Reprise de l’audience pour l’extradition d’Assange

Paru dans lundimatin#254, le 14 septembre 2020

Nous re-publions ici une traduction du compte-rendu fait par Craig Murray du premier jour de la reprise de l’audience en extradition vers les États-Unis du fondateur de Wikileaks. Craig Murray, ancien diplomate ayant lancé l’alerte sur les manigances criminelles de l’empire Britannique, a suivi l’affaire Assange de près et depuis bien longtemps. Il était parmi les 5 (!) membres du public autorisés à assister physiquement à l’audience.

Votre homme dans la galerie publique : l’audience d’Assange – Craig Murray

« Jour 6 » : 1er jour de la reprise de l’audience d’extradition, le 7 septembre 2020.

Aujourd’hui je me suis rendu au tribunal de Old Bailey en m’attendant à être impressionné par la majestuosité de la loi, et j’en suis revenu révolté par l’administration sordide de l’injustice.

Il y a un certain romantisme qui entoure le Old Bailey. Le nom signifie bien sûr enceinte fortifiée et il se dresse sur une parcelle de terrain millénaire au bord de l’ancienne muraille de la ville de Londres. C’est le site de la prison médiévale de Newgate, et des procès officiels ont eu lieu au Old Bailey depuis au moins 500 ans, par centaines de milliers. Pendant la majeure partie de cette période, les personnes condamnées, même pour des délits mineurs de vol, étaient emmenées et exécutées dans la ruelle à l’extérieur. On pense que des centaines, voire des milliers de personnes sont enterrées sous les trottoirs.

L’architecture gothique imposante de l’actuel grand bâtiment pas plus ancien que 1905, et l’arrière et les côtés sont bordés d’un horrible bâtiment utilitaire bon marché datant des années 1930. C’est par une entrée en tunnel dans cette partie que cinq d’entre nous, la famille et les amis désignés par Julian, ont nerveusement marché ce matin. On nous a fait monter à la Cour 10 par de nombreux escaliers qui semblaient être l’entrée arrière d’une cantine d’usine particulièrement mal tenue. Les carreaux étaient ébréchés, les murs sales et des éclats de peinture pendaient des plafonds en ruine. Seules les caméras de sécurité qui nous observaient étaient neuves – si neuves, en fait, que des petits tas de poussière de plâtre et de briques se trouvaient sous chacune d’elles.

La Cour 10 semblait être une salle moderne assez lumineuse et ouverte, avec une agréable menuiserie légère, coincée comme une mezzanine à l’intérieur d’une grande voûte de l’ancien bâtiment. Une arche massive s’introduisait de façon incongrue dans l’espace et était manifestement humide, des feuilles de peinture blanche décollées tombaient comme des drapeaux en berne. Le banc des accusés dans lequel Julian serait détenu avait toujours un écran de verre pare-balles devant, comme à Belmarsh, mais il n’était pas clos. L’écran ne montait pas jusqu’au plafond de sorte que le son pouvait circuler librement et Julian semblait beaucoup plus présent. Il y avait également beaucoup plus de petites fentes, plus larges que la fameuse cabine de Belmarsh, et Julian pouvait communiquer assez facilement et librement avec ses avocats, ce qu’on ne lui a pas interdit cette fois-ci.

À notre grande surprise, personne d’autre que nous cinq n’a été autorisé à pénétrer dans la galerie publique du tribunal 10. D’autres, comme John Pilger et Kristin Hrafnsson, rédacteur en chef de Wikileaks, ont été dirigés vers le tribunal 9 adjacent, où un très petit nombre d’entre eux ont été autorisés à fixer, les yeux plissés, un écran minuscule sur lequel le son était si inaudible que John Pilger est simplement parti. Beaucoup d’autres personnes qui s’attendaient à assister à l’audience, comme Amnesty International et Reporters sans frontières, ont tout simplement été exclues, tout comme les députés du parlement fédéral allemand (les députés allemands et Reporters sans frontières ont eu plus tard accès à la vidéo, suite à de fortes pressions de l’ambassade allemande).

La raison invoquée pour justifier le fait que seuls cinq d’entre nous étaient admis dans la galerie publique de quelque 40 sièges était la distanciation sociale ; sauf que nous étions autorisés à nous asseoir tous ensemble sur des sièges contigus au premier rang. Les deux rangées derrière nous sont restées complètement vides.

Pour terminer la mise en scène, Julian lui-même avait l’air soigné et bien habillé, et semblait avoir repris un peu de poids, mais avec un certain gonflement malsain de ses traits. Le matin, il semblait détaché et désorienté comme à Belmarsh, mais l’après-midi, il s’est relevé et s’est beaucoup investi auprès de son équipe de défense, interagissant aussi normalement qu’on pouvait s’y attendre dans ces circonstances.

La procédure a commencé par les formalités liées à la libération de Julian en vertu de l’ancien mandat d’extradition et à sa ré-arrestation en vertu du nouveau mandat, qui ont eu lieu ce matin. La défense et l’accusation ont toutes deux convenu que les points qu’elles avaient déjà débattus sur l’interdiction d’extradition pour des délits politiques n’étaient pas affectés par l’acte d’accusation remplaçant.

La magistrate Baraitser a ensuite fait une déclaration sur l’accès au tribunal par audition à distance, c’est-à-dire en ligne. Elle a déclaré qu’un certain nombre de détails d’accès avaient été envoyés par erreur par le tribunal sans son accord. Elle avait donc révoqué leurs autorisations d’accès.

Au moment où elle s’exprimait, nous, au tribunal, n’avions aucune idée de ce qui s’était passé, mais à l’extérieur régnait une certaine consternation en ce sens que l’accès en ligne d’Amnesty International, de Reporters sans frontières, de John Pilger et de quarante autres personnes avait été refusé. Comme ces personnes n’avaient pas été autorisées à assister au tribunal ni à observer en ligne, cela a provoqué une certaine indignation.

Mme Baraitser a poursuivi en disant qu’il était important que l’audience soit publique, mais qu’elle ne devait accepter l’accès à distance que lorsqu’il était « dans l’intérêt de la justice », et qu’après l’avoir examiné, elle avait décidé qu’il ne l’était pas. Elle a expliqué cela en déclarant que le public pouvait normalement observer de l’intérieur de la salle d’audience, où elle pouvait contrôler son comportement. Mais si le public avait accès à distance, elle ne pouvait pas contrôler son comportement et que cela n’était pas dans « l’intérêt de la justice ».

Mme Baraitser ne s’est pas étendue sur quel comportement incontrôlé elle s’attendait de la part de ceux qui observaient via Internet. Il est certainement vrai qu’un observateur d’Amnesty assis chez lui peut être en sous-vêtements, fredonner la bande son complète de « Mamma Mia » ou lâcher un gros pet. Sans plus de précisions de la part de la juge, il ne nous reste qu’à spéculer sur les raisons pour lesquelles cela porterait atteinte aux « intérêts de la justice ». Mais il est évident que les intérêts de la justice seraient mieux servis si presque personne ne pouvait examiner la « justice » de trop près.

La prochaine « question d’ordre administratif » à traiter est celle de la manière dont les témoins doivent être entendus. La défense a appelé de nombreux témoins, et chacun d’entre eux a déposé une déclaration écrite. L’accusation et Baraitser ont tous deux suggéré que, ayant fait leur déposition par écrit, il n’était pas nécessaire que les témoins de la défense fassent cette déposition oralement en audience publique. Il serait beaucoup plus rapide de passer directement au contre- interrogatoire par l’accusation.

Pour la défense, Edward Fitzgerald QC a rétorqué que la justice devrait être rendue par le public. Le public devrait pouvoir entendre les preuves de la défense avant d’entendre le contre-interrogatoire. Cela permettrait également à Julian Assange d’entendre le résumé des preuves, ce qui était important pour lui afin de suivre l’affaire étant donné son manque d’accès aux documents juridiques pendant son séjour à la prison de Belmarsh.

Baraitser a déclaré qu’il ne serait pas nécessaire que les preuves qui lui ont été soumises par écrit soient répétées oralement. Pour la défense, Mark Summers QC n’était pas prêt à lâcher prise et la tension est sensiblement montée d’un cran. Summers a déclaré qu’il était normal qu’il y ait « une exposition méthodique et rationnelle des preuves ». Quant à l’accusation, James Lewis QC a nié cette affirmation, déclarant que ce n’était pas une procédure normale.
Baraitser a déclaré qu’elle ne voyait pas pourquoi les témoins devraient être programmés pour une heure quarante-cinq minutes chacun, ce qui était trop long. Lewis est d’accord. Il a également ajouté que l’accusation n’accepte pas que les témoins experts présentés par la défense soient des témoins experts. Un professeur de journalisme qui parle de la couverture des journaux ne compte pas. Un témoin expert ne devrait témoigner que sur un point technique que le tribunal n’est pas qualifié pour examiner. Lewis a également objecté qu’en témoignant oralement, les témoins de la défense pouvaient énoncer des faits nouveaux auxquels le ministère public n’avait pas eu le temps de réagir. Baraitser a fait remarquer que les déclarations écrites de la défense étaient publiées en ligne, et qu’elles étaient donc accessibles au public.

Edward Fitzgerald QC se lève pour reprendre la parole, et Baraitser s’adresse à lui sur un ton de mépris assez extraordinaire. Voici ce qu’elle a dit précisément : « Je vous ai donné toutes les chances. Y a-t-il vraiment autre chose que vous voulez dire », le mot « vraiment » étant très fortement souligné et sarcastique. Fitzgerald a refusé de s’asseoir, et il a déclaré que l’affaire en cours présentait « des questions substantielles et nouvelles touchant à des questions fondamentales des droits de l’homme ». Il était important que les preuves soient données en public. Cela a également donné aux témoins l’occasion de souligner les points clés de leur témoignage et les points auxquels ils accordent le plus de poids.

Mme Baraitser a demandé une brève suspension d’audience afin d’examiner cette question, puis est revenue. Elle s’est opposée à ce que les témoins de la défense témoignent en audience publique, mais a accepté que chaque témoin dispose d’une demi-heure pour se faire guider par les avocats de la défense, afin de leur permettre de s’orienter et de reprendre connaissance de leur témoignage avant le contre- interrogatoire.

Cette demi-heure pour chaque témoin représentait une sorte de compromis, en ce sens qu’au moins la preuve de base de chaque témoin de la défense serait entendue par le tribunal et le public (dans la mesure où le public était autorisé à entendre quoi que ce soit). Mais l’idée qu’une limite maximum standard d’une demi-heure soit raisonnable pour tous les témoins, qu’ils témoignent d’un seul fait ou de l’évolution de la situation au fil des ans, est tout simplement absurde. Ce qui est ressorti le plus fortement de cette réponse, c’est le désir du juge et de l’accusation de faire passer l’extradition par le chemin le plus court possible, sans que l’affaire ne soit rendue publique.

Lorsque le juge a levé la séance pour une courte pause, nous avons pensé que ces questions étaient maintenant résolues et que le reste de la journée serait plus calme. Nous nous trompions lourdement.

Le tribunal a repris ses travaux avec une nouvelle requête de la défense, dirigée par Mark Summers QC, concernant les nouvelles accusations du gouvernement américain qui remplacent les anciennes. Summers a rappelé à la cour l’historique de cette audience d’extradition. Le premier acte d’accusation avait été établi en mars 2018. En janvier 2019, une demande d’extradition provisoire avait été faite, qui avait été mise en œuvre en avril 2019 lors de l’extraction d’Assange de l’ambassade. En juin 2019, cette demande a été remplacée par la demande complète avec un nouvel acte d’accusation qui avait été la base de cette procédure jusqu’à aujourd’hui. Toute une série d’audiences ont eu lieu sur la base de ce deuxième acte d’accusation.

Le nouvel acte d’accusation qui le remplace date du 20 juin 2020. En février et mai 2020, le gouvernement américain avait autorisé la tenue d’audiences sur la base du deuxième acte d’accusation, sans préavis, même si à ce stade, il devait savoir que le nouvel acte d’accusation allait être publié. Il n’avait donné aucune explication ni présenté d’excuses à ce sujet.

La défense n’avait pas été correctement informée de l’acte d’accusation qui le remplace, et n’avait en fait appris son existence que par un communiqué de presse du gouvernement américain le 20 juin. Ce n’est que le 29 juillet, il y a tout juste six semaines, que l’acte d’accusation a finalement été officiellement signifié dans le cadre de cette procédure. Au début, il n’était pas évident de savoir comment l’acte d’accusation remplaçant allait avoir une incidence sur les charges, car le gouvernement américain était en train de dire qu’il ne faisait aucune différence mais se contentait de donner des détails supplémentaires. Mais le 21 août 2020, pas avant, il est finalement apparu clairement dans les nouveaux documents du gouvernement américain que les accusations elles-mêmes avaient été modifiées.

Il y avait maintenant de nouvelles accusations qui étaient indépendantes et sans rapport avec les allégations précédentes. Même si les 18 accusations liées à Manning étaient rejetées, ces nouvelles allégations pourraient toujours constituer un motif d’extradition. Parmi ces nouvelles allégations, on peut citer l’encouragement au vol de données d’une banque et du gouvernement islandais, la transmission d’informations sur le suivi de véhicules de police et le piratage des ordinateurs de particuliers et d’une société de sécurité.
« On ne sait pas quelle proportion de ce nouveau matériel présumé est criminel », a déclaré M. Summers, qui a ajouté qu’il n’était pas du tout évident qu’un Australien donnant des conseils à quelqu’un en Islande depuis l’étranger sur la manière de déchiffrer un code soit en fait criminel si cela se produisait au Royaume-Uni. Et ce, même sans tenir compte également du test de double incrimination aux États-Unis, qui doit être validé avant que le comportement ne fasse l’objet d’une extradition.

Il était impensable que des allégations de cette ampleur fassent l’objet d’une nouvelle audience d’extradition dans un délai de six semaines si elles étaient présentées comme un nouveau cas. Il est clair que cela ne donnait pas à la défense le temps de se préparer ou de faire venir des témoins pour ces nouvelles accusations. Parmi les questions relatives à ces nouvelles accusations que la défense souhaiterait aborder, certaines n’étaient pas de nature pénale, d’autres étaient hors délai, d’autres encore avaient déjà fait l’objet d’accusations dans d’autres instances (notamment le tribunal de Southwark et les tribunaux américains).

Il y avait également des questions importantes à se poser sur les origines de certaines de ces accusations et la nature douteuse des témoins. En particulier, le témoin identifié comme « adolescent » (« teenager ») était la même personne que celle identifiée comme « Islande 1 » dans l’acte d’accusation précédent. Cet acte d’accusation contenait un « alerte concernant la santé » du témoin, donné par le ministère américain de la justice. Ce nouvel acte d’accusation a supprimé cette alerte. Mais le fait est que ce témoin est Sigurdur Thordarson, qui avait été condamné en Islande en relation avec ces événements de fraude, de vol, de vol d’argent et de matériel Wikileaks et d’usurpation d’identité de Julian Assange.
L’acte d’accusation n’indique pas que le FBI a été « expulsé d’Islande pour avoir tenté d’utiliser Thordarson pour piéger Assange », a déclaré Summers sans ambages.

Summers a déclaré que toutes ces questions devraient être traitées lors de ces audiences si les nouvelles accusations devaient être entendues, mais la défense n’a tout simplement pas eu le temps de préparer ses réponses ou ses témoins dans les six brèves semaines qui se sont écoulées depuis qu’elle les a reçues, même en mettant de côté les problèmes extrêmes de contact avec Assange dans les conditions dans lesquelles il était détenu à la prison de Belmarsh.
La défense aurait manifestement besoin de temps pour préparer ses réponses à ces nouvelles accusations, mais il serait manifestement injuste de maintenir Assange en prison pendant les mois que cela prendrait. La défense a donc suggéré que ces nouvelles accusations soient retirées de la liste des agissements à examiner par le tribunal et que les preuves de comportement criminel soient limitées aux agissements qui avaient été précédemment allégués.

Summers a fait valoir qu’il était « tout à fait injuste » d’ajouter ce qui était en droit de nouvelles allégations criminelles distinctes, à bref délai et « entièrement sans préavis et sans donner à la défense le temps d’y répondre ». Ce qui se passe ici est anormal, injuste et susceptible de créer une réelle injustice si on le laissait se poursuivre ».

Les arguments présentés par l’accusation reposent désormais sur ces toutes nouvelles allégations. Par exemple, l’accusation a maintenant contré les arguments sur les droits des lanceurs d’alerte et la nécessité de révéler les crimes de guerre en déclarant qu’il ne pouvait pas y avoir de telle nécessité pour pirater une banque en Islande.

Summers a conclu que « l’affaire devrait se limiter à la conduite que le gouvernement américain avait jugé bon d’alléguer au cours des dix-huit mois de l’affaire » avant leur deuxième nouvelle mise en accusation.
Répondant à Summers pour l’accusation, Joel Smith QC a répondu que le juge était obligé par la loi de prendre en considération les nouvelles accusations et ne pouvait pas les retirer. « S’il n’y a rien de correct dans la restitution d’une nouvelle demande d’extradition après le rejet d’une première demande, il n’y a rien d’abusif dans le remplacement d’un acte d’accusation avant le rejet de la première demande ». En vertu de la loi sur l’extradition, le tribunal ne doit se prononcer que sur la question de savoir si l’infraction est susceptible d’extradition et si le comportement allégué répond au critère de double incrimination. Le tribunal n’a pas d’autre rôle et n’est pas compétent pour rejeter une partie de la demande.

M. Smith a déclaré que toutes les autorités (précédents) ont été amenées à retirer des charges d’une affaire pour permettre l’extradition sur la base des charges solides restantes, et que les charges qui ont été retirées ne l’ont été que sur la base de la double incrimination. Il n’y a pas eu d’exemple d’inculpation ayant fait l’objet d’une telle mesure pour empêcher une extradition. Et la décision de rejeter les charges n’a jamais été prise qu’après que le comportement allégué ait été examiné par le tribunal. Il n’y a aucun exemple de conduite alléguée qui n’ait pas été examinée par le tribunal. Le défendeur peut demander un délai supplémentaire si nécessaire, mais les nouvelles allégations doivent être examinées.

Summers a répondu que Smith avait « tort, tort, tort et tort ». « Nous ne disons pas que vous ne pouvez jamais soumettre un nouvel acte d’accusation, mais vous ne pouvez pas le faire six semaines avant l’audience sur le fond ». Les effets de ce que Smith avait dit ne se sont pas élevés à plus de « Ha ha c’est ce que nous faisons et vous ne pouvez pas nous arrêter ». Un changement substantiel de dernière minute avait été effectué sans explication ni excuse. Il ne pouvait être question, comme le prétendait Smith, d’un pouvoir autorisant l’accise sur les charges en équité envers l’accusation, mais il n’y avait aucun pouvoir autorisant l’accise sur les charges en équité envers la défense.
Aussitôt Summers s’est assis, Baraitser a donné son avis sur ce point. Comme souvent lors de cette audience, il s’agissait d’un jugement pré- écrit. Elle l’a lu à partir d’un ordinateur portable qu’elle avait apporté avec elle dans la salle d’audience, et elle n’a apporté aucune modification à ce document alors que Summers et Smith plaidaient l’affaire devant elle.

Baraitser a déclaré qu’il lui avait été demandé, à titre préliminaire, de retirer de l’affaire certains comportements allégués. M. Summers a qualifié d’extraordinaire la réception de nouvelles allégations. Toutefois, « j’ai offert à la défense la possibilité d’ajourner l’affaire » pour leur donner le temps de se préparer à faire face aux nouvelles allégations. « J’ai bien sûr considéré que M. Assange était en détention. J’ai entendu dire que M. Summers estime qu’il s’agit d’une injustice fondamentale ». Mais « l’argument selon lequel nous n’avons pas le temps, devrait être corrigé en demandant du temps ».

M. Summers avait soulevé des questions de double incrimination et d’abus de procédure ; rien ne l’empêchait de soulever ces arguments dans le cadre de l’examen de la demande telle qu’elle est maintenant présentée.
Baraitser a simplement ignoré l’argument selon lequel, s’il n’y avait effectivement « rien qui empêchait » la défense de répondre aux nouvelles allégations au fur et à mesure de l’examen de chacune d’entre elles, il ne leur avait pas été donné le temps nécessaire pour se préparer de manière adéquate. Après avoir lu son jugement préparé à l’avance pour procéder sur la base du nouvel acte d’accusation, Baraitser a ajourné le tribunal pour le déjeuner.
À la fin de la journée, j’ai eu l’occasion de parler à une avocate extrêmement distinguée et bien connue au sujet de l’introduction par Baraitser de jugements pré-rédigés au tribunal, préparés avant qu’elle n’ait entendu les avocats plaider l’affaire qui lui était soumise. J’ai cru comprendre qu’elle avait déjà vu les grandes lignes d’arguments pré- écrits, mais c’était pour sûr une mauvaise pratique. À quoi servait que les avocats se disputent pendant des heures si le jugement était pré-écrit ? Ce que je voulais vraiment savoir, c’était dans quelle mesure il s’agissait d’une pratique normale.

L’avocate m’a répondu que ce n’était absolument pas une pratique normale, que c’était totalement scandaleux. Au cours d’une longue et éminente carrière, cette avocate avait très occasionnellement vu cela se produire, même à la Haute Cour, mais il y avait toujours un effort pour dissimuler le fait, peut-être en insérant une référence à des points faits oralement dans la salle d’audience. Baraitser ne faisait aucun effort. La question était, bien sûr, de savoir si c’était son propre jugement pré-écrit qu’elle lisait, ou quelque chose qui lui avait été donné d’en haut.

Ce fut une matinée assez choquante. L’imposition d’un temps limite aux témoins de la défense pour faire avancer l’affaire, et même la tentative de s’assurer que leurs témoignages ne soient pas entendus devant le tribunal, à l’exception des parties que l’accusation a jugé bon d’attaquer lors du contre-interrogatoire, ont été à couper le souffle. L’effort de la défense pour retirer l’acte d’accusation de dernière minute a été un point fondamental qui a été tranché sommairement. Une fois encore, le comportement et le langage même de Baraitser n’ont guère tenté de dissimuler son hostilité à l’égard de la défense.

Pour la deuxième fois de la journée, nous étions en pause, pensant que les événements devaient maintenant se calmer et devenir moins dramatiques. Une fois de plus, nous avions tort.

Le tribunal a repris ses travaux avec quarante minutes de retard après le déjeuner, alors que diverses querelles de procédure étaient traitées à huis clos. À la reprise de la séance, Mark Summers, pour la défense, s’est levé avec une bombe.

Summers a déclaré que la défense avait « reconnu » le jugement que Baraitser venait de rendre – un choix de mot très prudent, par opposition à « respecté » qui pourrait sembler plus naturel. Comme elle avait décidé que le remède au manque de temps était un délai plus long, la défense a demandé un ajournement pour leur permettre de préparer les réponses aux nouvelles accusations. Elle ne l’a pas fait à la légère, car M. Assange allait continuer à être emprisonné dans des conditions très difficiles pendant l’ajournement.

Summers a déclaré que la défense n’était tout simplement pas en mesure de rassembler les preuves pour répondre aux nouvelles accusations en quelques semaines seulement, une situation encore aggravée par les restrictions de Covid. Il est vrai que le 14 août, Baraitser avait proposé un ajournement et que le 21 août, ils avaient refusé l’offre. Mais durant cette période, M. Assange n’avait pas eu accès aux nouvelles accusations et ils n’avaient pas pleinement réalisé à quel point il s’agissait d’une nouvelle affaire autonome. À cette date, M. Assange n’avait toujours pas reçu en prison la note d’ouverture du nouveau procès, qui était un document crucial pour établir l’importance des nouvelles accusations.

Baraitser a demandé avec insistance si la défense pouvait parler à Assange en prison par téléphone. Summers a répondu par l’affirmative, mais il s’agissait de conversations extrêmement courtes. Ils ne pouvaient pas téléphoner à M. Assange ; il ne pouvait appeler que très brièvement à partir de la cabine téléphonique de la prison vers le portable de quelqu’un, et le reste de l’équipe devait essayer de se réunir autour pour écouter. Il n’a pas été possible, au cours de ces très brèves discussions, d’exposer de manière adéquate des éléments complexes. Entre le 14 et le 21 août, ils n’avaient pu avoir que deux appels téléphoniques très courts de ce type. La défense ne pouvait envoyer des documents à M. Assange que par la poste à la prison ; elle ne les lui a pas toujours remis, ni n’a été autorisée à les conserver.
M. Baraitser demande combien de temps un ajournement est demandé. Summers a répondu jusqu’en janvier.

Pour le gouvernement américain, James Lewis QC a répondu que cette demande devait être examinée plus en détail. Les nouveaux éléments de l’acte d’accusation sont purement criminels. Elles n’affectent pas les arguments sur la nature politique de l’affaire, ni la plupart des témoins. Si un délai supplémentaire était accordé, « avec l’historique de cette affaire, on nous présentera simplement un train d’autres éléments qui n’auront aucune incidence sur la petite extension du chef d’accusation numéro 2 ».

Baraitser a ajourné la séance « pour dix minutes » pendant qu’elle sortait pour examiner son jugement. En fait, elle a pris beaucoup plus de temps. À son retour, elle avait l’air particulièrement tendue.
Baraitser a décidé que le 14 août, elle avait donné à la défense la possibilité de demander un ajournement, et leur avait donné sept jours pour se prononcer. Le 21 août, la défense avait répondu qu’elle ne voulait pas d’ajournement. Elle n’a pas répondu qu’elle n’avait pas eu suffisamment de temps pour examiner la question. Aujourd’hui encore, la défense n’a pas demandé d’ajournement, mais a plutôt demandé que les nouvelles accusations soient rejetées. Ils « ne peuvent pas avoir été surpris par ma décision » contre cette demande. Ils devaient donc être prêts à procéder à l’audience. Leurs objections n’étaient pas fondées sur des circonstances nouvelles. Les conditions d’Assange à Belmarsh n’avaient pas changé depuis le 21 août. Ils avaient donc manqué leur chance et la motion d’ajournement a été rejetée.

L’atmosphère de la salle d’audience était désormais très chargée. Après avoir refusé, le matin, de supprimer l’acte d’accusation remplaçant au motif que le remède au manque de temps devrait être un délai supplémentaire, Baraitser refuse à présent de donner plus de temps. La défense l’avait prise au mot ; l’État avait apparemment confiance que les conditions à Belmarsh, équivalentes à de l’isolement, était si terribles qu’Assange ne demanderait pas plus de temps. Je soupçonne plutôt Julian de bluffer, et d’avoir pris à l’heure du déjeuner sa décision de demander plus de temps dans l’espoir qu’on le lui refuserait, et que l’hypocrisie de la procédure serait dévoilée.

J’ai déjà écrit sur mon blog que la supercherie procédurale du remplacement par le nouvel acte d’accusation du second acte d’accusation défaillant – comme Smith l’a dit pour l’accusation, « avant qu’il n’échoue » – était quelque chose qui avait de quoi rendre quelqu’un malade. Aujourd’hui, dans la salle d’audience, on pouvait sentir le soufre.

Eh bien, une fois de plus, nous avons eu le sentiment que les choses allaient se calmer. Cette fois, nous avions raison et elles sont devenues atrocement banales. Nous sommes finalement passés au premier témoin, le professeur Mark Feldstein, qui a témoigné devant le tribunal par liaison vidéo depuis les États-Unis. Ce n’est pas la faute du professeur Feldstein si la journée s’est terminée dans un climat de confusion et de désordre. Le tribunal n’a pas été en mesure de faire fonctionner la technologie vidéo. Pendant dix minutes émiettées sur environ quarante, Feldstein a pu brièvement témoigner, et même cela n’était pas du tout satisfaisant, car Mark Summers et lui parlaient sans cesse en même temps lors de l’échange.

Le témoignage du professeur Feldstein reprendra demain (aujourd’hui en
fait, à l’heure ou ces lignes sont écrites) et je pense qu’au lieu de le diviser, je vais en faire le compte rendu complet à ce moment-là. En attendant, vous pouvez consulter ces excellents résumés de Kevin Gosztola ou les rapports du matin et de l’après-midi de James Doleman. En fait, je vous serais reconnaissant de le faire, afin que vous puissiez voir que je n’invente ni n’exagère les faits de ces événements surprenants.

Si vous me demandiez de résumer aujourd’hui en un mot, ce mot serait sans doute « passage en force ». Il s’agissait de faire avancer l’audition le plus rapidement possible et en exposant le moins possible au public ce qui se passait. Accès refusé, ajournement refusé, exposition des preuves de la défense refusée, retrait des charges de substitution refusé. L’accusation avait manifestement échoué cette semaine-là à Woolwich au mois de février, mais tout cela semble bien loin. Elle a maintenant reçu un nouvel élan.

Nous verrons comment la défense traitera les nouvelles accusations. Il semble impossible qu’elle puisse le faire sans appeler de nouveaux témoins pour traiter les nouveaux faits. Mais les listes de témoins avaient déjà été finalisées sur la base des anciennes accusations. Que la défense soit forcée de poursuivre avec les mauvais témoins semble fou, mais franchement, je ne suis plus du tout surpris par quoi que ce soit dans ce procès faussé.

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Source: Lire l'article complet de L'aut'journal

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