Lors d’une discussion avec l’un de mes amis ressortissant de l’un des pays du Golfe, je lui ai posé la question suivante : Nous savons tous que la coopération de vos pays avec Israël ne date pas d’hier et qu’elle allait bon train sous la table, quoique timidement et secrètement. Alors, pourquoi la révéler maintenant sur tous les écrans ?
Il a répondu : Écoute mon frère. Je ne te parlerai pas comme les perroquets qui disent que c’est à cause de l’Iran ou de l’expansionnisme chiite, comme je ne reprendrai pas les discours populistes des uns et des autres. Cette affaire ne dépend pas de nous, pour la bonne raison que nous, je veux dire les Pays du Golfe, nous ne sommes pas les décideurs. Tu sais très bien que nos pays sont occupés et que les bases américaines sur notre sol sont parmi les plus étendues et les plus denses, mis à part la base navale de l’île de Guam frontalière de l’Océan pacifique. Tu sais aussi que les réacteurs nucléaires iraniens ne sont pas le problème même si l’Iran se mettait à fabriquer des bombes nucléaires, car il est entouré de pays dotés de telles armes, ne serait-ce qu’Israël qui en possèderait des centaines.
Je lui ai demandé : Mais alors, où est le problème ?
Il a répondu : Tu sais que si l’expansion économique de la Chine continuait à progresser au rythme actuel, elle saignerait sérieusement l’économie américaine et que si « la nouvelle route de la soie » était achevée, elle pourrait défaire la relation de l’Union européenne avec l’Amérique; autrement dit, tout ce que l’Amérique a échafaudé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale serait anéanti. D’où la décision américaine de boucler toutes les routes commerciales, les ports, les zones de transit des marchandises et des hydrocarbures, etc., en plus de déclencher une guerre d’usure interne et externe contre la Chine. Autant d’objectifs qui nécessitent le transfert de la puissance militaire américaine de la région du Golfe vers la région du Pacifique, parallèlement à la promotion d’Israël au rang militaire de commandant en chef de la région, derrière le prétexte d’accords de « normalisation » pour la paix et la protection contre les ambitions iraniennes. En d’autres termes : l’Iran est l’intitulé de la manœuvre, tandis que la Chine en est la raison profonde.
Par ailleurs, tu as sans doute constaté à quelle vitesse avance le plan de nettoyage de la région, notamment au Liban, en Irak et en Syrie, avec Israël qui exécute le plan de l’État profond américain adopté par le Pentagone après avoir été avancé par Mike Pompeo alors qu’il dirigeait la Central Intelligence Agency [CIA]. Un plan qui visait la chute des deux « régimes » iranien et syrien et qui repose sur trois piliers principaux :
- Encerclement politique et élimination des personnalités ayant valeur de symbole national par les assassinats ou les forces opposées.
- Broyage économique par les sanctions et la destruction ainsi que l’assèchement des centres financiers en vue de la création d’un chaos qui sabote ces régimes de l’intérieur.
- Soutien des forces opposées, associé à une guerre d’usure secrète qui finirait par affecter les installations logistiques stratégiques.
Le tout, cher ami, avec la coopération des services du renseignement de pays arabes et de pays du Golfe.
Je lui ai demandé : À ton avis, quelles seraient les dispositions prises par l’Iran, la Russie ou la Chine pour faire face à ce plan ?
Il m’a répondu en riant : Je répondrai à ta question si tu me dis ce qu’a pu faire la Russie face aux manœuvres dirigées contre des régimes socialistes en Amérique latine et même, en Biélorussie. Mon cher, ces États sont certes de grandes puissances régionales, mais l’« Amérique est un Empire » !
C’est avec une précaution toute amicale que je lui ai posé cette dernière question : Admettons que demain, Netanyahou décide d’écarter Mohammad Ben Zayed al-Nahyane du pouvoir, pour le remplacer par Mohammad ben Rachid al-Maktoum, que feriez-vous ?
Il a répondu : Rien du tout. Nous applaudirions Mohammad ben Rachid al-Maktoum !
Imad Jabbour
Un citoyen syrien résidant à Damas / FB
Le 25 septembre 2020
Texte traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal pour Mondialisation
Source: Lire l'article complet de Mondialisation.ca