Le nombre de décès qu’entraîne la COVID-19 en ce moment au Québec, alors que s’amorce la seconde vague, n’a rien à voir avec l’hécatombe que l’on a connue lors de la première vague. Plusieurs facteurs permettent d’expliquer cette différence dans la mortalité.
Le 28 avril, alors que l’épidémie sévissait dangereusement, on dénombrait 128 décès au Québec, tandis que, le 22 septembre dernier, on en comptait seulement 3. Des chiffres qui donnent vraiment l’impression que l’infection est moins féroce qu’elle ne l’était au printemps.
Dans la majorité des pays qui sont en plein dans la deuxième vague, les taux de mortalité semblent être, là aussi, moins élevés que lors de la première vague. On le voit en Italie et dans d’autres pays d’Europe, fait remarquer le Dr Donald Vinh, infectiologue et immunologiste au Centre universitaire de santé McGill (CUSM).
Mais pour expliquer ce phénomène, les chercheurs avancent plusieurs hypothèses. « Peut-être que le virus est plus faible. C’est une hypothèse qui est avancée, mais qui n’est pas prouvée. Chose certaine, ce n’est probablement pas la raison principale », affirme le Dr Vinh.
Selon un effet connu en épidémiologie, la première vague ayant décimé majoritairement les personnes les plus vulnérables, soit les personnes âgées et les personnes ayant déjà des problèmes de santé, restent alors des gens qui sont moins vulnérables ou peu vulnérables lors de la seconde vague, poursuit-il.
« Peut-être que le virus a changé légèrement et que ce changement lui permet de se transmettre plus facilement parmi les jeunes que parmi les aînés. De plus, le comportement des jeunes contribue bien sûr à ce phénomène. La seconde vague pourrait ainsi cibler davantage les personnes plus jeunes en raison de leur manque de respect des consignes. Or, nous savons que les jeunes sont moins à risque de souffrir gravement de l’infection. Cela pourrait expliquer pourquoi nous voyons une diminution de la mortalité », indique-t-il.
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« En ce moment, comme on fait beaucoup plus de dépistages chez des personnes asymptomatiques, tels des jeunes qui sont allés à des partys, on dépiste plus de gens qui seront peu malades, car les jeunes sont habituellement nettement moins malades que les plus âgés », renchérit le Dr Marc Dionne, médecin en santé publique au Centre de recherche du CHU de Québec.
« De plus, on traite mieux les patients atteints. On sait mieux quand leur donner de l’oxygène, de la cortisone ou des anticoagulants, un traitement qu’on n’utilisait pas au début », ajoute-t-il.
« Aujourd’hui, nous offrons probablement de meilleurs soins aux quelques patients qui ont dû être hospitalisés ces derniers temps », affirme le Dr Matthew Oughton, microbiologiste à l’Hôpital général juif, à Montréal. « Six à sept mois après l’arrivée de cette pandémie, nous savons mieux ce qui marche et ce qui ne fonctionne pas en matière de médication et de soins de support, cela contribue probablement un peu à la baisse de la mortalité. Au début de la première vague, on pensait que l’hydroxychloroquine était bénéfique en raison de données venant de France ; maintenant, nous savons que ce médicament ne l’est absolument pas, nous ne perdons plus de temps avec ça. Nous savons désormais que la dexaméthasone est très efficace pour réduire la mortalité. Nous savons aussi qu’il est préférable de ne pas intuber tous les patients nécessitant des soins intensifs, à moins qu’il n’y ait pas d’autres choix. »
« Comme l’a bien expliqué la Santé publique, non seulement ici au Québec, mais aussi ailleurs au Canada, la majorité des nouveaux cas que nous voyons surviennent au sein d’une population plus jeune et en bonne santé, soit généralement des adultes âgés de 20 à 40 ans. Or, ce groupe court un risque significativement moindre de développer des complications graves et de mourir que la plupart des patients de la première vague », rappelle-t-il.
« Mais la grande menace pour notre système de santé viendra de la transmission dans la communauté par cette population de jeunes adultes, car il est très probable que nous verrons des transmissions sous-jacentes à des groupes plus vulnérables, comme les populations des CHSLD et des résidences privées pour aînés, ou encore les personnes défavorisées socio-économiquement, qui ont été identifiées comme à risque de complications, comme nous l’avons vu durant la première vague », croit-il.
« Ce n’est pas parce que vous avez un faible risque de complication que vous n’êtes pas infectieux. Plus le nombre de cas dans la communauté est élevé, moins nous aurons le contrôle sur ces transmissions, plus il est vraisemblable que l’on verra la transmission se poursuivre. Or, il y a beaucoup de données indiquant que nous avons de plus en plus de difficulté à contrôler la transmission dans la communauté actuellement. Quand on voit l’augmentation du nombre de cas dans la communauté, après un certain délai, on observera une augmentation des hospitalisations, puis après un autre délai surviendra une augmentation du nombre de complications et de décès. Cela ne surviendra pas demain, mais dans les trois à quatre prochaines semaines », explique le Dr Oughton.
« La mortalité plus basse s’explique parce que cette deuxième phase touche une population plus jeune. Mais ce n’est qu’une question de temps avant que les plus vulnérables soient atteints », résume pour sa part la Dre Cécile Tremblay, infectiologue au CHUM.