Pierre Anctil, qui est à la tête du CA du centre hospitalier spécialisé, a fait des aveux à l’UPAC lors de Mâchurer
Le président du conseil d’administration de l’Institut de cardiologie de Montréal, au cœur d’un controversé projet de vente de données de santé des Québécois, a admis à la police avoir trempé dans des stratagèmes douteux de financement politique à l’époque où il travaillait chez SNC-Lavalin.
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Notre Bureau d’enquête a consulté une déclaration faite à l’Unité permanente anticorruption (UPAC) par l’ingénieur Pierre Anctil, dans le cadre de la fameuse enquête policière Mâchurer.
Dans cette déclaration, datée du 21 avril 2014, Anctil affirme avoir rencontré à plusieurs reprises l’ex-argentier libéral Marc Bibeau et lui avoir remis une enveloppe contenant des chèques.
Or, Anctil siège maintenant comme membre du comité de la gouvernance et de l’éthique de l’Institut de cardiologie de Montréal (ICM), où il a analysé le controversé projet Precinomics, visant la création et l’exploitation d’une base de données de santé des Québécois.
Questions d’éthique
Révélé par notre Bureau d’enquête, ce projet est financé par le ministère de l’Économie, dirigé par Pierre Fitzgibbon, qui a dit souhaiter vendre les données médicales des Québécois aux pharmaceutiques.
Cela soulève plusieurs questions d’éthique :
- Est-ce qu’on a tout fait pour protéger l’anonymat des patients?
- Est-ce que le consentement des patients a bel et bien été respecté?
- Les données vont-elles profiter à certaines compagnies pharmaceutiques en particulier, notamment dans des projets impliquant la famille Desmarais, généreuse donatrice à l’Institut de cardiologie?
Au cours des dernières semaines, les partis d’opposition et des experts ont émis des réserves et réclamé une consultation publique sur la vente de ces données. La CAQ a toutefois refusé de tenir cette commission parlementaire.
Depuis, notre Bureau d’enquête a découvert que l’un des responsables de l’ICM qui a analysé le projet a déjà été mêlé au financement du Parti libéral.
Dans sa déclaration à l’UPAC, il a reconnu qu’il était au courant du financement du Parti libéral par SNC-Lavalin. En 2005, il a succédé à Normand Morin au poste de responsable du financement politique chez SNC-Lavalin.
L’ingénieur a notamment dit aux enquêteurs de l’UPAC avoir rencontré à de nombreuses reprises l’ex-grand argentier du Parti libéral du Québec, Marc Bibeau. Ce dernier est au cœur de l’enquête Mâchurer menée par l’Unité permanente anticorruption depuis plus de six ans.
150 000 $ au PLQ
Pierre Anctil a avoué lui avoir remis une enveloppe contenant des chèques et l’a informé que de l’argent comptant lui serait acheminé pour boucler le financement annuel.
SNC remettait environ 150 000 $ annuellement au PLQ, a souligné Pierre Anctil lors de l’enquête.
M. Anctil a affirmé à l’UPAC avoir toujours exprimé son opposition au système de financement politique à son employeur.
Son nom est également ressorti à la commission Charbonneau, qui lui a envoyé un préavis défavorable alléguant qu’il a participé, au nom de SNC-Lavalin, à un système de collusion impliquant des firmes de génie à la Ville de Montréal.
Toujours en poste
Malgré que certaines de ces révélations ont été rendues publiques en 2014, Pierre Anctil a pu garder son poste de président du conseil à l’ICM ainsi que siéger au comité éthique de l’établissement.
«Je vous confirme avoir informé la direction et le Conseil d’administration de l’ICM de ma participation aux enquêtes qui ont eu cours sur le financement des partis politiques», a écrit M. Anctil à notre Bureau d’enquête.
Malgré tout, l’ex-ministre de la Santé Gaétan Barrette a reconduit M. Anctil dans ses fonctions en 2015, tout comme l’a fait la ministre Danielle McCann l’automne dernier.
– Avec Andréa Valeria et Marie Christine Trottier
Pierre Anctil, un ingénieur très influent
- Directeur général du PLQ de 1988 à 1993
- Président de deux commissions du PLQ dans les années 1980
- Chef de cabinet du premier ministre libéral Daniel Johnson de 1994 à 1996
- Responsable du plan de communication de la campagne du NON au référendum de 1995
- Ingénieur et vice-président chez SNC-Lavalin de 1997 à 2008
- Vice-président de la division des investissements en infrastructures et responsable du financement politique du PLQ chez SNC de 2005 à 2008
- Cofondateur, président et chef de la direction de Axium Infrastructure (auparavant Fiera-Axium Infrastructure), depuis 2008
- Président du conseil d’administration de l’Institut de cardiologie de Montréal depuis 2010
Rencontré par l’UPAC
Lié à d’autres controverses
► CONTRAT DU CRCHUM
En 2010, la construction du Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM) avait fait des vagues à l’Assemblée nationale, à Québec.
La nouvelle entreprise de Pierre Anctil, Fiera-Axium Infrastructure, était l’une des firmes principales du consortium Accès Recherche CHUM qui venait de décrocher le contrat d’un demi-milliard de dollars. SNC-Lavalin était le gestionnaire de projet.
M. Anctil venait tout juste de prendre sa retraite de cette firme. À Québec, l’opposition avait exprimé une vive préoccupation, en raison des liens entre M. Anctil et le PLQ, rapportait La Presse à l’époque.
«Quand on voit qu’on a consenti à donner un contrat de plus d’un milliard de dollars à un consortium qui n’a pas de compétition et que, dans ce consortium se trouve un bonze du Parti libéral depuis 20 ans, ça devient drôlement inquiétant pour tout le monde», avait affirmé le député péquiste Sylvain Simard.
Le premier ministre de l’époque, Jean Charest, avait répliqué que Pierre Anctil était «un homme intègre» et qu’il était «totalement à l’aise» avec le choix du consortium.
► FINANCEMENT DU RÉFÉRENDUM DE 1995
Le nom de Pierre Anctil apparaît dans le rapport d’enquête du Directeur général des élections du Québec sur les activités fédéralistes lors du référendum de 1995. Le document soutient que des «personnes en autorité» au Parti libéral du Québec (PLQ), dont Stéphane Bertrand (l’ex-chef de cabinet de Jean Charest), Pietro Perrino (ex-secrétaire général associé) et Pierre Anctil, ont «manqué de vigilance» par rapport aux activités d’Option Canada et du Conseil pour l’unité canadienne (CUC).
L’organisme Option Canada, financé par le CUC, a participé au financement du camp du Non, sans déclarer de nombreuses dépenses à l’agente officielle.
En 1995, M. Anctil était membre du Comité d’organisation référendaire.
Selon l’enquête, le camp du NON avait dépensé au total un demi-million de dollars de façon illégale par le truchement de ces deux organisations. Dans son témoignage, Grégoire Gollin, le propriétaire de l’entreprise Créatec+, «le sondeur» du PLQ depuis plusieurs années, a affirmé que Pierre Anctil l’avait invité à expédier une facture à Option Canada, bien que les services aient été rendus en période référendaire. M. Anctil avait soutenu ne pas avoir donné cette directive à M. Gollin.
Le rapport n’avait pas mis en doute «la bonne foi» de Pierre Anctil. Ce dernier n’a ainsi pas reçu de «conclusion défavorable».
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec