corruption qui gangrènent l’État ». Mais comment pourrions-nous nous représenter, en France, ce que c’est qu’un État gangrené par la corruption ? Nous n’en avons pas la moindre idée.
« La Covid-19 […] a marqué le début d’une crise aiguë », nous apprend finalement le Huffington Post du 17/08/2020. « Le système de santé n’a pu gérer l’expansion du virus qui a déjà provoqué des milliers de morts »[1]. Cette fois, nous tombons des nues. Des milliers de morts ? En Europe ? Comment est-ce possible ? Le gouvernement biélorusse n’a donc pas songé à se doter d’un conseil scientifique, travaillant main dans la main avec les fleurons de l’industrie pharmaceutique afin de responsabiliser la population ?
Justement non, et c’est là que le bât blesse : en Biélorussie les gens sont contraints à circuler librement, au lieu de raser les murs comme dans n’importe quelle démocratie normale. En effet, le président « exclut d’interdire aux citoyens de sortir de chez eux » (Les Echos 08/04/2020). Il faut dire qu’il s’agit d’un « régime au discours extrêmement populiste » (Europe 1) sous la houlette d’un « campagnard populiste » (Libération) devenu « pionnier européen du populisme autoritaire » (Le Figaro).
Entre nous, est-il permis de blâmer un peuple écrasé par le populisme ? Loin de nous cette idée car toute réflexion faite, il saute aux yeux que nous avons affaire non à des aigris en mal de repères mus par la haine du vivre-ensemble, mais à une authentique mobilisation citoyenne dépassant les clivages, et refusant d’être déresponsabilisée par un régime illibéral !
Déjà en 2010, Le Point dressait un portrait éloquent de Alexandre Loukachenko, « dirigeant paternaliste et autoritaire » « supportant difficilement la contradiction », à la tête d’un « régime où les médias sont muselés », « dernier dictateur d’Europe »[2] qui « dirige ce pays d’une main de fer » et aurait développé « des penchants paranoïaques ». Inutile d’en dire plus, nous en savons déjà trop. Et nous nous repentons d’avoir douté un moment de la clairvoyance de notre Président, dont la pensée complexe ne l’est finalement pas tant que ça.
Le cluster qui venait du froid
Nous aurions ouvert les yeux à temps, si nous n’étions pas passés à côté du cri d’alarme de Andreï Vaitovich – journaliste et réalisateur – paru dans Libération dès le 15/04/2020, et au titre pourtant accrocheur : « La Biélorussie, une menace démocratique et sanitaire pour l’Europe ». Dans cette tribune bouleversifiante, nous découvrons l’insoutenable : « Pas de fermeture des écoles, restaurants, bars, boîtes de nuit, centres commerciaux, stades de foot », et ce malgré « les graffitis qui s’étalent sur les murs du pays et réclament un même mot : confinement ».
C’est à peine croyable. Dans les pays libres, on peut être mis en résidence surveillée à tout moment, et avant même d’avoir eu à le demander. Mais en Biélorussie – dernier pays où agit encore le KGB – les choses ne sont pas si simples, et pour défendre un droit aussi élémentaire que celui d’être bouclé chez soi sous peine d’amende, il n’y a pas d’autre choix que de descendre dans la rue. Quel régime est-ce là ? même Adolf Hitler n’aurait jamais refusé d’emmurer son peuple.
Ce qu’il faut comprendre d’abord c’est que Loukachenko – comme tous les dictateurs, si on y réfléchit bien – est fou. « Pour lui, la santé de ses concitoyens, mise en péril par la « pandémie », est moins importante que son taux de popularité », tacle sans concessions le Huffington Post. Le fait que ce fils unique d’une fermière soit né de père inconnu a-t-il joué un rôle dans sa décision d’exterminer les habitants de son pays ? Rien ne permet de l’exclure même si bien entendu, cela ne nous regarde pas. Une seule chose est sûre, un pareil individu ne mérite pas d’être sur Terre.
Pris au piège de sa vision archaïque, le satrape biélorusse (dixit François Bonnet dans Mediapart) est dans le déni de la « pandémie » (ce qui ne surprend guère venant d’un paranoïaque) : il voit dans cette crise une « psychose » alors que nous n’avons jamais été aussi ouverts et détendus, et aurait été jusqu’à utiliser l’expression « épidémie saisonnière » à propos du plus grand Virus de tous les temps, ce qui est une insulte caractérisée. Comment un dirigeant qui ne respecte même pas le (ou la) Covid(e) 19 pourrait-il être compatible avec les valeurs républicaines ? À ce stade, la question ne se pose même plus.
Début mai, en pleine explosion virale, alors que étions tous terrés derrière nos balcons à taper dans nos mains, Loukachenko n’a rien trouvé de mieux que de célébrer en plein air la victoire de 1945 sur nos amis allemands, ce qui est clairement une provocation stalinienne et un défi au monde libre.
Dans un contexte aussi effroyable, comment peut-il encore y avoir des dizaines de milliers de personnes dans les rues de Minsk, alors qu’en toute logique leur ville devrait déjà être rayée de la carte depuis des mois, ainsi que toutes celles des environs ? C’est que malgré la désinvolture du régime et sa sécheresse de cœur, la mortalité n’est pas vraiment au rendez-vous en Biélorussie, classée au 63e rang mondial avec 86,2 morts par million d’habitants soit au bas mot cinq fois moins que la France (16e rang mondial avec 473,6 morts par million d’habitants), alors que le gouvernement français a pourtant démontré son ardeur en s’agitant d’une façon proprement vertigineuse.
Bien entendu nous ne sommes pas dupes face aux statistiques d’un ancien directeur de kolkhoze, mais ce qu’il faut d’abord voir ici c’est que même si elles étaient vraies, ces statistiques ne voudraient positivement rien dire. En effet nous savons maintenant que c’est lorsque la mortalité est au plus bas qu’il y a le plus de souci à se faire, car c’est justement un signe que le SARS-CoV-2 prépare quelque chose. N’en déplaise aux bisounours et à leurs courbes en cloche, qui peut croire qu’il s’agit d’un virus assez idiot pour tout lâcher alors qu’il a une population sans défense sous la main ?
L’insoutenable légèreté de la dictature
Bien qu’il mérite sans conteste le titre de pire leader mondial dans la gestion de la « pandémie », il va sans dire que Loukachenko n’a pas ménagé ses efforts pour donner le change : le 12 février 2020 soit avant même l’apparition du premier cas dans le pays, l’entreprise publique Slavyanka lançait la production de masques « afin de munir les Biélorusses d’un matériel de protection et éviter la panique » (source Wikipedia).
Or chacun se souvient qu’à cette époque, nous savions déjà pertinemment que les masques ne sont d’aucune utilité (et la meilleure preuve, c’est que nous n’en avions pas). Dès le 26 février, Olivier Véran était on ne peut plus clair : « aujourd’hui comme demain, une personne asymptomatique qui se rend dans des lieux publics n’a pas à porter de masque ». « Il n’y a pas de preuve que le port du masque dans la population apporterait un bénéfice », confirmait Édouard Philippe. « Ce serait même plutôt le contraire », ajoutait-il, pointant le danger imminent d’une « mauvaise utilisation ».
Pour éviter que les Français utilisent leur masque n’importe comment et nous plongent dans une 2e vague avant même d’avoir fini la première, un décret du 3 mars interdisait donc aux pharmaciens de leur en vendre : « Gare à ceux qui ne respectent pas la loi », avertissait Le Monde du 16/04/2020. « Le 20 mars à Annecy, le gérant d’une officine a été poursuivi pour avoir vendu 230 masques à prix coûtant. Le lendemain, à Lyon, un praticien a été interpellé et placé en garde à vue pour ‘vente illicite de masques’. Tous deux risquent six mois de prison et 10 000 euros d’amende ».
Pendant ce temps, sous le régime ubuesque de l’autocrate biélorusse, des masques étaient mis à la disposition de la population malgré l’avis de Édouard Philippe, de Olivier Véran et de Sibeth Ndiaye… Comprenne qui pourra ! Comme il fallait malheureusement s’y attendre, les autorités sanitaires internationales n’y ont vu que du feu : « le représentant de l’OMS déclare le 13 mars que le pays ne connaît aucun cas de transmission incontrôlée. Selon lui, « des mesures strictes ne sont pas recommandées à ce stade du point de vue de l’OMS, ce que fait la Biélorussie est suffisant pour le moment ». Bref, un blanc-seing au laisser-faire, et une porte ouverte aux dérives les plus totalitaires. Un tel aveuglement, qui n’est pas sans rappeler celui des négociateurs de Munich à la veille des heures les plus sombres de notre Histoire, ne doit pas nous surprendre : nous savons que contrairement aux pays libres, les dictatures s’y entendent dans l’art de séduire, et que la poudre aux yeux est une de leurs armes favorites.
« Le Belarus a réussi à maintenir un système de santé qui fournit un ensemble de soins à la population entière, qui est généralement gratuit pour le bénéficiaire. Cet accomplissement est remarquable », écrivait ainsi en 2008, dans un style pour le moins tendancieux comme on peut le voir, la revue de l’Observatoire européen des systèmes et politiques de santé. Selon Wikipedia, « le pays dispose du plus grand nombre de lits d’hôpitaux par habitants d’Europe : 113 pour 10 000 habitants en 2014, contre 64 en France ». Comment expliquer ce décalage avec la France, qui est pourtant le pays le plus avancé du monde dans tous les domaines ? En réalité, il s’agit d’un choix. Certains pays mettent un point d’honneur idéologique à posséder un véritable arsenal de santé. En soignant les gens à tout bout de champ, ils espèrent minorer l’impact de l’épidémie à des fins évidentes de propagande, car autant être clairs, les pays affichant des taux de mortalité anormalement bas n’appartiennent pas toujours, loin s’en faut, au camp de la démocratie et de la transparence[3].
En ce qui nous concerne, nous avons fait le choix de la responsabilité, en n’hospitalisant que les mourants de façon à ne pas fausser les statistiques. Chez nous les chiffres sont fiables, car nous avons toujours veillé à ce qu’ils reflètent la catastrophe dans toute son amplitude. D’autre part nous savons grâce au préfet Lallement (un de nos plus éminents spécialistes de la démocratie libérale) qu’il existe une « corrélation très simple », si simple même qu’à force de relâchement, on l’avait presque oubliée : ceux qui sont hospitalisés, qu’on trouve dans les réanimations, sont ceux qui au début du confinement ne l’ont pas respecté.
Pourquoi la collectivité devrait-elle prendre en charge, au prix d’un pognon de dingue, des individus qui ont cru échapper aux règles de la démocratie et du vivre-ensemble, et viennent maintenant se plaindre parce qu’ils sont malades ? Avec fermeté mais sans haine, nous les renvoyons chez eux avec une boîte de Doliprane. Et s’ils ne sont pas en état de comprendre ce qu’on leur dit, nous leur injectons du Rivotril histoire de les calmer une bonne fois pour toutes. Combien de fois faut-il que Jean Castex le répète ? La démocratie, c’est la responsabilité.
En revanche, un pays où les urgences n’affichent pas complet, et où on peut sortir de chez soi sans risquer d’être interpellé par la police à tous les coins de rue, doit-il encore être considéré comme une démocratie ?
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[1] Il s’agit bien entendu de milliers de morts potentiels puisque depuis le début de la « pandémie », le nombre total de décès enregistrés en Biélorussie est de 818 (ce qui laisse présager le pire si nous ne faisons rien).
[2] Expression de George W. Bush, ex-président américain et figure tutélaire de la gauche française en matière de paix et de démocratie.
[3] Morts du Covid 19 par million d’habitants dans les pays totalitaires, paternalistes ou illibéraux (ou les trois à la fois): Syrie 11; Cuba 10,8; Chine 3,3; Vietnam 0,4; Cambodge 0 (source Our World in Data).
source : https://www.levilainpetitcanard.be
Source: Lire l'article complet de Réseau International