Au cas où vous vous poseriez la question : c’est quoi la différence entre une prétendue « extraterritorialité » de la loi (comme les Etats-Unis contre Julian Assange) et une « compétence universelle », comme lorsque l’Espagne a poursuivi le général Pinochet pour crimes de torture ?
La compétence universelle consiste pour une juridiction (un Etat) à se déclarer « compétente » pour poursuivre certains crimes, notamment les crimes contre l’humanité. La juridiction « assume » le rôle de justicier pour des crimes commis hors de sa juridiction mais relevant du droit international. (A noter que cette compétence universelle est déclarée et non pas présumée.) Il ne s’agit pas – dans le cas de l’Espagne – d’étendre sa juridiction mais de se déclarer compétent pour poursuivre des violations du droit international. C’est la reconnaissance du droit international et une forme de mise en pratique de celui-ci.
Pratiquement à l’inverse, l’extraterritorialité n’est pas la reconnaissance du droit international mais une tentative d’imposer unilatéralement un droit local. En ce sens, l’extraterritorialité est en réalité une violation du droit international. Dans le cas des Etats-Unis contre Julian Assange, il convient de noter que les Etats-Unis n’ont jamais « annoncé » la compétence universelle de leur loi d’Espionnage de 1917. Ils ont juste décidé un jour qu’elle s’appliquait de manière extraterritoriale. Oui mais, quand ont-ils annoncé (prévenu) que cette loi s’appliquerait, selon eux, partout et à tous ? A ma connaissance, jamais.
Ce qui signifie que « même si » on admettait une extraterritorialité (pure hypothèse), il manque un élément crucial : la déclaration de son extraterritorialité. En effet, comment Julian Assange pouvait-il savoir qu’il violait une loi des Etats-Unis si les Etats-Unis n’ont jamais annoncé que leur loi avait un caractère extraterritorial ?
Nous sommes donc en train d’assister à une double-manoeuvre qui va à l’encontre de toutes les normes juridiques communément admises :
1) une prétention à l’extraterritorialité (déjà illégale en soi)
2) une application rétroactive « sortie du chapeau » car jamais annoncée. Et la rétroactivité, en matière pénale, est une abomination (dont les Etats-Unis sont coutumiers, cf la Loi Helms-Burton de 1996)
Viktor Dedaj
Je crois que je vais me réincarner en avocat
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir